« Le rôle du médecin, c’est donc d’être au plus près du patient : la bonne contraception, pour la bonne personne, au bon moment. Je rappelle, parce qu’on a parfois tendance à l’oublier en France, que la pilule n’est pas le seul contraceptif efficace et que d’autres dispositifs existent et pourraient être plus largement prescrits, comme c’est le cas dans d’autres pays. » Marisol Touraine, ministre de la Santé
Depuis les années 1990, sont apparues une cinquantaine de pilules dites « de troisième génération » dont la composition et les usages diffèrent des pilules classiques : Meliane, Melodia, Moneva et Phaeva, Harmonet, Minesse et Minulet, Mercilon, Varnoline, Cycleane, Triafemi Cilest… Ainsi que des génériques : Efezial, Edenelle, Desobel, Carlin, Optinesse, Minerva…
Les pilules dites « de quatrième génération » sont apparues en 2008 : Yaz, Jasmine, Jasminelle, et pour les génériques Convuline et Belanette, Drospibel…
Devinette : qui a réussi à fourguer aux femmes françaises un produit « nouveau » de huit à dix fois plus cher que l’ancien et qui, en fait de progrès, n’apporte qu’un risque accru de complications ? Réponse : les laboratoires pharmaceutiques, avec leur pilule anti-conceptionnelle miracle de troisième ou quatrième génération.
Ainsi débute l’article Des pilules miracles… pour les laboratoires du Canard Enchaîné du 9 janvier 2013. Faut-il rappeler que cet hebdomadaire satirique toujours bien informé ne vit pas de la publicité mais de ses seules ventes ?
Une semaine plus tard, le Canard poursuit ses investigations et révèle (dans Pilules dorées) comment les stars de la gynécologie française sont influencées par les laboratoires, en rappelant que « ce n’est pas leur faute (nda : aux médecins) si 90 % de l’enseignement postuniversitaire est dispensé par les grandes firmes ».
Le 6 février enfin, le journal lance un dernier pavé dans la mare avec Pilule : les signaux d’alerte ont été stérilisés, un article très instructif dévoilant les drôles de lacunes prévalant encore dans les relations entre laboratoires et autorités sanitaires…
Les femmes savent désormais quels dangers ces pilules peuvent induire. Elles sont en France 2,5 millions à les consommer.
Elles n’en veulent plus, quel que soit l’avis de leur gynécologue. Les laboratoires auront beau minimiser les effets négatifs de ces pilules, considérer que très peu de femmes ont été touchées, que celles qui ont eu des complications étaient porteuses de pathologies préalables méconnues, rien n’y fera, elles seront vite abandonnées et à juste raison.
Le laboratoire allemand Bayer, premier fabricant et diffuseur de ses pilules minidosées, a engrangé près d’1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires dans le monde. C’est lui, on l’a vu, qui fabrique Méliane, la pilule présumée à l’origine de l’AVC de la jeune Marion Larat qui a porté plainte.
Peut-on dire que ces pilules sont plus dangereuses que les précédentes ? Elles ne sont plus remboursées depuis le 31 mars, principe de précaution oblige !
Curieusement en 2009, des avis négatifs identiques aux actuelles mises en garde avaient été rendus par la Haute Autorité de santé mais le déremboursement n’avait pas été décidé. Le danger serait dans la « trop-prescription », ou la « mal-prescription » selon notre collègue Maraninchi.
On réserverait ces pilules pour des prescriptions de seconde intention. Or 80 % des femmes suivies par des gynécologues se voient prescrire la pilule dite 3G en première intention. C’est la démonstration de l’influence des laboratoires sur les gynécologues qui ne font pas attention à leur prescription. Ils savent en effet que la décision du spécialiste prime sur celle du généraliste et que ce dernier se couvre du spécialiste.
L’Agence européenne du médicament (EMA) a été chargée de réexaminer ces pilules de 3e et 4e génération pour savoir s’il est nécessaire de restreindre leur usage. L’agence française, l’ANSM, souhaite surtout modifier les conditions de délivrance. L’objectif est d’encadrer la prescription et donc de donner toute l’information quant aux effets secondaires. Pour le directeur général de l’ANSM :
Les prescripteurs devront mentionner de façon manuscrite sur l’ordonnance que la patiente est informée des sur-risques et que les facteurs de risque ont été recherchés. Mais aussi qu’elle est avertie des signes cliniques de thrombose et d’embolie pulmonaire.
La mise en application est prévue après « une période contradictoire » avec les laboratoires pour début juin 2013.
Ces pilules de 3e et 4e génération, en réalité, ont été imaginées pour réduire les apports hormonaux des pilules précédentes qui – trop dosées – étaient responsables d’une certaine masculinisation (acné et hirsutisme) et de troubles mammaires bénins au départ, mais capables de se transformer en cancer.
En mars 2013, les ventes de pilules de 3e et 4e génération ont chuté de 37 % par rapport à la même période de 2012. Tandis que Diane 35 plongeait de 75 %. Celles de 2e génération ont augmenté dans le même temps de 22 %, surtout chez les jeunes filles (15-19 ans) avec des COC faiblement dosés en estrogènes. Au total, les ventes de toutes les pilules a chuté de 3,5 %. Cette chute est inquiétante pour les laboratoires et pour leurs inconditionnels soutiens médicaux et politiques1.
Réaffirmer solennellement l’importance de la contraception « dans les meilleures conditions de sécurité », comme la ministre de la Santé l’a affirmé, n’est qu’une façon habile de tranquilliser les femmes sur un sujet qui les inquiète de plus en plus. La HAS veut définir le profil des femmes qui pourront consommer ces pilules.
Alors faut-il alors revenir aux pilules de 1re et 2e génération ? C’est le chemin qui a été choisi par la ministre de la Santé, car elle ne pouvait pas faire autrement. Elle a donc décidé que seraient seulement remboursées ces premières pilules et a présenté l’éventail complet des moyens contraceptifs à la disposition des professionnels.
Curieusement depuis la mise en place de la base nationale de pharmacovigilance, seulement 567 événements indésirables ont été signalés : essentiellement des accidents thromboemboliques dans 43 % des cas pour des pilules de 2e génération et 3e génération et 11 % des cas avec des pilules de 4e génération (G4). Sur les 27 dernières années, l’ANSM fait état de 13 cas mortels, de femmes entre 16 et 42 ans et dans 90 % des cas il y avait un facteur de risque associé.
Lequel, on ne le sait pas ! Comme on ne sait pas quelle est la véritable portée des méfaits de ces pilules et le nombre de vies qu’elles ont détruites ou abimées : nous savons bien que la sous-déclaration des cas d’accidents biaise ces chiffres. Cette réalité – que nombre de gynécologues reconnaissent en privé – est motivée par la peur du retrait du médicament, la peur d’une action en justice de la patiente ou même du laboratoire contre le médecin, c’est arrivé.
Nul doute que les laboratoires mettront au point les nouvelles pilules qui seront enfin – ils l’affirmeront haut et fort – sans aucun danger, sans le moindre effet secondaire négatif. Elles éviteront : le surpoids et la rétention d’eau, l’acné et l’hirsutisme, les kystes ovariens et les tumeurs bénignes des seins, les cancers du sein, de l’utérus, des ovaires, l’agressivité et les états dépressifs, les maladies auto-immunes et les allergies ; au contraire elles traiteront toutes ces complications et préviendront un jour toutes les maladies possibles !
Nul doute alors que la publicité sera d’autant plus forte, agressive et mensongère qu’il faudra vraiment convaincre les femmes de revenir à la pilule parce que celles-là seront enfin au sommet de leur efficacité…
Nous faisons pourtant confiance à la grande intelligence féminine qui s’en fera moins compter que par le passé.
La nouvelle libération féminine, la nouvelle émancipation est en route.
1. En avril 2013, l’affaire du ministre du Budget, le docteur Jérôme Cahuzac, est très significative de la collusion et corruption qui existent entre laboratoires et médecins ou grands patrons sans scrupules, plus nombreux qu’on ne le pense et souvent très régulièrement médiatisés.