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LES PILULES « SAISONNIÈRES » :
VERS LA SUPPRESSION DES RÈGLES
SEASONALE ET LYBREL

« C’est une triste chose de penser que la nature parle
et que le genre humain n’écoute pas. »

Victor Hugo

Un argumentaire bien construit qui veut tuer la nature

Sur le site très fréquenté Yahoo Questions Réponses1, un pseudo-lieutenant Colombo qui n’est probablement qu’un acteur des laboratoires pharmaceutiques – qui veille au grain – renvoie vers le grand site Doctissimo (manipulé par les laboratoires) et prépare le terrain pour la fin des règles :

Sautes d’humeur, douleurs et situations inconfortables accompagnent trop souvent vos règles ?… Pour en finir avec ces désagréments, une pilule contraceptive propose de délivrer les femmes de ces obligations mensuelles. Délivrance ou danger ? Le débat fait rage alors même que le produit vient d’obtenir une autorisation de commercialisation outre-Atlantique. C’était en 2007.

Pendant près d’une quarantaine d’années, les règles rythment la vie des femmes. Actuellement, les mères de plusieurs enfants qui les allaitent longuement peuvent ne connaître qu’une centaine de menstruations au cours de leur vie, comme il y a un siècle. En revanche, ce nombre passe facilement à 420, ou plus, pour celles qui n’ont qu’un enfant.

Mais comment sont perçus ces rendez-vous mensuels ? Selon les laboratoires Wyeth, un tiers des femmes reste attaché à ces saignements mensuels. Pour différentes raisons, ces femmes considèrent leurs menstruations comme un gage de bonne santé et de fertilité.

Pour les autres, la nouvelle pilule les libèrerait d’une contrainte trop régulière, parfois accompagnée de douleurs, de fatigue et de baisse de moral, sans parler des symptômes prémenstruels. Bien que cela ne soit pas très recommandé, certaines femmes bloquent déjà leurs menstruations en prenant leur pilule sans interruption entre deux plaquettes (vacances, voyage de noces, compétition sportive, gros examen). Elles s’assurent ainsi la liberté de choisir quand surviennent leurs règles.

Il existe aussi une autre raison plus ou moins philosophique, et plus ou moins inconsciente, qui fait référence à la théorie du genre. C’est une forme de délire (plus ou moins inconscient) vers l’eschatologie, c’est-à-dire la science des derniers temps. En effet il est écrit que dans l’au-delà nous ne serions plus des êtres sexués2.

Cette théorie du genre consiste à dévaloriser la nature qui fait l’homme ou la femme, ces états n’étant que des conditionnements sociaux artificiels datant des temps anciens et dont il faudrait se défaire. Ainsi, l’hominité ou la féminité deviendraient des choix libres. Dans ces conditions, il apparaît que le phénomène des règles étant impossible à créer chez l’homme, le plus facile est de supprimer ce phénomène chez les femmes afin qu’elles deviennent en tout égales de l’homme. L’absurde et la bêtise sont sans limite même chez les philosophes les plus à la mode.

« Automne-hiver-printemps-été »…
des collections de plaquettes bientôt à la mode ?

La pilule saisonnière – premier pas vers la suppression des règles – a été autorisée par l’agence américaine Food and Drug Administration (FDA) en septembre 2003. Il s’agit d’une pilule prise sans discontinuer 84 jours non-stop, destinée à réduire les menstruations à quatre dans une année, soit une par saison. L’objectif sous-jacent, rarement dit et surtout pas annoncé aux mères de famille, mais qui peut décider les jeunes filles, est de préparer les femmes à ne plus avoir de menstruations, donc plus de règles.

Divers arguments commencent à être développés : moins de contraintes mensuelles, économies de protection, pourquoi maintenir de tels inconvénients (que les hommes n’ont pas), qui réduisent la multiplication des plaisirs sexuels qui devraient pouvoir être quotidiens (comme pour les hommes), moins de risques d’anémies puisque les hémorragies des 12 mois sont réduites à 4…

La Lybrel® des laboratoires Wyeth : le 22 mai 2007, la Food and Drug Administration (FDA), l’autorité américaine responsable de la mise sur le marché des produits de santé, a approuvé la commercialisation de la pilule capable de supprimer les règles. Contenant de très faibles doses de contraceptifs connus (lévonorgestrel/éthinylestradiol), cette pilule a été testée pendant un an sur 2 134 femmes âgées de 18 à 49 ans.

À noter l’inconvénient de voir apparaître des saignements imprévus. Ces problèmes sont moins fréquents avec le temps chez 59 % des consommatrices. Mais cette proportion doit être relativisée par rapport au nombre de femmes qui ont abandonné l’étude en cours de route : il semble donc qu’un tiers seulement des femmes initialement enrôlées dans l’étude ont vu disparaître ces saignements inattendus…

La Seasonale® TEVA Pharma : c’est à l’automne 2012 que le newsmagazine américain Time disait de ce produit qu’il était l’une des inventions les plus « chouettes » de l’année (coolest inventions). Accessible sur ordonnance, le boîtier Seasonale® (lévonorgestrel – éthinylestradiol) contient 84 pilules contraceptives à prendre quotidiennement suivies de sept pilules inertes (placébo) — un programme qui permet à l’utilisatrice de surseoir à ses 12 menstruations annuelles pour n’en avoir pas plus d’une par saison.

Le Depo-Provera en injections intramusculaire peut également éliminer les menstruations.

Les journalistes médicaux, médecins ou pas, sont très sensibles aux arguments avancés par les laboratoires (ils sont généreux). Ça tombe bien : ce sont les mêmes qui seront chargés de les faire ingurgiter aux futures consommatrices…

Voici quelques exemples :

Bien que la compagnie pharmaceutique ait orchestré la mise en marché de son produit de façon telle qu’on ait pu croire à une grande découverte, le phénomène n’est pas nouveau : depuis l’avènement de il y a plus de 40 ans, les femmes savent qu’elles peuvent retarder leurs menstruations tant qu’elles prennent une pilule active par jour. Plusieurs en ont profité à l’occasion, au moment de vacances ou de compétitions sportives, par exemple. Certaines ont même, avec l’aval de leur médecin, pratiqué la pilule en continu sur de longues périodes.3

Les menstruations sont-elles encore nécessaires ?

Il n’y a pas de « nécessité physiologique » pour qu’une personne sous anovulants ait ses règles

confirme le Dr Sylvie Dodin, professeure au Département d’obstétrique et gynécologie de l’Université Laval au Québec.

De toute façon, les menstruations provoquées à l’arrêt des pilules sont purement artificielles. Dans un cycle menstruel classique, les menstruations sont déclenchées pour décaper l’utérus quand la fécondation n’a pas eu lieu. Mais comme les anovulants empêchent l’ovulation et l’épaississement de l’utérus, le saignement qui survient lorsqu’on cesse la prise de pilules actives ne remplit plus cette fonction.

Pendant 10 à 15 ans les femmes seront cobayes, conclut le Dr Dodin !

Notre collègue le Dr Dodin s’inquiète de cette quantité accrue d’estrogènes dans le métabolisme féminin. « Les cellules mammaires sont peut-être soumises à trop d’estrogènes. » Elle fait également remarquer que, tant dans un cycle normal que dans celui qui est réglé par des anovulants, il y a toujours quelques jours où le niveau d’estrogènes auquel est exposé le tissu mammaire est beaucoup plus faible (début du cycle menstruel ou semaine sans anovulants).

« Peut-être que cette pause est nécessaire. On ne le sait pas. » De toute façon, elle est physiologique puisque dans la 2e phase du cycle la sécrétion d’estrogène est nettement diminuée, remplacée par celle de la progestérone.

À notre connaissance, la seule recherche scientifique sur les anovulants en continu a été menée auprès de 1 400 femmes sur une période d’un an avec le produit Seasonale® en cycle de 91 jours. Elle n’a révélé aucune augmentation des risques pour la santé par rapport à la prise conventionnelle d’anovulants du même type par cycle de 28 jours.

Mais aucun recul n’a été donné, ce qui ne permet pas de conclure à l’absence de danger. Comme nous le verrons, il faut en général plus de cinq ans pour voir apparaître cliniquement un cancer du sein d’un centimètre cube de volume (notre collègue Lucien Israël disait huit ans !).

Le Dr Elsimar Coutinho, lui aussi professeur de gynécologie et d’obstétrique, a même affirmé dans son livre Is Menstruation Obsolete ? que ce processus mensuel « naturel » est inutile et malsain (unhealthy) parce qu’il provoque d’innombrables problèmes physiques et psychologiques4. Notre collègue ajoute que les menstruations sont « un gaspillage de ressources » et devraient être supprimées chez toutes les femmes… Bien évidemment, celles et ceux qui s’opposent à une médecine mécaniste s’insurgent.

Encore des femmes cobayes

« C’est une véritable hérésie ! » clame l’homéopathe, naturopathe et herboriste Mona Hébert, qui se spécialise dans le soin des femmes :

Ne pas être menstruée, ce n’est pas normal ! Et il faut bien regarder les choses en face : les menstruations provoquées artificiellement lorsqu’on prend la pilule, ce n’est pas normal non plus. Dans toute cette approche, on cherche à régulariser le « féminin », à mettre le corps des femmes dans une boîte standard pour qu’il fonctionne rondement. Je crois que se priver de menstruations entraîne des répercussions négatives dans plusieurs aspects de notre vie, car le cycle menstruel a un sens et il est utile aux femmes, tant psychiquement que physiquement.

Prudence et retour à la nature

Remarquons que le National Women’s Health Network, un organisme américain indépendant, affirme : « Il ne faut pas transmettre aux jeunes filles une perception négative des menstruations et du cycle féminin. »

La Society for Menstrual Cycle Research, un groupe d’études spécialisé dans le sujet, préconise que Seasonale ou Lybrel® ne soient ainsi prescrites qu’aux femmes souffrant de troubles liés aux règles comme l’endométriose.

Il recommande aussi de multiplier les recherches pour s’assurer de l’impact à long terme de ces perturbations hormonales.

Malgré tout, dès qu’elle sera en vente, les femmes pourront choisir ou non d’opter pour cette pilule, après en avoir discuté avec leur gynécologue, bien évidemment.

Évidemment, plus la prise de la pilule – quelle qu’elle soit – commence tôt, plus évidemment les risques d’effets secondaires négatifs sont précoces. Dans ces cas, au lieu de considérer que le corps ne supporte pas ces apports hormonaux étrangers à l’organisme et de conclure à des contre-indications définitives de la consommation de la pilule sous toutes ses formes (quelle que soit la voie d’administration), les médecins sont formés pour proposer tout simplement de changer d’abord de marque de pilule et ensuite, si les troubles persistent, de voie d’administration.

1. http://fr.answers.yahoo.com/question/index?qid=20120214055230AAYf1ZF

2. Apocalypse 21,4. Lecture millénariste de la Bible abusivement sollicitée au profit d’une argumentation à faux par des « penseurs » d’ordinaire peu soucieux de comprendre le sens véritable de la citation.

3. Source : www.passeportsante.net ‘Maladies’ Index des maladies de A à Z.

4. L’idée antique et durable selon laquelle le sang menstruel serait chargé de déchets et la femme menstruée, impure, est présente dans le Talmud, l’Ancien Testament comme le Coran, mais pas dans les Évangiles.