VIE DE SADE

1740-1814

1733. 3 novembre. Mariage de Jean-Baptiste-François-Joseph, comte de Sade, issu d'une vieille famille provençale à laquelle était apparentée, au XIVe siècle, Laure chantée par Pétrarque et de Marie-Éléonore de Maillé de Carman liée aux Condé princes du sang. La comtesse de Sade, dame d'accompagnement de la princesse de Condé loge dans leur hôtel.

1740. 2 juin. Naissance de Donatien-Alphonse-François, dans l'hôtel de Condé à Paris. Il y passe ses premières années, en compagnie du jeune Louis-Joseph de Bourbon, prince de Condé, de quatre ans plus âgé.

1744. Il est envoyé en Provence chez ses tantes paternelles à Avignon puis chez son oncle l'abbé de Sade, érudit et libertin, à Saumane, et à Saint-Léger d'Ebreuil, en Bourbonnais.

1750. De retour à Paris, il entre chez les jésuites du collège Louis-le-Grand, sous la responsabilité d'un précepteur privé l'abbé Amblet.

1754. Élève à l'école des Chevau-Légers, réservée à la plus ancienne noblesse.

1755. Sous-lieutenant au régiment du Roi Infanterie.

1757. Commission de cornette au régiment des carabiniers du comte de Provence qui part à la guerre de Sept Ans. Expériences militaires et libertines.

1759. Capitaine au régiment de Bourgogne Cavalerie. Un de ses compagnons le décrit ainsi : « Sade est furieusement combustible : gare les Allemandes ! »

1763. Signature du traité de Paris qui met fin à la guerre : Sade est réformé comme capitaine de cavalerie. La situation financière de la famille est catastrophique. Son père cherche à le marier à une riche héritière, il choisit à cet effet Mlle Renée-Pélagie de Montreuil, fille d'un président à la Cour des Aides. Le jeune homme aurait sans doute préféré Mlle de Lauris, sa voisine provençale.

Le mariage est célébré, le 17 mai à l'église Saint-Roch. La présidente de Montreuil raffole de son nouveau gendre qui loue une « petite maison » dans la capitale. Il s'y livre à des débauches qui attirent l'attention de la police.

18 octobre. Fustigations et impiétés avec Jeanne Testard, une jeune ouvrière. Dix jours plus tard, il est incarcéré au château de Vincennes, puis, le 13 novembre, assigné à résidence, au château d'Échauffour, en Normandie, chez sa belle-famille.

L'inspecteur Marais est chargé de surveiller ses déplacements et ses amours.

1764. Il succède à son père dans la charge de lieutenant général pour le Roi aux provinces de Bresse, Bugey, Valromey et Gex. Il se rend à Dijon pour prononcer le discours de réception devant le Parlement.

Son oncle l'abbé de Sade, publie des Mémoires pour la vie de Pétrarque tirés de ses œuvres et des auteurs contemporains, en deux volumes. Un troisième volume de Pièces justificatives paraît en 1767.

Liaison avec une actrice, connue pour ses amours vénales avec de grands seigneurs, Mlle Colet.

1765. Liaison avec une actrice, Mlle de Beauvoisin. Il descend avec elle en Provence et fait restaurer le théâtre du château familial de Lacoste. Il y invite la noblesse locale qui prend la Beauvoisin pour sa parente sinon pour son épouse. Retour à Paris, rupture.

1766. Liaison avec des filles, non moins célèbres, non moins chères : Mlle Dorville, Mlle Le Clair... Réchauffé avec la Beauvoisin.

1767. Mort du comte de Sade. Son fils va se faire reconnaître à Lacoste comme seigneur du lieu. Il est nommé capitaine commandant au régiment du Mestre de camp Cavalerie. 27 août. Naissance de Louis-Marie, son premier fils. Le prince de Condé et la princesse de Conti sont ses parrains.

1768. 3 avril. Premier grand scandale : flagellations et sacrilèges avec Rose Keller à Arcueil, le dimanche de Pâques. La victime porte plainte, puis, sous la pression de la famille se désiste. Mais l'opinion publique est alertée et grossit l'événement. Sade est incarcéré à Saumur puis à Pierre-Encise, près de Lyon. Sa famille s'agite pour obtenir sa libération.

16 novembre. Il est libéré et assigné à résidence à Lacoste.

1769. Vie mondaine et dettes, à Lacoste. Le marquis est menacé de saisie.

Retour à Paris pour la naissance de son second fils, Donatien-Claude-Armand, le 27 juin.

Septembre-octobre. Voyage aux Pays-Bas. Il rédige un Voyage en Hollande en forme de lettres.

1770. Il veut reprendre du service dans l'armée, mais sa mauvaise réputation l'en empêche.

1771. 17 avril. Naissance d'une fille, Madeleine-Laure.

Courte incarcération pour dettes.

1772. Séjour en Provence, réceptions et spectacles à Lacoste et à Mazan. Liaison avec sa belle-sœur Anne-Prospère de Launay, chanoinesse.

27 juin. Second grand scandale. Absorption d'aphrodisiaques flagellations, sodomie homo- et hétérosexuelle, au cours d'une partie avec son domestique Latour et quatre prostituées, à Marseille. Les filles craignent d'être empoisonnées et portent plainte. Perquisition à Lacoste. Sade fuit en Italie avec sa belle-sœur (?) et Latour.

3 septembre. Le marquis et son domestique sont condamnés à mort par contumace et exécutés en effigie quelques jours plus tard, à Aix-en-Provence.

Démarches auprès de l'ambassadeur du roi de Piémont-Sardaigne à Paris pour obtenir l'arrestation du fugitif qui se fait appeler comte de Mazan.

8 décembre. Arrestation et incarcération au fort de Miolans. Le gouverneur s'inquiète des menées de son prisonnier.

1773. 30 avril. Évasion du prisonnier qui se rend à Grenoble. Voyage dans le midi de la France et peut-être en Espagne. Puis retour à Lacoste.

1774. Perquisition à Lacoste : le marquis échappe aux recherches. Difficultés financières.

1775. Sade recrute cinq jeunes filles et un jeune secrétaire pour le château. Diverses orgies auxquelles participe la marquise. Risque d'une nouvelle « affaire » : « je passe pour le loup-garou ici. » Ses amis s'efforcent d'étouffer le scandale.

17 juillet. Nouvelle fuite en Italie : Turin, Plaisance Parme, Modène Florence Rome Naples.

1776. Sade remonte vers la France. Il rédige son Voyage d'Italie. A Lacoste, nouveaux domestiques engagés, nouveaux éclats.

1777. Le père d'une jeune servante vient réclamer sa fille et tire sur Sade. Ce dernier apprenant que sa mère est gravement malade, se rend à son chevet à Paris. Il arrive trop tard. Il est arrêté et incarcéré à Vincennes, le 13 février.

1778. La condamnation à mort d'Aix-en-Provence est cassée, commuée en une amende, mais Sade sous le coup d'une lettre de cachet reste prisonnier. Il s'évade et ne reste que trente-neuf jours en liberté. Durant les douze années qui suivent, sa vie est une longue suite de récriminations, de recherche de signaux qui lui permettraient de deviner la date de sa libération, de pratiques onanistes soigneusement notées, de maux physiques, mais c'est aussi un temps de lecture et d'écriture.

1779. Nuit du 16 au 17 février : Sade s'endort sur la Vie de Pétrarque et voit en rêve Laure lui apparaître.

Correspondance avec Mlle de Rousset, son ancienne gouvernante provençale, et son valet Carteron, dit La Jeunnesse, passé au service de Mme de Sade.

1780. Altercation avec Mirabeau, également prisonnier à Vincennes.

1781. Rédaction de la comédie L'Inconstant.

Mme de Sade obtient le droit de visiter le prisonnier, ce qui déclenche une crise de jalousie chez lui : il se complaît à imaginer des infidélités de sa femme avec un jeune paysan dont il a fait son secrétaire.

1782. Sade écrit pour Mlle de Rousset des Étrennes philosophiques. Il rédige le Dialogue entre un prêtre et un moribond et entreprend les Cent vingt journées de Sodome.

1783. Rédaction de la tragédie Jeanne Laisné.

Douleurs à l'œil, provoquées par sa fringale de lecture.

Obsessions alimentaires.

1784. Mort de Mlle de Rousset.

Février : Sade est transféré à la Bastille.

7 septembre : il récapitule six années de pratiques masturbatoires pour lesquelles il a réclamé à sa femme des prestiges (flacons et étuis de bois).

1785. Il recopie les brouillons des Cent vingt journées de Sodome.

1786. Il réclame à sa femme des renseignements sur l'Espagne et le Portugal, en vue d'Aline et Valcour.

1787. Fin juin-début juillet : rédaction d'un conte, Les Infortunes de la vertu.

1788. Première semaine de mars : rédaction d'Eugénie de Franval.

1er octobre : Sade établit un Catalogue raisonné de ses ouvrages.

1789. Il fait lire Aline et Valcour à sa femme.

2 juillet : « Il s'est mis hier à midi à sa fenêtre, et a crié de toutes ses forces, et a été entendu de tout le voisinage et des passants, qu'on égorgeait, qu'on assassinait les prisonniers de la Bastille, et qu'il fallait venir à leur secours », rapporte le marquis de Launay, gouverneur de la Bastille qui obtient le transfert du prisonnier au couvent de Charenton. Sade abandonne derrière lui à la Bastille des manuscrits, dont le rouleau des Cent vingt journées.

14 juillet : Prise de la Bastille, mort du marquis de Launay.

1790. 13 mars : décret de l'Assemblée qui abolit les lettres de cachet.

2 avril : Sade est libéré. Sa femme refuse de le recevoir et demande le divorce qui vient d'être lui aussi institué par la Révolution. La séparation de corps est prononcée le 9 juin. Sade cherche à faire jouer ses pièces. Liaison avec une actrice, Marie-Constance Quesnet, à laquelle il restera fidèle jusqu'à la fin de sa vie. Il s'installe avec elle à la Chaussée d'Antin. Il est citoyen actif de la section de la place Vendôme qui va devenir section des Piques.

1791. Fuite du roi. Sade publie une Adresse d'un citoyen de Paris au roi des Français.

Publication anonyme de Justine ou tes malheurs de la vertu.

Représentation du Comte Oxtiern ou les effets du libertinage, avec succès, au Théâtre Molière.

1792. Échec de la comédie Le Suborneur.

Depuis Paris, Sade cherche à sauvegarder ses biens provençaux. Mais le château de Lacoste est pillé. Le ci-devant marquis n'ose pas se rendre en Provence. Ses fils émigrent. Il est quant à lui secrétaire de sa section, puis commissaire pour les hôpitaux. Il lit à la section son Idée sur le mode de la sanction des lois.

1793. Juré pour les affaires de faux assignats. Il dirige des délégations de sa section à la Convention.

Assassinat de Marat : il rédige un Discours aux mânes de Marat et de Le Pelletier, puis un projet pour changer les noms des rues de l'arrondissement.

Décembre : Aline et Valcour est composé, mais l'imprimeur est arrêté. Sade lui-même se voit incarcérer pour modérantisme.

1794. 27 juillet : condamnation à mort.

28 juillet (9 thermidor) : chute de Robespierre.

15 octobre : libération de Sade.

1795. Publication d'Aline et Valcour, sous la signature de Sade, et de La Philosophie dans le boudoir, anonyme.

1796. Vente du château de Lacoste au thermidorien Rovère.

1797. Difficultés administratives pour faire rayer son nom de la liste des émigrés du département du Vaucluse, à cause de changements de prénoms et de confusion avec ses fils, réellement émigrés.

Publication de La Nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de l'Histoire de Juliette, sa sœur, ou les prospérités du vice.

1798. Sade et Marie-Constance Quesnet dans la misère.

1799. Sade dans une lettre de demande de secours se présente comme « employé au spectacle de Versailles ». Il se débat toujours dans des complications administratives pour faire reconnaître qu'il n'a pas émigré.

Nouvelle représentation d'Oxtiern.

1800. Saisie d'une édition de Justine.

Publication d'Oxtiern ou les malheurs du libertinage et des Crimes de l'amour, nouvelles héroïques et tragiques, précédées d'une Idée sur les romans.

Attaqué par Villeterque, Sade répond dans L'Auteur des Crimes de l'amour à Villeterque, folliculaire. Mais les dénonciations nominales se multiplient dans la presse et dans des libelles satiriques.

1801. 6 mars. Arrestation et incarcération à Sainte-Pélagie.

1803. 14 mars. Après avoir cherché à séduire de jeunes détenus, Sade est déplacé de Sainte-Pélagie à Bicêtre, puis, le 27 avril, à Charenton.

1804. Sade rédige les Journées de Florbelle ou la nature dévoilée dont le manuscrit sera saisi par la police en 1807 et ultérieurement détruit.

1805. Sade sert la messe de Pâques.

1808. Il organise des représentations théâtrales à l'intérieur de l'hospice.

1812. Rédaction d'Adélaïde de Brunswick, princesse de Saxe.

Couplets de circonstance pour la visite de Mgr Maury, archevêque de Paris.

1813. Ultime liaison avec une jeune fille de 16 ans.

Rédaction de l'Histoire secrète d'Isabelle de Bavière et publication de La Marquise de Gange.

1814. 2 décembre. Mort de Sade. Malgré son testament, il est enterré religieusement, mais selon son souhait, toute trace de sa tombe disparaît.

1904. Publication à Berlin par Eugen Dühren des Cent vingt journées de Sodome.

1926. Publication par Maurice Heine des Historiettes, contes et fabliaux, ainsi que du Dialogue entre un prêtre et un moribond.

1930. Publication par Maurice Heine des Infortunes de la vertu.

1953. Publication par Gilbert Lely de l'Histoire secrète d'Isabelle de Bavière.

1964. Publication par G. Lely d'Adélaïde de Brunswick.

1967. Publication par G. Daumas et G. Lely du Voyage d'Italie.

1970. Publication par J.-J. Brochier du Théâtre et par G. Daumas du Journal de Charenton.

1980. Publication par G. Daumas et G. Lely des Mélanges littéraires.