- 3 -

Lorsque Shea arriva à la porte de la salle à manger et qu’elle vit tout le monde installé autour de la table, elle fut immédiatement saisie de l’envie de faire demi-tour et de s’enfuir. Elle aurait dû se douter que toute la famille serait réunie. Où avait-elle la tête en acceptant de se joindre à eux ?

— Shea ! s’exclama Rachel, tirant une chaise pour elle. Venez vous asseoir à côté de moi, je vais faire les présentations.

Tous la regardaient avec sympathie, mais cela ne changeait rien. Son cœur s’était mis à battre plus fort et elle se sentait les jambes raides et lourdes, au point d’être incapable de faire un pas.

Elle sursauta lorsqu’une main se posa dans son dos. Elle se retourna et croisa le regard brun, chaleureux de Jesse.

— Allez-y, dit-il, l’encourageant d’un sourire.

Il avait dû se rendre compte de sa nervosité, mais cela non plus ne l’aidait pas.

— Je vais vous servir quelque chose à boire. Vous voulez un verre de vin ?

Elle acquiesça d’un vague signe du menton et demeura le regard rivé sur la chaise tandis qu’elle s’avançait.

Personne, hormis Jesse, ne semblait avoir remarqué l’état de panique dans lequel elle se trouvait. Rachel avait commencé à faire circuler une corbeille de pain et le beurre.

— Ecoutez tous…, dit-elle. Je vous présente Shea. Je lui ai menti en lui disant que nous étions tous très aimables et parfaitement éduqués. Mais tâchez de faire semblant quand même, O.K. ?

Les rires et les protestations emplirent la pièce. La femme plus âgée présidait en bout de table. Elle fit signe à tout le monde de se taire.

— Je suis Barbara McAllister, la mère de ce clan très indiscipliné, se présenta-t-elle. Jamie est une pièce rapportée, mais je la revendique néanmoins comme membre à part entière.

La jolie blonde leva la main et fit un petit signe, un sourire rayonnant aux lèvres.

— Voici Cole, en train de couper les lasagnes…, poursuivit Barbara.

— Ravi que vous vous soyez jointe à nous, dit-il.

Shea remarqua sa ressemblance avec Jesse. Ils avaient tous deux le même regard sombre et profond.

— Donnez-moi votre assiette, je vais vous servir.

— Voyons, Cole, intervint aussitôt Rachel, tu sais bien que ce n’est pas ainsi que je procède. Continue de couper les lasagnes et laisse-moi faire passer la salade…

— Et voilà, c’est reparti !

— Trace ! lança Barbara, l’air réprobateur.

Trace fit une plaisanterie que Shea n’entendit pas. Jesse s’était approché d’elle et sa proximité la troubla.

— Vous voulez du blanc ou du rouge ? murmura-t-il à son oreille.

Son souffle chaud caressa sa peau et elle sentit un long frisson lui parcourir le dos.

— En fait, je n’ai pas l’habitude de boire du vin, dit-elle sans se retourner. Je crois que je vais prendre de l’eau.

— Vous devriez goûter le chardonnay. Il est excellent.

Sa voix était profonde et chaude, son ton presque confidentiel. Elle commettait sans doute une erreur, mais elle accepta, les joues déjà toutes chaudes.

— Un tout petit peu, dans ce cas.

— Du vin ? ironisa Trace. Et que fête-t-on ?

— Réfléchis, sauvage ! rétorqua Rachel.

Elle saupoudra la salade de copeaux de parmesan. Puis elle y jeta un dernier coup d’œil et, satisfaite, fit passer le saladier à sa mère.

— La présence de Jamie pour les fêtes, évidemment !

— Dans ce cas, bienvenue, Jamie, susurra Trace, esquissant un sourire à tomber à la renverse.

Tout le monde se mit à rire.

Un séducteur-né, songea Shea, le regardant remettre en place d’une main ses beaux cheveux sombres.

Jesse s’approcha alors pour servir le vin et elle oublia Trace. Son épaule effleura son bras tandis qu’il se penchait. La présence de son corps, si proche, la rendait terriblement nerveuse. Le souffle suspendu, elle n’osait plus bouger.

Un, deux, trois… quatre, cinq, six… sept, huit, neuf…

Lorsqu’il s’écarta, son verre servi, elle cessa de compter et put enfin respirer.

— Merci, dit-elle d’une petite voix.

— De rien.

Il s’éloignait déjà pour servir sa mère. Puis il poursuivit son tour de table pour remplir les autres verres.

Mais qu’est-ce qui lui arrivait, bon sang ? Elle avait pourtant toujours détesté qu’on s’approche d’elle ! C’était quoi, cette réaction, cette chaleur intense qui avait envahi tout son corps lorsque Jesse s’était approché d’elle ? Elle regrettait d’avoir accepté cette invitation à dîner. C’était une véritable torture !

Lorsqu’elle entendit prononcer son nom, elle se rendit compte qu’elle n’avait pas quitté Jesse des yeux et n’avait rien écouté de ce qui se disait.

Barbara McAllister lui souriait.

— C’est si gentil à vous de renoncer à passer les fêtes en famille pour travailler à Safe Haven. Ce sont des gens formidables qui s’occupent de ce refuge et je suis certaine qu’ils apprécient votre sacrifice.

— Oh ! Ça n’en est vraiment pas un, vous savez !

Elle s’interrompit, consciente de l’impression qu’elle avait dû donner et but une gorgée de vin.

— J’avais envie de partir pour les fêtes.

— Moi aussi, dit alors Jamie, se servant une assiette de salade. Je n’ai ni frères ni sœurs et mes parents habitent Zurich. Aussi suis-je très reconnaissante aux McAllister d’avoir eu pitié de moi.

— Ah bon… C’est la seule raison de ta venue ? demanda Cole.

Jamie fronça les sourcils, faisant semblant de réfléchir.

— Je n’en vois vraiment pas d’autre, répondit-elle, provocatrice.

Trace partit d’un grand éclat de rire.

— Et voilà, autant pour toi, mon vieux !

Jamie se pencha et effleura d’un baiser la joue de Cole. Shea la vit ensuite qui glissait une main sous la table, et la refermait sur celle de Cole.

— Si j’étais toi, j’attendrais d’être servi en lasagnes avant de parler, lança Rachel à Trace.

— Si tu étais moi, tu serais plus intelligente et plus jolie !

— Maman, tu es certaine de ne pas l’avoir trouvé abandonné sur le bord de la route, celui-là ?

— Mais qu’ai-je donc fait pour avoir des enfants aussi impossibles ? s’exclama Barbara McAllister, levant les yeux au ciel.

Mais on sentait qu’elle était ravie d’avoir tout ce clan de chahuteurs autour d’elle.

Jesse sourit en s’asseyant, mais l’expression de son regard contredisait ce sourire, et Shea repensa à la première fois où elle l’avait vu, devant la grange, à l’écart du reste de la famille.

La salade avait fait le tour de la table et tout le monde avait pris une tranche de pain maison. On fit circuler les assiettes pour servir les lasagnes, au grand dam de Rachel qui ne paraissait pas apprécier le désordre qui régnait.

Shea la trouvait très sympathique, ainsi que Jamie. Elle avait la très nette impression que cette dernière était intervenue, au sujet des fêtes en famille, uniquement pour lui venir en aide. Il lui arrivait rarement d’apprécier quelqu’un d’emblée, mais là, c’était le cas.

Son regard se posa sur Jesse. Il était assis en face d’elle et elle ne pouvait s’empêcher de l’observer. Lui aussi lui plaisait beaucoup. Il avait les cheveux encore humides de la douche. Il les portait très courts, ce qui aurait pu le faire paraître sévère. Mais l’ombre de barbe sur ses joues et son teint hâlé par le grand air lui donnaient une allure d’aventurier. Elle trouvait ce mélange étrangement séduisant.

Rachel avait dû la servir pendant qu’elle regardait Jesse, car lorsqu’elle baissa les yeux, elle découvrit une portion conséquente de lasagnes dans son assiette. Jamais elle ne pourrait tout manger. Toutefois, l’odeur était si alléchante qu’elle se sentit soudain affamée.

Durant quelques minutes, le silence se fit autour de la table, tandis que tout le monde dégustait le plat. Ce fut Rachel qui rompit le silence la première.

— Vous montez à cheval, Shea ?

— Un peu. J’ai pris quelques leçons avant de venir pour me réhabituer, mais je ne pense pas en avoir besoin au refuge.

— Non, en effet. Mais ce n’est pas à ça que je pensais. Je me demandais si ça vous plairait de partir faire une balade demain. Nous avons une ou deux juments très dociles et dans la mesure où c’est votre dernier jour de libre avant de commencer au refuge…

— Je n’ai pas de jour de libre, en fait. Je commence dès demain. Mais merci quand même pour la proposition.

— Il me semblait qu’Annie Sheridan avait dit qu’elle accueillerait elle-même les bénévoles…

— C’est exact. C’est ce qu’elle m’a dit au téléphone.

— Vous êtes trois et censés commencer lundi. Mais j’ai peut-être mal compris.

Shea sentit le doute la gagner. Se serait-elle trompée de date ? C’était bien possible ; elle avait été si pressée de partir ! Le lendemain, c’était dimanche. Il était plus logique, en effet, de commencer un lundi plutôt que le week-end.

Le silence était retombé. Elle n’osait pas lever le nez de son assiette, consciente que tous la regardaient. Elle avait promis de ne pas les déranger. Ils devaient se demander, non sans raison, pourquoi elle était arrivée un jour en avance.

— Je passerai quand même au refuge demain, dit-elle. On ne sait jamais, ils auront peut-être besoin d’aide.

— En fait, je crois qu’Annie est partie à Kalispell faire des courses, reprit Rachel. Ce serait le moment idéal pour une balade à cheval…

Shea aurait voulu disparaître dans un trou de souris. C’était bien elle, ça ! N’être même pas capable de retenir une date correctement !

*  *  *

Jesse termina sa bouchée de lasagnes et but une gorgée de vin. Il n’était pas dans les habitudes de Rachel de se montrer aussi indélicate. Ne voyait-elle donc pas que Shea était gênée ? Elle osait à peine lever les yeux de son assiette.

— Je vous accompagnerai, dit-il.

Il sentit aussitôt tous les regards se tourner vers lui.

— Je dois aller jeter un coup d’œil aux clôtures des pâturages. Ça ne me prendra pas beaucoup de temps. Ensuite, nous pourrons pousser jusqu’à Lincoln Pass. Si ça vous dit, bien entendu.

— Je ne voudrais surtout pas vous déranger.

— Il faut que j’y aille, de toute façon. Le paysage est splendide, vous verrez.

— Vous devriez l’accompagner, lui conseilla Rachel, posant une main sur son bras. Le temps peut se gâter et vous allez être très occupée au refuge. Ce sera peut-être la seule occasion que vous aurez. Je peux vous préparer un pique-nique.

Rachel insistait trop lourdement, c’en était embarrassant. Jesse faillit lui décocher un regard noir, mais il ne voulait pas courir le risque que Shea s’en aperçoive.

— Nous pourrions effectivement prévoir de faire cette balade autour de l’heure du déjeuner, dit-il.

Il dirait deux mots à Rachel plus tard. Il ne voulait pas qu’elle se méprenne sur ses intentions.

— Je connais l’endroit dont parle Jesse, dit Jamie. Le paysage est somptueux, c’est à ne pas manquer, vraiment… Rachel, peux-tu me passer le pain, s’il te plaît ?

Tout le monde se remit à manger, puis la conversation s’orienta bientôt sur l’opération table ouverte prévue un peu plus tard dans la semaine. Leur mère l’organisait chaque année depuis qu’ils étaient tout petits, mais c’était la première fois que Jamie y assisterait. Rachel décrivit alors le menu et rappela que des chaussettes remplies de friandises et de jouets seraient suspendues au sapin pour les enfants.

— Il faudra que vous reveniez du refuge avec de l’appétit, ce soir-là, Shea, pour faire honneur au dîner ! ajouta-t-elle.

Jesse eut le sentiment que leur hôte aurait préféré se trouver n’importe où plutôt que dans cette salle à manger. Il pouvait déjà prédire qu’elle ne viendrait pas. Et comment l’en blâmer ? Lui-même aurait fait n’importe quoi pour échapper à ces festivités. Les fêtes de fin d’année le déprimaient.

Elle semblait une jeune femme assez solitaire et il doutait qu’elle veuille se retrouver au beau milieu d’étrangers. Fouineurs, de surcroît ! La moitié de la ville serait là, curieuse de savoir pourquoi Rachel n’avait loué qu’à elle.

— Tu ne crois pas, Jesse ?

Il leva les yeux vers sa mère, embarrassé.

— Désolé. De quoi est-il question ?

— De rien. C’est sans importance. Mange…

Il n’insista pas. A la façon prudente dont ses frères le regardaient, il se douta que sa mère avait dû dire combien elle était heureuse qu’il soit de retour. Tous savaient que ce sujet l’agaçait. Noël rendait leur mère sentimentale. Il y avait onze ans que leur père avait disparu et il lui manquait toujours. Il leur manquait à tous.

Parfois, il se sentait encore coupable d’avoir ajouté aux tracas de sa mère en s’engageant dans l’Air Force. C’était ridicule. Il n’avait fait que son devoir, comme tous les McAllister avant lui. Mais s’il choisissait de se réengager aujourd’hui…

Il préférait ne pas imaginer ce qui se passerait si, en plus, elle perdait un fils. Il ne devait songer qu’à faire au mieux pour le bien de sa famille et la survie du Sundance.

Il planta sa fourchette dans une portion de lasagnes, bien décidé à profiter de son repas et à chasser les soucis qui encombraient son esprit. Oui, il allait devoir prendre une décision très bientôt, mais pas cette semaine. Durant ces fêtes de Noël, il serait un bon fils et un frère docile. Rachel mettait toute son énergie dans son activité hôtelière, afin d’apporter une contribution financière non négligeable à la survie du ranch, et il allait lui donner un coup de main en emmenant sa pensionnaire faire cette fichue balade.

Il saisit son verre de vin et tandis qu’il le portait à ses lèvres, il regarda Shea. Elle leva la tête au même instant et dans le regard profond de ses yeux gris, il crut lire de la gratitude.

Il espérait qu’elle n’était pas en train de se faire des idées. Sa proposition n’avait pour but que de rendre service à Rachel. Elle n’avait rien de personnel. Rien du tout.

*  *  *

L’altitude lui faisait tourner la tête. Elle prit une longue inspiration. L’air vif s’engouffra dans ses poumons et un long frisson la parcourut. Perturbée, Gypsy, la jument qu’elle montait, accéléra brusquement l’allure dans la montée et elle serra instinctivement les jambes de peur de glisser en arrière.

Jesse se retourna, son Stetson rabattu sur les yeux pour les protéger du soleil.

— Ça va, Shea ?

— Oui.

Il posa un regard appuyé sur ses mains, et elle se rendit compte qu’elle avait agrippé le pommeau de la selle. Elle le lâcha et s’efforça de se détendre. Le ciel était d’un bleu intense, lumineux, et le flanc de la montagne couvert de sapins formait un somptueux camaïeu de verts. Chez elle, lorsqu’il faisait froid, le ciel était souvent gris, l’air humide, rendant le paysage triste.

— Vous voulez faire une pause ? proposa Jesse, ralentissant le pas pour l’attendre.

Ils avaient chevauché côte à côte presque tout le long, puis il était passé en tête lorsqu’ils avaient commencé à gravir le flanc de la montagne, le chemin se faisant soudain plus étroit.

— Nous pouvons aussi faire demi-tour. C’est vous qui décidez.

— Vous ne deviez pas aller jeter un coup d’œil aux clôtures ?

Jesse sourit, puis ajusta son chapeau.

— Ça ne me prendra qu’une minute.

Elle appréciait vraiment qu’il prenne sur son temps pour faire cette balade avec elle. La veille, elle avait failli décliner son offre, puis elle avait pensé que ce serait un bon entraînement et sans doute la seule occasion qu’elle aurait de se sentir un peu plus à l’aise en selle.

— Si ça vous va, je préfère continuer, dit-elle.

Jesse laissa son regard descendre le long de sa parka rose, de son jean, jusqu’à ses pieds glissés dans les étriers, et cet examen minutieux fit courir des petits picotements partout sur sa peau.

— Que portez-vous là-dessous ?

— Je vous demande pardon ?

Il sourit, et des petites rides charmantes apparurent au coin de ses yeux.

— Vous devriez porter des sous-vêtements Thermolactyl contre le froid. Vous allez souvent être dehors au refuge.

— J’aurais dû y penser. J’irai faire un tour en ville.

Jesse tendit la main, et attrapa la sienne. Elle sursauta.

— Vous disposez d’une autre paire de gants ? demanda-t-il, inspectant la doublure en mouton.

— Ceux-ci sont très chauds.

— Et imperméables ?

— Je n’en suis pas certaine.

— Ils devraient être étanches à ce niveau, lui expliqua Jesse, refermant la main autour de son poignet. Ça empêche l’air froid de passer.

— Je comprends…

En effet, elle sentait déjà sa main se réchauffer. Mais pas seulement sa main. Une onde de chaleur avait envahi tout son corps.

Il la lâcha à l’instant même où elle allait retirer sa main.

— Au refuge, ils en auront peut-être une paire à vous prêter. Sinon, je vous en passerai à moi. Ils seront trop grands, mais vous n’aurez qu’à les porter par-dessus les vôtres.

— C’est très gentil à vous, mais je trouverai très certainement ce qu’il me faut en ville.

— Vous avez des mains très fines et il n’y a pas beaucoup de stock à cette époque de l’année. Il faut de la place pour les décorations et les cadeaux de Noël. Mais allez quand même voir chez Abe ou à la quincaillerie.

— Très bien. Merci pour le conseil.

Elle lui sourit, puis détourna la tête pour regarder le paysage. Elle se sentait intimidée, brusquement. Il y avait quand même quelque chose d’étrange. Elle n’aimait guère se trouver en compagnie et, depuis Brian, elle fuyait carrément les hommes. Mais avec Jesse… elle se sentait bien.

A la fois soulagée et déçue, elle vit que le chemin se rétrécissait de nouveau et qu’ils allaient devoir monter en file indienne.

— Allez-y, passez devant, dit Jesse. Il n’y a plus de danger avec les branches à cette altitude.

Shea fit claquer sa langue et pressa du genou le flanc de la jument qui prit aussitôt la tête, devant Jesse et son magnifique cheval noir. La pente n’était pas trop raide, mais la neige recouvrait pratiquement le chemin à présent et cela la rendait nerveuse. Mais à qui la faute ? Si elle s’était un tant soit peu renseignée, avant de partir, elle aurait su qu’en hiver, dans le Montana, il fallait s’attendre à davantage de neige encore. Il y en avait déjà beaucoup sur les sommets.

Ils chevauchèrent en silence pendant quelques minutes, puis Jesse dit :

— Il y a une prairie non loin d’ici. Nous allons nous y arrêter, faire boire les chevaux et voir ce que Rachel nous a préparé.

— Je lui ai dit de ne pas se donner la peine…, commença Shea, se retournant pour lui parler.

Son geste fut un peu brusque et elle se sentit soudain perdre l’équilibre. Elle se cramponna aux rênes avec un cri, mais Gypsy avait eu peur. Elle fit une embardée et se cabra. Shea se cramponna de plus belle.

En un instant, Jesse fut près d’elle, parlant à la jument, caressant doucement son cou pour l’apaiser. Shea s’efforça de ne plus bouger, même lorsque Jesse, cessant de tapoter le cou de la jument, posa la main sur son bras.