L’évolution humaine a résulté dans une situation remarquable parmi les Primates, la possibilité de la fécondation de la femme à chaque cycle lunaire ; cette fécondité à périodes rapprochées a sans doute permis aux petits groupes humains préhistoriques de survivre et de prospérer jusqu’à nous. Maintenant la situation est renversée grâce aux progrès même de nos connaissances : en quelques siècles l’humanité a connu par l’hygiène et la médecine une croissance démographique exponentielle, au point de perdre ses limites biologiques. Une régulation devenait nécessaire et ce sont là aussi nos connaissances sur la reproduction qui l’ont apportée. Parmi les méthodes contraceptives, la régulation hormonale est devenue une méthode de choix en quelques décennies. Mais comme toute intervention médicamenteuse, elle a des effets secondaires qu’il faut connaître.
Les accidents vasculaires récemment relatés n’étaient pas une surprise pour qui connaissait les études faites sur le stress oxydant. Il y a plus d’une dizaine d’années, avec Jean Pincemaille au sein de la société Probiox que nous avions créée, des études chez les femmes prenant la pilule contraceptive faites en comparaison avec des hommes de même âge montraient des anomalies inquiétantes, oxydation anormale de lipides sanguins, inversion du ratio de certains métaux, tel le cuivre/zinc, suggérant un risque accru de formation de plaques athéromateuses. La prise de la pilule s’ajoutait à d’autres facteurs de risque existant chez ces femmes, tabac et alcool, également générateurs de stress oxydant.
J’ajouterais aujourd’hui un quatrième facteur probable que nous avons récemment découvert, une infection bactérienne latente des globules rouges consommatrice de glutathion, le principal antioxydant que fabrique notre organisme. Chacun de ces facteurs est peu nuisible, mais c’est leur addition cumulative qui peut entraîner, chez un terrain de prédisposition génétique, des accidents graves, cardiovasculaires ou cancers.
La solution n’est donc pas dans la suppression de la pilule, mais dans celle des facteurs qui s’ajoutent à sa faible nocivité intrinsèque : que les femmes qui prennent la pilule s’arrêtent de fumer, de boire de l’alcool et effectuent régulièrement des tests sanguins de stress oxydant !
Une politique de Santé publique cohérente consisterait à inciter les femmes en état de procréer à pratiquer ces tests une fois par an en leur accordant le remboursement de ces derniers par la Sécurité sociale, de la même façon qu’on les incite à des mammographies régulières pour détecter des cancers du sein précoces.
L’analyse génétique permettrait aussi de détecter des facteurs de risque dus à des mutations portant sur les enzymes antioxydants. Ce sont ces messages ainsi que bien d’autres de prévention que véhicule ce livre auquel je souhaite un grand succès.
Cet exemple, parmi bien d’autres, montre l’intérêt d’une médecine portant sur quatre piliers. Ce que j’appelle la Médecine 4 P : Prévention, Prédiction par les analyses de laboratoire, Personnalisation et Participation à travers un dialogue entre le patient et son médecin. C’est la médecine de l’avenir.
Luc Montagnier