Samedi 7 décembre, Margot et Mallock
Le lendemain du premier interrogatoire, Margot rejoignit Mallock pour déjeuner à La Coupole.
Dehors, ça sentait les gaz d’échappement.
La neige et le froid menaient la vie dure aux voitures.
Ils prirent un plateau d’huîtres spéciales. Lui les aimait petites, grasses et laiteuses avec du vinaigre et des échalotes, elle bien vertes et translucides, avec du citron. Il y vit là encore une mauvaise raison pour faire taire ses sentiments. Trop différents, ça ne pourrait jamais marcher.
Comme s’il fallait se ressembler pour s’aimer !
Pendant le déjeuner, il écouta la Margot raconter ses dernières pérégrinations. Elle était jolie quand elle parlait. Lorsqu’elle écoutait aussi. Tout le temps, en fait. Sa bouche était comme un animal incroyable, une pulpe rouge qui suçait et souriait, dévoilant des perles blanches et une langue rose d’où décollaient des phrases et des images. Un mot, un coup de dent, une idée, une bouchée, un éclat de rire. Elle respirait une force mentale et physique troublante.
Lui mangea peu et ne parla pas.
Il la regardait.
Il se rendit compte qu’il ne l’avait jamais vraiment regardée. En tout cas, pas comme cela. Sans se soucier du vide. La regarder jusqu’à ce qu’ils ne se tiennent plus, tous les deux, que par les yeux.
Son amour et sa culpabilité envers Amélie l’avaient empêché de contempler Margot comme ça, dans tout son éclat.
Sa peur du bonheur, sans doute aussi.
Elle était magnifique, tout simplement magnifique, avec ses yeux trop clairs, son cou et ses poignets délicats. Ses dents irrégulières. Ses pommettes, son menton légèrement prognathe, sa bouche large, un peu tombante. Et puis sa chair cuivrée qui respirait le grand air, l’écume et tous les soleils du monde.
Mallock avait la furieuse envie de la dévorer.
Sucer ses petites oreilles.
Goûter ses seins et son ventre.
Écarteler ses cuisses et entrer en elle.
Y éjaculer toutes ses joies et ses tristesses, son amour et l’envie infinie qu’il avait d’elle.
Et puis la caresser.
Mallock et Margot ne réapparurent dans leurs bureaux respectifs que vers 16 h 30. Durant cette courte trêve, ce que leurs corps firent l’un de l’autre, ce que leurs cœurs ressentirent, jamais ni l’un ni l’autre ne l’avaient encore vécu.
Et leur peau, non plus.
Surtout leur peau, peut-être.