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Il est temps que je parle de mes nouveaux copains et copines d’étage. J’ai appris dernièrement que les couples hétérosexuels aussi se demandaient parfois qui était la femme dans le couple. Entre autres, nos deux guitaristes un peu plus loin. C’est la femme qui est en contrôle de tout et qui prend les décisions devant son copain plutôt mou et passif. Ce pauvre, lui, a-t-il encore une vie ou vit-il en fonction de sa blonde ? L’autre à deux portes de moi me fait chier parce qu’elle a toujours un grand sourire et que c’est hypocrite, quand nous savons ce qu’elle dit dans notre dos. Les deux autres de chaque bord, c’est la même chose. Celle d’en face doit avoir 40 ans, ne me dites pas que ça étudie au doctorat, ça. En plus elle semble se permettre de nous juger, nous la jeunesse, et de me chialer parce que la veille il y a eu une fête dans la cuisine et je n’ai absolument rien à voir avec cela. Le plus beau morceau, il s’agit d’André. Ce gars me méprisait tellement, j’ai bien vu à parler un peu avec lui qu’il n’était plus de notre monde. Un gros rejet de notre société qui se revalorise dans sa prétention et ses études, s’y accrochant comme s’il s’agissait de sa dernière motivation à vivre. Alors il me dit qu’il est l’élite de la société et qu’il ne peut pas s’abaisser à parler à ceux qui ne sont pas l’élite. Je lui fais remarquer que ça le limite complètement, puisque c’est impossible alors de parler avec l’élite qui a étudié une autre branche que la sienne, l’histoire de l’art par exemple. Ensuite, il me dit qu’il étudie en littérature, et comme par hasard nous sommes incapables de communiquer puisque nous avons étudié des auteurs différents. Le voilà bien mal pris. Mais lorsque je lui ai dit qu’Anne Hébert viendrait peut-être au concert de Sébastien, le voilà qui fantasme tout haut, qu’en tant que grand responsable du comité qui organise les activités culturelles, quelle gloire ce serait pour lui d’avoir Anne Hébert en conférence et pouvoir prendre une photo d’elle avec lui pour que ça se retrouve sur le mur de la Maison. Oh my God ! Comme cela aurait été drôle, si dit de façon ironique. J’ai bien ri pour me rendre compte ensuite qu’il s’agissait d’une réalité pure et simple, et qu’il n’en dormirait pas de la nuit. Comme l’humain peut se contenter d’absurdités et de choses futiles. Le problème, c’est que ce con est en charge de la musique et que l’on dépend de lui pour le concert de Sébastien. Il va toujours manger seul au restau U, le restaurant de la Cité internationale universitaire de Paris. Ça se comprend. Il dit qu’il est impossible pour lui de communiquer avec les Français, on comprend pourquoi. Il réussit à s’entourer justement en étant le responsable des activités culturelles, alors on n’a pas le choix de transiger avec lui et de lui parler, le flatter et tout. Je ne doute pas qu’un jour il devra payer quelqu’un pour avoir du sexe et de l’affection. Paraîtrait qu’il est gai, selon Maurice qui l’a vu se cacher dans les escaliers pour regarder du coin de l’œil un Maurice en caleçon qui se baladait devant sa fenêtre. Après il serait entré dans sa chambre, aurait fermé toutes les lumières et aurait continué à observer Maurice dans le noir alors qu’on le voyait très bien par la fenêtre. Le pauvre, il doit vraiment être en manque.

carole cadotte <138194788@archambault.ca>