3.

LA LIBÉRATION DE LA FEMME

« Fameuse invention, la pilule qu’on avale
le matin en se lavant les dents. »

Simone de Beauvoir1

Une formidable émancipation pour toutes

C’est une victoire du mouvement féministe, autant que de la science : n’avoir que les enfants que l’on désire. Remarquons sans contester le bien-fondé de cette émancipation que la contraception, qui était largement destinée à éviter les interruptions de grossesse, non seulement ne les a pas fait disparaître, mais n’en a pas non plus réduit le nombre, au moins en France.

On ne peut nier l’apport social de. Mais cette émancipation est loin d’être terminée.

En 1960, éclot le Mouvement français pour le planning familial (MFPF). C’est l’aboutissement de « La Maternité heureuse », mouvement créé quatre ans plus tôt par Évelyne Sullerot et Marie-Andrée Weill-Hallé. Le premier centre d’information ouvre ses portes aux femmes à Grenoble un an plus tard.

Le 28 décembre 1967, la France de de Gaulle poursuit son œuvre de modernisation effrénée sous la baguette de son Premier ministre, Pompidou : la pilule est légalisée par la loi Neuwirth. Soit cinq ans après l’Allemagne et deux ans après les États-Unis. Mais face à la résistance de certains mouvements, catholiques notamment, il faudra attendre 1969 pour que les premiers décrets d’application soient publiés.

La pilule est alors utilisée par 59 % des jeunes femmes françaises en âge de procréer. Les sociologues considèrent même qu’il s’agit là du progrès social numéro 1 du XXe siècle.

En 1975, le deuxième progrès de l’émancipation, la loi Veil légalise l’interruption volontaire de grossesse, laquelle a depuis été prolongée jusqu’à 12 semaines (donc tout le premier trimestre de la grossesse soit 14 semaines sans règles). La clause de conscience permet à un médecin de ne pas la pratiquer si sa conscience le lui interdit, car il s’agit de stopper la vie humaine au premier trimestre de celle-ci dans le ventre maternel.

En 2013 est voté par la représentation nationale française le remboursement de l’IVG à 100 %. Elle est donc réalisée au frais de la collectivité nationale. Tout le monde doit participer. La clause de conscience pour réduire ses impôts ne joue pas pour ceux qui refusent de considérer cet acte comme un acte médical de santé. En effet, la clause de conscience permet aux médecins de ne pas réaliser d’IVG si la vie de la femme n’est pas en danger. Or l’IVG, remboursée par la Sécurité sociale a un coût pour la société que nous payons tous avec nos impôts. Ainsi les médecins qui refusent de réaliser ce geste d’interruption de vie à ses débuts participent au moins financièrement à cet acte.

Ce sont des dogmes universellement acceptés. Mais nul doute qu’ils ne se fragilisent au fil du temps comme tout principe dont les conséquences peuvent à long terme devenir problématiques.

Si l’on veut bien faire lucidement le bilan de ces progrès, il faut reconnaître qu’il ne s’agit que d’un ou deux pas en avant vers la totale libération de la femme. Ce ne sont pas les derniers2.

Avec la pilule, les femmes (et peut-être un peu les hommes) ont enfin compris qu’une grossesse peut et doit être désirée et non imposée. Voilà l’immense apport de et, secondairement, de la fausse couche provoquée. Ce sont d’ailleurs les seuls arguments que répètent les médias à longueur de colonnes et d’interviews de femmes concernées et de gynécologues. Des avantages incontournables et définitifs, une conquête sociale rêvée depuis toujours, mais dont les effets délétères n’ont jamais été abordés.

Remarquons qu’aucun inconvénient de santé, somatique ou psychologique, n’est mentionné, ni avec la ou les pilules, ni avec la fausse couche provoquée.

On fait croire : « La pilule ne fait pas grossir, la pilule évite le cancer, la pilule vous libère, la pilule augmente la libido de la femme en supprimant la peur d’une grossesse non désirée… » Nous verrons au fur et à mesure de l’avancée de ce livre que la réalité est quasiment l’inverse de ce qui est annoncé.

La pilule est tellement « entrée dans les mœurs », dans les mentalités, que tous ses inconvénients éventuels ne sont rien par rapport à ses bénéfices. On parle du rapport « bénéfices/risques » – un terme très à la mode - qui reste toujours fortement positif.

Il faut donc aller plus loin car nous, scientifiques et professionnels de l’information, devons aider les femmes à avancer vers une totale libération. Nous ne sommes pas au bout de nos peines.

Liberté… sur ordonnance !3

Simone de Beauvoir prendrait-elle la pilule aujourd’hui ? Nous n’en sommes pas convaincus. Pas sûrs en tout cas qu’elle accepterait d’être une « poulette aux hormones4 ». Pas sûrs que l’euphorie et la brise de fraîcheur ingénue qui soufflait à son époque soient encore dans le vent…

La pilule a permis sans aucun doute une émancipation sexuelle en offrant aux femmes de meilleures conditions de vie pour assumer librement leur capacité à transmettre la vie. Mais peut-on pour autant parler de « libération » devant cet asservissement ? Devant cette dépendance chimique porteuse de risques pour la santé, d’effets secondaires en tous genres ?

Et même du point de vue de l’égalité des sexes, comment comprendre cette différence de traitement, cette injustice vis-à-vis de leurs compagnons mâles ?…

À une époque où l’on craint de manger du bœuf aux hormones ou des poulets gavés aux antibiotiques, à une époque où la conscience universelle revient enfin vers le naturel, n’est-il pas indispensable de s’interroger sur les conséquences pour une femme de se gaver d’estrogènes et de progestatifs de synthèse, jour après jour ?

Est-il normal que cette pilule qui devait avant tout émanciper la femme – ce qu’elle a socialement et sexuellement réussi à faire – soit aujourd’hui consommée pendant des années, sans contrôle médical, pour avoir moins de boutons, pour réguler son poids, pour annihiler le syndrome prémenstruel voire pour ne plus avoir de règles ? Et si tout cela est normal, où ce processus sans fin va-t-il nous mener ? Vers quelles conséquences ?

S’agit-il encore vraiment d’une démarche féministe ? La libération sexuelle est bien loin maintenant… Bienvenue dans le monde d’Orwell et de l’asservissement général, des femmes comme de leurs prescripteurs…

Mais nous voulons croire que les consciences ont évolué et que la chape de plomb qui pèse sur ce sujet tabou sera bientôt levée.

Le chemin sera long et semé d’embûches. Nul doute que les femmes finiront par tout savoir et qu’elles sauront choisir ce qui est le meilleur pour elles.

Curieusement, aujourd’hui on parle facilement dans le monde médical de « risques de grossesse » et de « chances5 de cancer du sein », comme si la grossesse était une MST, et le cancer du sein un risque à courir qui ne serait pas bien grave, puisque la médecine serait sur le point de le guérir.

Or tout cela n’est vrai ni pour le présent, ni pour un proche avenir. Car pour guérir une femme atteinte de cancer du sein, les traitements sont d’autant plus lourds que la femme est jeune et les risques de récidives sont bien réels – on le sait maintenant – non plus sur 5 ou 10 ans, mais sur 27 longues années !

Cela commence à se savoir, malgré un black-out d’information très ingénieusement organisé, la contraception hormonale n’est pas sans danger. Les laboratoires et les spécialistes reconnaissent que « Les pilules de première génération étaient un peu fortes, en tout cas mal dosées. Les pilules de nouvelles générations seraient sans aucun danger. » Quelles générations seront sans danger ? Nous osons répondre : aucune !

Ce discours est vrai pour les premières pilules (la toute première contenait 150 microgrammes d’estrogène contre 15 aujourd’hui pour les « super-mini »), elles ont été responsables de nombreuses complications plus ou moins tardives, pas seulement cancéreuses. Il y a eu les complications vasculaires graves, les embolies chez des femmes jeunes, responsables de paralysies, de troubles cérébraux mortels qui ont été soigneusement cachés. On a incriminé le tabac, la génétique, les ruptures vasculaires, les troubles psychologiques… Jamais la contraception hormonale.

Le succès de la pilule aurait été total si la courbe des avortements avait fortement régressé.

En France, selon les chiffres du ministère de la Santé, 74 % des femmes de 20 à 44 ans sous contraception choisissent en majorité la pilule (45,4 %). Or le chiffre des avortements ne diminue pas : 237 000 pour 821 000 naissances en 2009.

La France est ainsi, aussi, championne d’Europe pour les IVG !

L’enjeu aujourd’hui est de faire chuter le nombre des interruptions, avec notamment la pilule du lendemain (une forte dose de progestatifs) qui est distribuée dans les infirmeries des lycées. Il y a même, comme nous le verrons, la pilule du surlendemain et celle de l’IVG.

72 % des interruptions de grossesses sont faites sur des femmes qui étaient sous contraception. Elles pensent que les « échecs » de leur contraceptif sont dus à une utilisation incorrecte de la méthode ou à la survenue d’une difficulté lors de son utilisation (oubli de pilule en particulier). Seules 34 % des femmes sous pilule disent ne jamais l’oublier…

Aussi, est-il devenu licite et même « scientifiquement correct » de se poser des questions au sujet des méfaits des hormones artificielles que l’on cherche à faire consommer sous différentes formes à tous les âges de la vie, de la puberté jusqu’à un âge avancé, bien au-delà de la ménopause, pour éviter les inconvénients du vieillissement.

Des méfaits que plus personne ne peut ignorer

Flashback : en 1975, on découvrait 7 000 cas de nouveaux cancers du sein par an. En 2013, nous approchons des 60 000, et ce phénomène concerne des femmes de plus en plus jeunes… Et nous comptons 11 500 décès chaque année dus au cancer du sein.

Parmi nos collègues cancérologues, nous avons fait des tests. Plus particulièrement, parmi les médecins prescripteurs. Peu nombreux sont ceux qui savent que l’on trouve parmi les « agents cancérogènes pour l’espèce humaine6, « les contraceptifs oraux et l’œstrogénothérapie de la femme ménopausée » (Groupe I des monographies du Centre international de recherche sur le cancer de Lyon – CIRC).

Nous avons même rencontré des collègues qui affirment le contraire sans la moindre preuve, parce qu’ils l’ont entendu dire dans tel ou tel congrès à l’autre bout du monde, organisé par les laboratoires concernés.

Il est évident que les destinataires de ce type de médicaments ont été constamment induites en erreur relativement à leur innocuité. Elles l’ont consommé comme « un bonbon », en se lavant les dents comme disait Simone de Beauvoir, sans se douter du moindre danger pour leur santé. Et même lorsque ces dangers sont devenus patents, on est parvenu à leur faire croire que non seulement la pilule n’y est pour rien mais qu’en plus c’est grâce à elle qu’elles n’ont pas été malades plus tôt ! Le scénario est parfaitement au point, le mensonge à la demande.

Nous rejoignons notre très intrépide collègue le docteur Marc Girard qui s’exprime sans fard dans les bonnes feuilles de son livre La brutalisation du corps féminin dans la médecine moderne publiées sur son blog en décembre 2012. Évidemment aucun grand éditeur n’a eu le courage de le publier. Bête noire des laboratoires, un statut qu’il assume vaillamment, Marc Girard pointe du doigt « l’incroyable légèreté réglementaire, scientifique et éthique avec laquelle, sur plus de cinquante ans, les professionnels de santé, dans leur immense majorité, ont autorisé, prescrit et délivré des produits pharmaceutiques pourtant radicalement défectueux7 destinés à des femmes jeunes et en parfaite santé. » Et il ne parle là que des risques thromboemboliques…

Parfaitement renseigné et lucide, le docteur Girard note que

l’IGAS (l’Inspection générale des affaires sociales) s’alarme, dans son rapport de 2009, quant à la quantité d’informations de qualité ou fiabilité douteuses (…) sur ces questions, facilement accessible sur les sites Internet ou les forums de discussion. (p. 5)

Et d’ajouter non sans (im)pertinence :

Il n’y a pas besoin d’aller sur Internet pour se faire désinformer en matière de contraception orale – il suffit de consulter un spécialiste… On peut également s’interroger sur l’inertie de l’Ordre des médecins au regard du code de déontologie qui stipule que « Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose » (article R. 4127-35 du Code de la santé publique).

Marc Girard rappelle aussi :

L’interview donnée en novembre 2011 au micro d’Europe 1, mais encore évoquée sur le site de la station en date du 24 mai 2012, à l’occasion de la remise aux autorités d’un rapport sur la contraception et l’interruption volontaire de grossesse (IVG) chez les adolescentes, confié au professeur Israël Nisand, gynécologue obstétricien au CHU de Strasbourg. Pour ce dernier, qui est l’un des « experts » ès contraception les plus consultés par les autorités (et par les médias), « le corps médical doit changer et aller plus vers des contraceptions indépendantes de la volonté. »

Vous avez bien lu : « indépendantes » !

Les femmes, pour ce spécialiste-référent (nos journalistes santé reçoivent ses paroles comme l’Évangile), ne doivent pas avoir le choix ! Drôle de conception de la liberté ! Faut-il y voir un rapport avec les révélations récentes du quotidien Le Monde qui dans un grand article intitulé Pilule : enquête sur ces médecins liés aux laboratoires 8, conclut que « le professeur X, responsable du pôle de gynécologie-obstétrique dans un CHU de province, est sans doute le plus exposé de ces experts ès contraception » ?… ou encore que « le nœud du problème, actuellement, ce sont bien ces leaders d’opinion » ?

Non, bien sûr, tout cela n’a rien à voir avec les congrès internationaux tous frais payés, avec les week-ends Relais & Châteaux et autres « cadeaux » des laboratoires aux médecins9. Rien à voir non plus avec « la marchandisation de la santé ». Non, le professeur X est certainement au-dessus de ces petits arrangements entre amis… C’est certainement l’obsession des grossesses adolescentes qui fait prendre à notre collègue, au fond très inquiet, cette position. Remarquons au passage que d’éducation à la Santé, l’Amour et la Sexualité, il n’est jamais question10.

Marc Girard, têtu comme les faits, ne mâche pas ses mots :

À partir des années 1990, la promotion des pilules de 3e génération s’est faite sur l’argument – rétrospectivement controuvé – d’un risque thromboembolique diminué : mais jusqu’alors, qui avait averti les femmes – ou leurs partenaires – que l’utilisation d’une contraception orale les exposait à un tel risque, parfois fatal ?

À partir des années 2000, la promotion des pilules de 4e génération s’est faite sur l’argument de « la seule contraception orale évitant la prise de poids » : mais jusqu’alors, comment étaient reçues les femmes qui croyaient bon de se plaindre à leur médecin qu’elles avaient grossi sous pilule ?

Les temps ayant changé, je suis frappé du nombre de jeunes femmes qui me confient se sentir « castrées » sous pilule, impression dont il ne serait pas bien difficile de trouver une explication pharmacologique.

Balivernes, cependant, rétorquent nos super-sexologues du moment, qui soutiennent que « les nouvelles pilules montrent une quasi-absence d’effets sur la libido » par contraste, cela va de soi, avec les pilules précédentes qui avaient « un même impact très fort sur la libido, en raison de leur dosage hormonal. »

En 2013, la disparition des cycles féminins se pose. Car la médecine, avec ses hormonothérapies, la rend désormais possible. Peut-on, là encore, parler de « libération » ? Nous verrons en détail ce qu’il en est et ce à quoi il faut s’attendre… Comme vous le verrez, mesdames, les laboratoires vous aiment fort !

1. Dans Les belles images (1966).

2. Comme membre au Conseil économique, social et environnemental à Paris de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité, et co-rapporteur de l’avis Femmes et précarité en 2013 (www.lecese.fr), je souhaite humblement participer et faciliter cette évolution.

3. C’est avec ce titre, Liberté sur ordonnance ! que le quotidien Libération a fait sa une le 29 janvier 2013, au plus fort de la tempête médico-médiatique.

4. Pour reprendre le terme du magazine Nexus (n° 173, Contraception – La pilule est amère).

5. C’est une mauvaise traduction du mot anglais chance qui veut dire en réalité « hasard de » ou « probabilité de ».

6. « Le rôle du mode de vie et de l’environnement ». Dossier Cancer par le Dr Annie J. Sasco dans asdsp (actualité et dossier en santé publique) décembre 1998 p. 27-30 C’est elle qui a relu et corrigé le livre que j’ai coécrit avec ma collègue gynécologue de Bordeaux, Bérengère Arnal, « Comment enrayer l’épidémie des cancers du sein et leurs récidives » paru en 2e édition en 2010.

7. Est défectueux un produit qui « n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre » (art. 1386-4 du Code civil).

8. Le Monde du 10 janvier 2013, enquête de Pascale Krémer. Où l’on découvre sans grande surprise que la plupart des gynécologues médiatiques, ceux qui font la une des JT et minimisent les dangers de la pilule, sont « payés par l’industrie pharmaceutique pour être ses porte-parole »(dixit l’Association nationale des centres d’interruption de grossesse et de contraception (ANCIC), ou « influencés par les laboratoires qui les rémunèrent comme consultants », selon le Formindep (collectif de médecins pour une formation et une information médicale indépendantes)…

9. Lire absolument à ce sujet l’article : « Médecins : ceux qui disent non aux laboratoires » (à propos du collectif de résistants Formindep) – supplément du Monde « Science & Techno » du 20 avril 2013.

10. C’est exactement ce que nous faisons en tant que président de Familles de France depuis l’arrivée du Sida sur la planète, en 1982, en rencontrant régulièrement les jeunes dans les établissements scolaires publics et privés en France avec l’Agrément de l’Éducation nationale. Cet agrément a été donné en 2005 et renouvelé pour cinq ans en 2012. C’est cette expérience des jeunes et de leurs parents qui nous a poussé à imaginer et republier en 2013 une méthode pédagogique originale, avec livres, CD audio, DVD, CD-ROM, au profit exclusif du Mouvement familial familles de France (www.familles-de-France.org). Cela nous a valu deux longues interviews sur RMC INFO avec Brigitte Lahaie, la dernière ayant été diffusée le 19 mars 2013.