Beth hésitait. Son poing tremblait à quelques centimètres du panneau de chêne. La porte du bureau était fermée, ce qui signifiait que Richard ne voulait pas être dérangé. Elle regarda le colis dans sa main ; un coursier venait de le livrer. Ce devait être important. Richard serait sans doute furieux si elle le dérangeait… Mais peut-être plus encore si elle ne le prévenait pas… Elle sentit son estomac se nouer : quoi qu’elle fasse, il serait furieux.
Elle frappa doucement à la porte, avec un hoquet d’appréhension. Le pêne n’était pas enclenché et celle-ci s’ouvrit. Beth se figea sur le seuil, pétrifiée par la scène qui s’offrait à elle.
Tout à coup, la confusion céda la place à la compréhension et la peur lui glaça les entrailles.
Pourrait-elle s’éclipser avant qu’il la remarque ? Elle recula lentement, mais Richard sentit sa présence. Il se retourna vers elle. Leurs regards se croisèrent quelques secondes, le sien féroce, celui de Beth paniqué : le lion et la gazelle.
Soudain, il saisit le coupe-papier en cristal sur son bureau et bondit sur elle.
Beth courut.
Pas question de sortir de la maison : ses enfants étaient à l’étage. Il lui fallait une arme. Ses yeux se rivèrent sur l’entrée de la cuisine, trois mètres plus loin.
Comme il s’élançait à sa poursuite, elle entendit les mocassins italiens de Richard déraper sur le parquet du couloir. Elle-même portait des tennis dont les semelles de caoutchouc adhéraient mieux au sol. Elle fut à deux doigts de le distancer. À deux doigts.
Il la ceintura en plein vol à l’instant où elle franchissait le seuil de la cuisine. Beth lança les mains devant elle pour protéger son visage du choc et sentit une douleur traverser ses paumes et ses poignets comme ils heurtaient le carrelage.
Après tout ce temps à se demander s’il finirait un jour par la tuer, il n’y avait maintenant plus aucun doute : soit elle s’échappait, soit elle y restait.
Haletant, à quatre pattes, Richard la tirait par les jambes. Beth envoya un coup de pied vers l’arrière et l’atteignit au coin du visage. Il grogna et relâcha son étreinte. Saisissant sa chance, Beth tenta de ramper plus avant, mais la main de Richard se referma sur sa cheville.
Elle leva la tête et avisa le tiroir à couteaux à l’autre bout de la pièce : trois interminables mètres. Balayant désespérément l’espace du regard, elle aperçut la lampe torche portative branchée sur sa gauche.
Elle décocha un coup de pied dans les doigts de Richard, qui lâcha aussitôt prise. Se relevant sur un genou, elle s’avança tant bien que mal et arracha la lampe torche de la prise. Il se rapprocha d’elle et lui taillada l’estomac. L’espace d’une seconde, elle sentit un éclair de douleur lui cingler la peau.
Pivotant dans la foulée, elle envoya la torche sur la tête de Richard. Le métal heurta son crâne dans un bruit sourd.
Il écarquilla les yeux de stupeur, avant de s’effondrer, inconscient.
Encore tremblante, Beth souleva le corps inerte pour se dégager ; une tache de sang apparut à travers son chemisier en soie.
Le souffle court, elle fouilla le tiroir à bric-à-brac et en sortit un rouleau de ruban adhésif. Faisant rouler Richard sur le côté, elle lui attacha les poignets dans le dos. Par mesure de précaution, elle lui scotcha les mains au pied d’une lourde table, puis lui ligota les chevilles. Pour finir, elle lui colla un morceau d’adhésif en travers de la bouche. Il n’irait nulle part jusqu’à l’arrivée de la cuisinière dans la matinée.
Le regard de Beth se posa sur l’horloge, et elle sentit monter une vague d’adrénaline nauséeuse : elle avait exactement dix heures pour disparaître.