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Les mains cramponnées au volant, Shea aperçut enfin le panneau annonçant Sundance Ranch et elle engagea sa voiture de location dans l’allée. Le ciel était bas, les montagnes toutes proches couvertes de neige, mais heureusement il n’y en avait pas au sol.

Elle n’avait pas songé un instant qu’il pourrait y avoir de la neige. Elle avait passé toute sa vie d’adulte en Californie et n’était guère habituée aux intempéries. Lorsque le loueur de voiture lui avait annoncé que la Toyota était équipée de pneus neige et de quatre roues motrices, et qu’il lui avait demandé si elle savait installer des chaînes, elle avait ouvert de grands yeux stupéfaits. Elle aurait dû se renseigner sur le climat du Montana avant de s’engager auprès du refuge !

Mais c’était le genre de chose qui lui passait complètement au-dessus de la tête. En cela, elle était bien la fille de son père : QI de compétition, mais pas le moindre sens pratique !

Un ensemble de bâtiments apparut soudain, mais ce fut la maison qui attira tout de suite son attention. Elle se souvenait de la description qu’en donnait le site internet et savait que la structure d’origine, datant d’un siècle et demi, possédait deux niveaux et que différentes rénovations et extensions opérées au fil des générations avaient permis d’en accroître la taille.

Mais elle n’était en rien préparée à ce qu’elle découvrait. La maison était immense, composée de trois niveaux et de deux ailes distinctes. La façade donnait sur les montagnes Rocheuses et lorsqu’elle s’approcha, elle aperçut de grandes baies vitrées qui devaient offrir une vue imprenable sur le paysage somptueux.

Des spirales de fumée montaient du toit vert sombre et se perdaient dans le ciel gris. Il devait y avoir au moins trois cheminées allumées. Elle adorait les feux de bois, leur odeur, les crépitements, la lueur des flammes. Mais elle n’était pas venue passer des vacances et n’entendait pas s’imposer auprès de la famille. Lorsqu’elle ne serait pas au refuge, elle avait la ferme intention de rester dans sa chambre. Les McAllister avaient déjà eu la gentillesse de l’accueillir alors qu’ils auraient pu célébrer les fêtes tranquillement en famille, comme le voulait la tradition, à cette époque de l’année.

Elle-même n’avait guère d’expérience en ce domaine. Lorsque ses parents étaient encore ensemble, l’atmosphère à la maison n’était pas toujours chaleureuse, loin s’en faut. Son père était un bourreau de travail et sa mère une accro du shopping, si bien qu’elle se retrouvait souvent seule. Plus tard, durant ses années de pension, tout cela lui était devenu indifférent. Retourner à la maison pour les fêtes ? A quoi bon ? Les quelques fois où elle l’avait fait, cela ne s’était pas très bien passé.

Il y avait apparemment deux endroits possibles où se garer. L’un proche de la maison, l’autre contigu à un grand bâtiment, probablement une étable. Shea ralentit et vit une jeune femme apparaître sous le porche. Ce devait être Rachel.

Emmitouflée dans une parka verte, la jeune femme lui sourit, agitant la main. Elle lui fit signe de se garer le long de l’étable, puis se frotta les mains, souffla dessus et les enfouit dans ses poches.

Derrière elle, la porte d’entrée s’ouvrit de nouveau. Une seconde femme, plus âgée, apparut, suivie d’un homme de grande taille aux cheveux sombres. Shea ne le vit pas très distinctement. Elle était occupée à manœuvrer, et se sentit nerveuse tout à coup. Son cœur se mit à battre plus fort et elle avait les mains moites.

Que se passait-il, au juste ? On avait prévu un comité d’accueil ? Comme si ce n’était déjà pas suffisant de rencontrer des étrangers ! Mais peut-être était-ce la tradition dans ce ranch ? La famille au grand complet qui vient accueillir la nouvelle pensionnaire…

Elle fut parcourue d’un frisson d’appréhension. Il ne manquait plus que cela ! Voilà pourquoi séjourner en chambre d’hôte ne l’avait jamais tentée. On attendait de vous que vous fassiez la conversation et ce n’était vraiment pas son fort.

Rassemblant son courage, elle coupa le moteur, saisit son sac et ouvrit la portière. Mais le bruit du moteur persistait et elle regarda un instant ses clés sans comprendre.

Cela venait de derrière, elle s’en rendit compte aussitôt et se retourna. Un énorme 4x4 noir l’avait suivie dans l’allée. Avec les vitres fermées, elle ne l’avait pas entendu. Le chauffeur se gara près de la maison et il fut très vite évident que ce n’était pas pour elle, finalement, que tout le monde s’était précipité dehors. Elle se mit à rire de sa paranoïa.

Elle descendit de voiture et sourit à la jeune femme qui s’avançait vers elle.

— Vous devez être Shea Monroe.

Shea acquiesça d’un signe de tête.

— Je suis Rachel. C’est moi que vous avez eue au téléphone pour la réservation, ajouta-t-elle, lui tendant la main.

— Oui, je m’en souviens.

Shea commençait à ôter son gant, mais Rachel l’arrêta.

— Surtout pas ! Il gèle, dit-elle serrant sa main gantée. Heureusement que j’ai pris un vêtement pour sortir.

— Merci encore de m’accueillir au ranch. Je ferai en sorte de ne pas vous déranger.

— Pas de problème. Sachez que nous sommes tous de grands supporters de Safe Haven, ici. C’est très gentil à vous de renoncer à vos vacances pour travailler bénévolement au refuge. Mon frère travaille assez souvent pour eux, lui aussi, et il nous arrive d’accueillir des chevaux au ranch pour leur rendre service.

Le regard de Shea se porta automatiquement vers l’homme et la femme plus âgée que s’étaient approchés du 4x4. Un bel homme, songea-t-elle, et à peu près de son âge.

— Trace et ma mère…, lui expliqua alors Rachel. Trace est l’un de mes voyous de frères, mais pas celui dont je viens de vous parler.

Les nouveaux arrivants, un homme et une femme, descendirent du 4x4 et Rachel agita frénétiquement la main dans leur direction.

— Voici mon autre frère, Cole, et sa petite amie, Jamie. Ils arrivent de l’aéroport. Jamie vient passer les fêtes avec nous.

— Oh ! Vous avez deux frères. C’est bien…

Lorsque Rachel lui lança un regard interrogateur, Shea se contenta de sourire. Non, elle ne brillait pas par sa conversation, alors autant que ça se sache tout de suite.

— Je n’en ai pas deux mais trois, corrigea Rachel. Vous avez dû les voir sur notre site web…

— Ah, oui, en effet.

Elle n’avait pas pour habitude de mentir, mais Rachel semblait tenir tellement à ce qu’elle ait remarqué ce détail qu’elle préféra faire semblant de s’en souvenir.

— Peu importe, dit Rachel, une lueur amusée dansant dans ses yeux verts. Je vais vous aider à porter vos bagages et ensuite, vous ferez connaissance avec tout le monde.

— Non, ne vous dérangez pas pour moi ! Allez rejoindre votre famille, je n’en ai pas pour longtemps.

— Ça ne me dérange pas, j’aurai tout le temps de les voir après.

Rachel se dirigeait déjà vers le coffre.

— Vous avez beaucoup de sacs ? Je peux demander à Trace de…

— Ce n’est pas la peine, la coupa Shea.

Elle regretta aussitôt sa brusquerie, s’éclaircit la voix et reprit :

— Merci, mais je n’ai pas beaucoup de bagages et je dois trier quelques affaires. Ce ne sera pas long.

— Je ne voulais pas vous presser. Prenez tout votre temps…

Les doigts de Rachel effleurèrent son bras.

— Nous sommes une famille un peu turbulente, mais je peux vous assurer que nous ne mordons pas.

Shea sentit ses joues s’empourprer et elle détourna la tête. Elle détestait ces accès de timidité qui lui rendaient la vie impossible dès qu’elle se trouvait avec du monde. Elle s’empressa d’ouvrir son coffre et se mit à trier ses affaires.

Son regard revint cependant très vite vers le petit groupe animé qu’elle entendait rire et discuter, tandis que chacun s’activait à sortir les valises et les grands sacs remplis de cadeaux du coffre du 4x4. Cole était grand et brun, comme Trace. Il portait les cheveux assez longs, lui aussi. La jeune femme blonde, sa petite amie, était très jolie. Elle semblait parfaitement à l’aise avec tout le monde, comme si elle connaissait la famille depuis longtemps.

Shea envia un instant le petit groupe si vivant. Les femmes n’arrêtaient pas de parler, comme si le temps allait leur manquer pour tout se dire. Ceci étant, la position d’étrangère lui allait très bien. Elle en avait l’habitude.

Brusquement, elle éprouva la sensation d’être observée et se retourna. Un cavalier galopait au loin. Deux magnifiques étalons, oublieux du froid, s’ébrouaient dans le corral. Il était presque l’heure de dîner aussi ne vit-elle aucun employé aux alentours.

Elle allait se détourner lorsqu’elle l’aperçut, sous le porche de la grange. Elle avait failli ne pas le voir, debout dans l’ombre. Il portait un vieux jean, une épaisse chemise de flanelle, des bottes et des gants de travail. Immobile, il regardait fixement devant lui. Mais ce n’était pas elle qu’il regardait, en fait, c’était le petit groupe qui se dirigeait maintenant vers la maison.

Comme hypnotisée, elle ne put détacher les yeux de lui. Il pouvait très bien être un McAllister. Il en avait l’allure, la taille, les mêmes cheveux sombres, sauf qu’il portait les siens très courts. Mais ce ne fut pas ce détail qui la fit douter de son appartenance au clan. C’était la façon dont il se tenait en retrait, observant le groupe de loin, comme l’aurait fait un étranger. Comme elle.

Peut-être s’agissait-il d’un employé. En tout cas, il était extrêmement séduisant. Simple constatation, ceci dit, car elle ne voulait plus entendre parler des hommes, les relations avec eux étaient trop problématiques. Quant au sexe, on en faisait à tort toute une affaire. Elle éprouvait nettement plus de satisfaction dans son travail. Et elle comptait sur la période qu’elle allait passer au refuge pour combler son besoin d’affection avec d’autres êtres vivants. De préférence des chevaux. Elle les aimait depuis toujours.

Elle avait envoyé d’innombrables lettres au Père Noël, quand elle était petite, pour lui réclamer un poney. Mais tout ce qu’elle avait obtenu en retour, c’était de ridicules robes à fanfreluches ou des jouets éducatifs. Sans oublier ce mémorable voyage à Disneyland au cours duquel ses parents n’avaient cessé de se disputer. Trois mois plus tard, ils divorçaient.

Une semaine après le départ de son père, elle avait demandé un chien. Sa mère avait refusé. Elle ne voulait pas d’un « fardeau » supplémentaire. Il avait sans doute mieux valu ainsi. Aujourd’hui, elle aurait vraiment aimé en adopter un. Mais elle passait les trois quarts de son temps au bureau, alors comment faire ?

La famille avait disparu et l’homme près de la grange aussi. Si elle traînait trop, Rachel enverrait probablement quelqu’un à sa rencontre. Elle empoigna donc sa valise et gagna le porche. Tout ce qu’elle souhaitait, c’était qu’on lui montre sa chambre et qu’elle puisse s’y réfugier jusqu’au moment de se rendre au refuge, le lendemain matin.

*  *  *

Jesse tapa ses bottes pour en faire tomber la boue avant d’entrer dans le petit vestibule qui menait dans la cuisine. Ses yeux le piquaient et il avait encore les mains sales bien qu’il les ait déjà rincées dans la grange. Peu lui importait. Le travail manuel était exactement ce qu’il lui fallait en ce moment. Les muscles de ses épaules et de son dos accusaient la fatigue. Peut-être allait-il enfin pouvoir profiter d’une bonne nuit de sommeil.

— Ah, te voilà ! s’exclama Rachel dès qu’il entra dans la pièce.

Elle regarda sa chemise, son jean, et fronça le nez.

— Mais d’où tu sors ?

— J’ai nettoyé l’appentis de la grange. Il y avait tout un tas de matériel inutile là-dedans.

— Va prendre une douche. Nous avons des invités.

— Jamie est là pour une semaine et c’est Cole qu’elle est venue voir, pas moi !

— Je ne parlais pas que d’elle. Il y a Shea, également.

Elle ouvrit la porte du four et une délicieuse odeur de lasagnes envahit la pièce.

— Et alors ?

— Alors, on se calme. Ce n’est pas comme si elle devait passer tout son temps ici, répondit Rachel en lui jetant un regard agacé. Elle travaillera au refuge et ne reviendra au ranch que pour y dormir. Ça t’énerve peut-être que j’aie accepté de louer une chambre, mais il va falloir t’en remettre !

— Ça m’est indifférent. De toute façon, je ne vais pas être beaucoup là non plus.

Le chagrin se peignit soudain sur les traits de Rachel et il se détourna tandis qu’elle sortait le plat fumant du four.

— Je vais aller la prendre, cette douche !

— Jesse ?

Il n’avait pas envie de répondre. Il regrettait déjà ce qu’il lui avait dit. C’était idiot de sa part.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

— C’est bientôt Noël et tu sais combien cette période a de l’importance pour maman.

— Je n’ai pas l’intention de gâcher la fête, si c’est ce qui te tracasse…

— Pas consciemment, non, j’en suis certaine.

— Qu’est-ce que tu attends exactement de moi, Rachel ? J’ai coupé le sapin pour le salon, j’ai installé les guirlandes… Je suis là. Je participe.

Il était là, oui, mais physiquement, pas davantage. Et c’était là où Rachel voulait en venir.

— Je sais, Jesse. Tu nous as donné un sacré coup de main pour la décoration. Tu es plus patient que Cole et Trace en ce domaine.

Il tira sur une petite mèche qui s’était échappée de la queue-de-cheval de sa sœur.

— Je me douche et ensuite, je viens t’aider à mettre la table, d’accord ?

— Il y a autre chose que j’aimerais que tu fasses pour moi…

— Quoi ?

— La chambre de Shea se trouve du côté résidents, première porte à droite. Tu veux bien frapper et lui dire que le dîner sera prêt dans dix minutes ?

Jesse allait refuser, mais il finit par acquiescer d’un signe de tête. Il n’avait pas besoin d’être d’humeur communicative pour frapper à une porte.

— Et pas question qu’elle refuse ! ajouta Rachel, agitant sa cuillère de bois. Je t’en tiendrai pour personnellement responsable.

Mon Dieu, ce que sa sœur pouvait être casse-pieds par moments ! Il quitta la cuisine, grimpa les marches quatre à quatre jusqu’au deuxième étage. Des voix et des rires montaient du salon et il songea un instant à débaucher Trace pour qu’il aille prévenir leur hôte à sa place. Mais s’il pointait son nez, il allait devoir saluer Jamie et se montrer un minimum sociable. Il aimait bien la jeune femme, là n’était pas la question et il était ravi que Cole soit avec elle. Mais pour discuter, le repas suffirait amplement.

Il se déshabilla, se doucha. Dix minutes plus tard, il était devant la porte de leur hôte. Comment s’appelait cette fille, déjà ? Impossible de s’en souvenir… Bah ! Peu importait… De toute façon, il n’était là que pour transmettre un message, pas pour lui faire la conversation !

Elle répondit tout de suite, entrouvrit la porte de quelques centimètres et le détailla de son regard gris-bleu.

— Oh ! C’est vous, dit-elle.

Il recula d’un pas, surpris par cette entrée en matière.

— Je ne pense pas que nous nous soyons déjà rencontrés…

Elle ouvrit un peu plus grand la porte. Elle portait un jean et elle était pieds nus.

— Je vous ai aperçu, tout à l’heure, dit-elle, écartant les mèches de cheveux de son visage. Vous êtes un frère de Rachel ?

Il acquiesça d’un signe de tête et faillit lui sourire. Il y avait quelque chose de différent chez elle. Son geste pour repousser ses cheveux… Elle n’avait ni minaudé ni cherché à jouer les séductrices. Cela changeait des clientes qui avaient fréquenté le ranch jusque-là.

— Le dîner est prêt, annonça-t-il.

Elle se tenait très droite et paraissait, de ce fait, plus grande qu’elle n’était en réalité. Un mètre soixante-cinq, estima-t-il. Assez mince, mais pas trop. Un corps agréable, à l’évidence. Mais ce fut son visage qui l’attira de nouveau, ses yeux d’une couleur inhabituelle, avec leur longue frange de cils sombres. Elle avait une jolie bouche, des lèvres pleines, sensuelles, sans la moindre trace de maquillage. Il aimait cela. La vue du rouge à lèvres ne le dérangeait pas, c’était le goût qui lui avait toujours déplu.

— Merci, mais je ne dînerai pas avec vous, dit-elle.

Sur le coup, il ne sut que répondre et la fixa un instant, incrédule.

— Ce n’est pas à cause de moi ?

— Pas du tout ! J’ai simplement promis à Rachel de ne pas vous importuner. J’ai apporté quelques biscuits…

Elle fronça brusquement les sourcils.

— Il n’est pas interdit de manger dans les chambres, au moins ?

— Je ne crois pas, non, répondit-il en riant. Ecoutez, ma sœur a préparé des lasagnes. Si vous ne descendez pas, elle va venir vous chercher. Et moi, je vais me faire tuer !

— Ah, je n’imaginais pas que ça puisse poser problème.

Il lui sourit.

— Que diriez-vous de descendre avec moi ? Je sens d’ici l’odeur délicieuse.

Elle huma l’air, posa une main sur son estomac.

— Vous avez raison, ça sent divinement bon et il y a une éternité que je n’ai pas mangé de lasagnes.

— Ma sœur peut être très pénible parfois, mais elle est excellente cuisinière.

Shea sourit.

— Ah, au fait, moi c’est Shea, dit-elle, lui tendant tout naturellement la main. Et vous ?

— Jesse.

— Enchantée de faire votre connaissance, Jesse.

— Moi de même.

Il aima le contact de ses doigts fermes, la douceur de sa paume contre la sienne.

— J’entends Rachel qui rameute tout le monde. Le dîner doit être servi.

— Très bien, dit-elle, sortant dans le couloir, pieds nus.

— Personne ne vous reprochera de ne pas porter de chaussures, mais c’est du plancher en bas.

— Oh…

Elle baissa les yeux vers ses pieds. Lorsqu’elle les leva de nouveau, ses joues avaient rosi, faisant paraître plus intense encore le gris-bleu de ses iris.

— Allez-y. Je vous rejoins.

Jesse la regarda disparaître dans la chambre. Il croisa les bras, s’adossa au mur pour l’attendre. Quelle ironie que ce soit précisément lui que Rachel ait envoyé jouer les ambassadeurs ! Lui qui comprenait si bien que l’on puisse n’avoir aucune envie de se retrouver à table avec des étrangers, il avait dû convaincre Shea de se joindre à eux.

Il avait failli n’en rien faire, et la laisser manger tranquillement ses biscuits dans sa chambre. Mais il avait senti que sa réticence venait surtout d’une envie sincère de ne pas déranger. Quel contraste avec l’attitude de la plupart des femmes qui avaient séjourné au ranch depuis que Rachel avait ouvert ses chambres d’hôtes, six mois plus tôt !

Certaines étaient allées très loin. Même Trace, qui était pourtant du genre séducteur, s’était plaint de les trouver sans cesse sur son passage, c’est dire ! Lui, il s’en moquait. Il allait escorter Shea jusqu’à la salle à manger, point final. Si une mission l’amenait à passer au refuge dans les jours à venir, il la reverrait peut-être. Sinon, pas de problème, les choses en resteraient là.