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Enfin, je suis reparti pour Toronto pour aller demeurer chez ma tante Charlotte. Oui, je suis bien surpris par Toronto. J’aime bien l’endroit, ils sont demeurés un rien en marge des autres grandes villes, pour ne pas dire alternatifs. Ils ont un beau style, ils sont bizarres à souhait, un peu comme Montréal, mais celui de voilà dix ans. Enfin, j’ai retrouvé mon Sébastien. Première chose que l’on a faite en arrivant chez son ami, je me suis lavé et il s’est ramassé avec moi dans la salle de bains, on a fait l’amour. Fallait s’y attendre. Je le voyais là, nu, devant moi. Bien étrange comme sensation. J’ai eu le temps de l’oublier un peu depuis ces deux mois et demi. Ça faisait d’autant plus bizarre qu’entre-temps j’ai couché avec deux autres gars tout à fait amoureux de moi, attentionnés, affectueux. Là, je me retrouvais avec mon ours qui ne me prend même pas dans ses bras et qui arrive difficilement à affirmer qu’il m’aime. C’est qu’il a encore des problèmes qui l’empêchent de dormir, il doit trouver un logement. Ensuite, tant qu’il n’aura pas sa première paie, il est un être très pauvre. Il a douze dollars pour aller jusqu’à mardi. Nu devant moi, je dois avouer qu’il est beau, très beau. Mais de façon bien différente de Gabriel et Ed. Sur le coup je me demandais si je n’étais pas un peu moins excité avec Sébastien. Mais bien au contraire, je crois qu’il m’excite énormément. J’ai beaucoup souffert avec lui, il est bien certain que ce n’est pas au niveau physique que les décisions vont se prendre. Ce soir, on parlait de la possibilité que je demeure ici avec lui dans son appartement. Il m’a avoué qu’il voudrait que l’on demeure un peu ensemble et que l’on voie si l’on devrait continuer. C’est-à-dire que si on voit que les problèmes sont pour recommencer, alors on arrête tout, c’est bien normal. Moi, je me demande si je reviendrai avec lui. Je lui a lancé qu’il aurait peut-être besoin que je reparte pour Jonquière et que si on voit dans le futur que j’ai besoin de lui et qu’il a besoin de moi, alors je reviendrai. Étrangement il répond qu’il a besoin de moi et qu’il m’aime. Je lui dis qu’il a peut-être besoin de sortir un peu pour rencontrer d’autre monde, il me répond qu’il n’a pas besoin de cela, il sait ce qu’il veut. Dans le fond je crois qu’il craint que je retourne à Jonquière, car il sait que je sauterai dans les bras de Gabriel. Et moi, si je dois choisir entre les deux, bien sûr, j’ai définitivement envie de choisir Sébastien. Ça fait bien plus sérieux, Sébastien est plus vieux, plus mature, plus masculin. En plus, ça fait déjà quatre ans et quelques mois que cette relation dure. Mais il reste que le Saguenay me rappelle à lui, et que Sébastien et moi ça me donne l’impression que c’est de la vieille histoire. Mais il est vrai que Jonquière devient moins important lorsque je suis avec Sébastien. Je me sentais perdu à New York avec Ed, mais ici à Toronto avec Sébastien j’ai l’impression d’être là où je dois être, là où je suis justifié d’habiter. Nous verrons comment ça ira, pour l’instant je devrais ne pas trop m’en faire et tenter d’oublier l’instant d’un moment le petit Gabriel et la région du Saguenay. Heureusement, la famille de ma tante Charlotte est merveilleuse, surtout les deux cousines. Probablement les seules dans toute la famille avec qui je m’entends très bien. D’ailleurs, je suis déjà un peu lié à elles, car lorsqu’elles venaient au Québec, elles venaient toujours chez nous, et moi et ma sœur étions les seuls avec qui elles parlaient (sur soixante-quinze petits-enfants, c’est tout de même passionnant). Elles n’ont pas oublié ce lien, et cela m’aide aujourd’hui. On parlait de leur relation avec les gars ; lorsque mon tour est venu de dire à quoi ressemblait ma vie amoureuse, ça s’est corsé. Je n’ai rien dit, je sais qu’elles ignorent que je suis gai. Ma tante le sait peut-être cependant ; de toute manière elle le saura bientôt, car je lui fais lire quelques-uns de mes textes où c’est clairement évident. Je ne crois pas qu’elle en parlera à son mari, italien catholique comme il est, il ne manquerait pas de me mettre à la porte de sa maison.
carole cadotte <138194788@archambault.ca>