« On peut tromper tout le monde pendant un certain temps
et certains pour toujours, mais on ne peut tromper
tout le monde éternellement. »
Les « lanceurs d’alerte » ont enfin un statut reconnu et protégé par la loi. Il était temps. Voyons ce qu’il en est à propos de la contraception orale depuis sa mise sur le marché…
1963, la pilule fait son entrée dans les pharmacies Françaises mais elle n’a alors qu’un statut de médicament. Les gynécologues ne peuvent la prescrire que pour traiter de « multiples troubles » féminins. Le magazine Science et Vie salue cette arrivée comme il se doit. Mais en même temps, cette revue bien informée connaît les études déjà nombreuses autour de ce contraceptif et elle pose une question tout en exigeant une information transparente : « Les Françaises (…) sont en droit d’être pleinement informées : quel est le mode d’action de la pilule anticonceptionnelle ? (…) Présente-t-elle des dangers ? »
Cinquante ans plus tard, ce droit à la transparence n’a toujours pas été accordé aux femmes et la réponse à cette question est toujours en suspens. Invraisemblable, incroyable mais massivement vrai !
1968, c’est l’arrivée massive de la pilule en Europe, synonyme de libération de la femme. Nous sommes à l’apogée des Trente Glorieuses, Wilhelm Reich est enfin traduit en Français (La Révolution sexuelle) – l’injonction « il faut éliminer le refoulement et libérer les pulsions » s’impose – et les slogans situationnistes triomphent : « Vivre sans temps morts et jouir sans entraves ». Un vent enchanteur souffle sur la France, Sheila chante Quand une fille aime un garçon à la première place du hit-parade de Salut les Copains. Françoise Giroud (dans L’Express) et Ménie Grégoire (sur les ondes de RTL) prêchent la bonne parole. Des millions de femmes, enthousiastes, deviennent consommatrices. Pour vivre pleinement leur sexualité – le retour en grâce de la vieille expression féminine « prendre son pied »3 date d’ailleurs de cette époque. Pour avoir, enfin, seulement les enfants qu’elles désirent. Voilà une juste cause : finies les grossesses non désirées ! C’est l’objectif numéro 1.
Pourtant, un premier doute émerge dans les médias Français. La revue Science et Vie – encore elle – publie un article intitulé La pilule : les généticiens s’inquiètent… Dans ce document d’archive que nous avons pu nous procurer, on lit ceci :
Sans contester cependant la nécessité d’une politique contraceptive moderne, d’ailleurs pratiquée aujourd’hui par toutes les grandes nations, il apparaît :
–qu’une grande marge d’ignorance subsiste quant aux mécanismes physiologiques des contraceptifs oraux (et même intra-utérins) ;
–que divers travaux signalent des contre-indications à leur usage, d’ordre circulatoire, glandulaire et psychiatrique ;
– que les conséquences génétiques éventuelles sont mal connues et pourraient, dans certains cas, mettre en péril la descendance des femmes utilisant les contraceptifs oraux actuels. »
L’auteur de ce grand article de quatre pages interroge un peu plus loin le lecteur et dénonce déjà des pratiques douteuses :
« Il semble aller de soi que, dans les problèmes de reproduction, la mère n’est pas seule en cause. Il y a aussi l’enfant. Mais cette évidence ne s’impose pas, apparemment, à certains experts qui s’occupent de la contraception.
Nous avons recueilli à ce propos le témoignage du Dr Jean de Grouchy, directeur de recherches au CNRS, et la clinique de génétique médicale de l’Hôpital des enfants malades.
La Commission chargée d’étudier la question, nous a-t-il dit, a non seulement négligé de prendre l’avis des généticiens, mais elle a refusé de les entendre. Et l’abrogation de la loi de 1920 (nda : qui interdisait tout acte ou même écrit en faveur du contrôle des naissances) a été mélangée à l’autorisation de vendre les contraceptifs oraux, problème scientifiquement distinct.
Dans La Semaine des Hôpitaux du 14 décembre 1967 p. 3336, et dans L’Économie du 23 novembre, p. 15, le Dr de Grouchy signalait une communication du biologiste canadien David H. Carr. Ce chercheur de la McMaster University relatait une étude, poursuivie avec l’aide du Medical Research Council of Canada, dont les implications sont d’une exceptionnelle gravité.
Et le journaliste Gabriel Veraldi de conclure après avoir cité nombre d’études dont certaines mettant en avant un risque d’augmentation des cas de « mongolisme » :
Répétons-le, ces expériences doivent être vérifiées, reproduites, interprétées. Il serait ridicule d’en faire prématurément une occasion d’inquiétude. Mais il serait criminel de les ignorer.
En 1977, quelques années seulement après la généralisation de ce moyen de contraception, Barbara Seaman, une célèbre journaliste américaine4, collaboratrice du New York Times et du Washington Post, activiste féministe de surcroît, lance un pavé (de plus de 500 pages) dans la mare avec Women and the Crisis in Sex Hormones.
Ce livre est coécrit avec le médecin et pharmacologue Gideon Seaman5. Remontant jusqu’à la première pilule mise sur le marché en 1960 (Enovid aux États-Unis) et jusqu’à 1967 en France, date de la légalisation de la contraception, ils déconseillent catégoriquement la prise d’hormones synthétiques et préconisent des alternatives. « Toute femme qui prend ces traitements vit dans un état biochimique altéré », écrivent-ils avant tout le monde à propos de ce qu’ils qualifient de « pilule du cancer ».
Cet ouvrage, traduit en Français et publié en 1984 par les éditions de L’Impatient sous le titre Dossier Hormones sera diffusé sous le manteau…
En 1980, le Dr Dominique Chatain, gynécologue, dresse chez nous un premier bilan alarmant. Son livre, Danger Pilule, publié chez un petit éditeur (Copernic) est le premier en France à offrir un dossier complet des inconvénients et des risques (cardiovasculaires, d’hypertension, de chute de libido, de prise de poids, de cancers…) de ce contraceptif. Au terme d’une enquête fort documentée, le Dr Chatain, évoquant ce qu’ilqualifie de « préhistoire de la contraception », prédit la fin de l’ère de la contraception hormonale et l’avènement de moyens plus sûrs pour la santé tels les spermicides.
En 1988, un autre éditeur, François-Xavier de Guibert, traduit et publie en France le livre du Dr Ellen Grant, Amère pilule. Ce document pourtant rigoureusement présenté ne rencontre aucun écho.
Ellen Grant, gynécologue, est avant tout une brillante chercheuse qui a travaillé à la conception de la pilule outre-Manche. Véritable apôtre de la contraception hormonale dès ses débuts en 1961 – elle avait 26 ans – elle sonne le tocsin avec The Bitter Pill publié en Angleterre dès 1985…
Elle ne prescrira la pilule que 10 ans et, quittant la contraception chimique, orientera ses patientes par la suite vers les moyens mécaniques.
Dans son livre, elle signale – preuves scientifiques et références à l’appui (plus d’une centaine d’études au total) – les dangers vasculaires, de phlébite, d’accidents vasculaires cérébraux, d’infarctus du cœur chez des femmes jeunes, mais aussi de nombreux cas de cancers du sein, de l’utérus, du col et du corps utérin : prenez la pilule le moins longtemps possible ! Telle est sa conclusion.
En France Amère Pilule est préfacé par le Pr Lucien Israël qui confirme la mise en garde.
Cet éminent cancérologue qui rentrera dix ans plus tard à l’Académie des sciences morales et politiques avant d’en devenir le président, écrit alors :
Même s’il apparaît presque impossible aujourd’hui de bannir les pilules contraceptives, qu’au moins la vérité soit dite. Qu’au moins, les choix des très jeunes femmes qui décident de les utiliser ne soient pas faits dans l’ignorance.
À la fin de cette préface, Lucien Israël conclut :
Les deux mérites essentiels de ce livre sont à mes yeux de souligner les dangers réels de la pilule, et d’autre part de montrer, indirectement, que le bouleversement des équilibres naturels comporte toujours obligatoirement un prix à payer… En fait, s’agissant d’autres domaines de la médecine, il est vraisemblable que les produits entraînant de telles conséquences n’auraient jamais reçu l’autorisation de mise sur le marché…
Une déclaration prémonitoire.
Nonobstant, aucun grand média ne reprend l’information. Les laboratoires veillent à maintenir les femmes dans l’ignorance des dangers. Les directrices des plus grands magazines féminins refusent délibérément de la diffuser jusqu’au jour où plusieurs de leurs jeunes collaboratrices sont atteintes de cancer du sein. Quelques précautions d’utilisation apparaissent alors mais sans vraie mise en garde.
En 1994, Ellen Grant récidive avec son excellent livre Sexual Chemistry : Understanding Our Hormones, The Pill and HRT comprenant 329 références scientifiques provenant des meilleures revues internationales.
En 1995, la revue médicale Prescrire – après une alerte de l’agence britannique du médicament motivée par plusieurs nouvelles études – lance une première mise en garde sur les pilules de 3e et 4e génération6.
En 2001, nous publions une alerte importante, Femmes si vous saviez – Des hormones de la puberté à la ménopause, qui ne trouve aucun écho dans les médias. J’y réponds à 83 questions de femmes reçues en consultation, autant à propos de la pilule que du THS, des traitements dont il faut dire que « c’est bonnet blanc et blanc bonnet ». Je parle en détail des risques cancérigènes et thromboemboliques… Un journaliste médical très médiatisé me fait savoir par personne interposée que jamais il ne parlera de ce livre. Silence général.
En 2004, une nouvelle édition de Femmes si vous saviez… ajoute les réponses à 27 nouvelles questions. Les femmes commencent à en parler entre elles. Elles s’inquiètent de l’augmentation du nombre de cas de cancer du sein chez leurs amies, leurs copines, elles-mêmes. On leur explique que ce cancer est surtout lié au stress du monde moderne, à des chocs psychologiques récents, ce qui est en partie vrai, mais en partie seulement7. Quant aux cas de femmes jeunes développant des accidents vasculaires (infarctus cardiaques ou accidents vasculaires cérébraux) ou des cancers du col utérin, ils sont surtout dus au tabac… Évidemment. La pilule ne peut pas être en cause !
En 2008, le livre du Dr Ellen Grant est republié. Il n’a pas pris une ride.
Toutes ses données scientifiques ont été vérifiées. Ce qu’écrivait le Pr Lucien Israël dans sa préface et que j’ai pu confirmer en 1998 est devenu réalité. La pilule est vraiment dangereuse pour la santé. On le sait depuis longtemps, mais comment le faire savoir ?
Maintenant, les magazines féminins publient dans quelques recoins de petites mises en garde, tandis que leurs pages centrales vantent les qualités des pilules de nouvelles générations.
Les laboratoires payent bien, les femmes sont rassurées, voilà l’essentiel. Les premières générations de pilules – considérées comme dangereuses et dépassées – qui restent dans les stocks des laboratoires sont envoyées généreusement en Afrique et en Asie. En Afrique le nombre de femmes atteintes de cancer du sein explose. C’est « bon signe » car elles atteignent l’indépen-dance des femmes des pays développés !
En 2013, éclate le scandale des pilules de 3e et 4e génération et celui de Diane 35. Le gouvernement prend peur.
Déjà en décembre 2012, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) avait recommandé à tous les professionnels de santé susceptibles de prescrire un contraceptif oral de privilégier systématiquement les pilules de 2e génération en première intention, sauf cas particulier d’intolérance. Ces médecins doivent en outre procéder à un interrogatoire complet des antécédents personnels et familiaux de la jeune femme et d’éventuels facteurs de risque.
En janvier 2013, Marisol Touraine, ministre de la Santé, décide d’avancer le déremboursement des pilules de 3e génération au 31 mars, contre le 30 septembre initialement prévu. Entre-temps peu importent les dangers !
Les censeurs de tous bords, les esprits bien pensants, les pompiers des laboratoires ont réussi pendant 40 ans à étouffer ces départs de feu, aidés en cela par le caractère tabou de la pilule. Les réactions ont été violentes, les condamnations sans appel : Barbara Seaman a été démissionnée de toutes ses fonctions de journaliste ; le Dr Chatain, poussé dans les oubliettes de l’histoire médicale ; la chercheuse et gynécologue Ellen Grant, remerciée par le centre de planification familiale où elle consultait, ce qui ne l’a pas empêchée de poursuivre, courageusement, ses recherches.
Lors d’un entretien qu’elle nous a accordé pour ce livre, elle nous raconte :
À mes débuts de chercheuse, bien avant de publier The Bitter Pill, j’avais l’habitude d’intervenir dans des programmes de télévision. Il est vrai que je faisais encore l’apologie de la pilule. Mais tout a basculé du jour au lendemain : mes découvertes ont été savamment ignorées, même par mes propres patrons, et mon travail n’a pas été mentionné ou si tard que l’on m’a fait savoir que mes travaux étaient caduques… Le principal reproche que l’on m’a fait est le suivant. Mes collègues me disaient toujours : « Vous n’avez pas le droit de dire à quel point la pilule est nocive à moins que vous proposiez des alternatives »… Comme si c’était ma responsabilité – et non la responsabilité de chacun !
À la parution du livre, de nombreux journalistes sont venus m’interviewer mais leur direction a toujours censuré leurs articles ou leurs reportages. Les femmes britanniques n’ont jamais été en mesure de voir à la télévision comment les hormones fonctionnent et pourquoi elles sont si dangereuses…
Les médias ne sont pas seuls en cause, même les instances médicales continuent à boycotter le sujet :
Dans les nombreux congrès médicaux où je me rends, qu’il s’agisse de notre propre Société britannique pour la médecine écologique ou des réunions d’écologie clinique aux États-Unis, je suis toujours étonnée que rien ne soit dit sur les effets désastreux de l’utilisation d’hormones synthétiques. Ces faits sont rarement mentionnés et je suis toujours la seule à en parler réellement.
Quant à moi, cancérologue sans œillères, j’ai dû essuyer maintes critiques et me suis heurté, aussi, à une subtile censure mais des milliers de femmes ont entendu le message, signe que les temps changent. Comme les arguments de celles et ceux qui m’ont précédé, mes arguments gênent, parce qu’ils sont scientifiques, c’est-à-dire vérifiables.
Cependant, même si la presse aime les polémiques, elle fait attention à rester « médicalement correcte ». Les grands hebdomadaires, dans leur majorité, m’ont dit oralement que « le sujet n’était pas d’actualité », « qu’ils ne voulaient pas faire peur ». Pour moi, il ne s’agissait pas d’entretenir quelque peur que ce soit – ce que les médias, quoi qu’ils en disent, font à longueur de titres – mais d’expliquer. De dire la vérité, tout simplement.
Une anecdote déjà racontée résume bien l’accueil qui a été fait à Femmes, si vous saviez… Sur la chaîne LCI, le lundi 21 février 2000, j’étais en duplex-direct de Montpellier, face à deux confrères, dont l’un se faisait passer pour professeur de gynécologie. Nos arguments divergeaient complètement, nos images aussi, les deux collègues très bien mis en valeur en studio à Paris, tandis que j’étais sous une lumière trop forte, le teint blafard et mon image réduite, casée dans un coin de l’écran. En fin d’émission, curieusement mes deux collègues ont conclu… et les journalistes n’ont eu le temps que de me laisser seulement 10 secondes pour donner mon point de vue ! J’ai téléphoné le soir même au journaliste de la chaîne, pour demander des explications. Il m’a poliment expliqué que les impératifs de temps l’avaient empêché de me donner la parole à la fin de l’émission. Et depuis, silence radio. Pourtant, j’ai demandé un débat scientifique sur le sujet… La discussion a été définitivement enterrée !
Mais encore une fois l’ère du numérique et de l’information 2.0, pour rependre une expression postmoderne, ouvre aujourd’hui à la science des perspectives insoupçonnées où tous les espoirs sont permis. De plus en plus de médias, je parle de ceux qui ne sont pas tributaires de la publicité des laboratoires, particulièrement des médias alternatifs, n’hésitent plus à rouvrir le dossier et à donner la parole aux femmes et à celles et ceux qui veulent bien leur apporter des réponses. Les forums Internet fourmillent de questions-réponses et de témoignages. Cette fois, la puissance de l’industrie pharmaceutique n’y pourra rien.
Il y a quelques semaines encore, les trois premiers exemplaires du magazine Rose, distribués gratuitement en quadrichromie à plus de 300 000 femmes dans tous les centres de cancérologie et beaucoup de cabinets médicaux, sont arrivés à épuisement. Maintenant on recherche des sponsors pour éviter sa mort…
Le temps est venu de profiter de toutes les interrogations qui circulent, pour diffuser largement auprès des femmes concernées, des médecins prescripteurs, des pharmaciens conseillers, les informations dont tous ont besoin.
Il y a quelques semaines, Marc Girard, mathématicien et médecin, expert judiciaire dans la spécialité Médicament et Recherche biomédicale, Conseil en pharmacovigilance8 et en pharmaco-épidémiologie, a courageusement publié à compte d’auteur un livre au titre choc La brutalisation du corps féminin dans la médecine moderne. Aucun éditeur n’en a voulu mais le fait est que l’on peut se le procurer en ligne.
Nous verrons ce qu’il faut penser, en tant que cancérologue, des relations étroites qui existent entre les hormones de la pilule et les cancers gynécologiques.
Nous verrons aussi les relations entre ces cancers et les traitements aux antihormones… curieusement nommés par la plupart de mes collègues – soumis aux laboratoires pharmaceutiques – traitements « hormonaux » du cancer.
Les journaux féminins, les gynécologues, la ministre, les femmes ; tout le monde est inquiet. Tous responsables, mais non coupables !
Un sondage du Journal des Femmes9 de début février 2013 nous apprend qu’1 femme sur 4 envisage de changer de contraception. En outre, 16 % des femmes ayant répondu au sondage, tous âges confondus, se disent prêtes à « arrêter la pilule ». Et depuis les premières plaintes et les déremboursement des pilules de 3e et 4e génération par la ministre de la Santé – qui fait l’inverse de celle à laquelle elle a succédé – les femmes sont en plein doute. Elles ont raison, et les ministres peuvent craindre un procès retentissant.
Alors la seule façon pour les gynécologues de sortir de l’impasse est d’affirmer leurs craintes pour être toujours « au service des femmes » : « Si les femmes arrêtent d’elles-mêmes leur pilule, sans avis médical, on risque d’observer une augmentation des grossesses indésirées », prévient la vice-présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens Français.
« Il ne faut pas arrêter une pilule brutalement », martèlent les médecins. Le Pr Bernard Hédon, président de ce même Collège des gynécologues et obstétriciens Français, préconise vigoureusement une discussion avec le médecin pour trouver la méthode la plus adaptée en termes de bénéfices-risques, et pour chaque personne, d’’évaluer la prescription au regard des risques, de l’âge, de la sexualité.
Autres inquiétudes que révèlent le sondage : près de six femmes sur dix se disent inquiètes face au débat actuel autour de la pilule et 56 % des sondées déclarent « ne pas avoir été informées des risques liés à leur pilule au moment de la prescription. »
Curieusement les gynécologues se réveillent-ils, comme celui qui écrit : « La pilule n’est pas un jouet et quand une femme prend la pilule, elle doit savoir que c’est sérieux et qu’elle est confrontée à un certain nombre de risques » ?
Selon l’enquête toujours, 52 % des femmes se disent prêtes à passer à une contraception non hormonale et 64,5 % d’entre elles envisagent même le dispositif intrautérin (le stérilet).
C’est une alternative qu’envisage Maud, jusqu’alors habituée à prendre la pilule :
J’ai eu Diane d’abord, puis Jasmine car j’avais des règles très douloureuses. Aucune analyse n’a été faite. Ma gynécologue m’a juste demandé si je fumais, question à laquelle j’ai répondu oui. Elle m’a malgré tout prescrit une pilule de 3e génération. On ne m’a jamais informée quant aux risques de thrombose. À ce jour ma pilule m’a été retirée, car j’ai fait une thrombophlébite et une embolie pulmonaire il y a quatre mois. À l’avenir, je pense me tourner vers le stérilet.
Il n’en reste pas moins, et c’est frappant, qu’il est impossible dans ce pays d’émettre la moindre opinion critique sur la pilule, surtout si l’on est un homme. Pourquoi ces interdits, pourquoi ce tabou ?
Au Festival de Cannes 2013, le réalisateur de films Roman Polanski en a fait les frais après avoir lancé en pleine conférence de presse : « La pilule a beaucoup changé les femmes de notre temps, en les masculinisant ». Ce n’est pas si faux et ce n’est pas si mal, car les femmes comme les hommes avaient besoin d’évoluer. C’était une opinion, et chacun doit avoir l’exigence de sa propre opinion. Or tout le monde, journalistes compris, l’a cloué au pilori en parlant de « dérapage », en rappelant ses affaires de mœurs passées, en le traitant comme fou ou criminel. Quoi que l’on pense de cette déclaration de Polanski (cela peut toujours porter à discussion), voilà une réaction effrayante : dès que l’on ne s’exprime pas dans le sens de la pensée unique, on « dérape » maintenant. On est mis « bord cadre » comme disent les caméramans !
Il en va de même pour les scientifiques qui dérangent. Mais la science n’a pas dit son dernier mot, et les femmes, de plus en plus conscientes des dangers de ce qu’on leur fait avaler, non plus. Ce tabou finira bien par voler un jour en éclats.
3. Cette ancienne expression féminine qui signifiait au XIXe siècle « prendre sa part du butin » (on disait alors « prendre son fade » en argot) a rapidement changé de sens pour signifier « prendre sa part de plaisir » dans les ébats sexuels. Il était à l’époque monnaie courante de représenter la femme en train de saisir son pied au moment de la jouissance physique.
4. Spécialisée dans les problèmes de santé des femmes, Barbara Seaman, militante féministe très active, a cofondé le National Health Network, un organisme de défense et d’information des femmes dans le domaine de la santé. Elle a été membre fondatrice du forum femmes de New York (1973), vice-présidente de la New York City Women’s Medical Center (1971), et a siégé au conseil consultatif du chapitre de New York de la National Organization for Women (1973).
5. Gideon Seaman est l’un des premiers psychiatres à avoir formellement identifié le rôle de la pilule dans les troubles de la personnalité, en particulier la dépression.
6. Voir le rappel des faits par Bruno Toussaint, directeur éditorial de Prescrire sur le site du Point.
7. Voir le livre du Pr Joyeux Stress et cancer du sein, Éd. Rocher, 2011.
8. Étude des effets secondaires des médicaments.
9. Sources : enquête Pilule : réagissez, réalisée entre le 30 janvier et le 6 février 2013 sur le site Journaldesfemmes.com, auprès d’un échantillon représentatif de 1 310 femmes.