18

 

Sébastien vient de se faire offrir un emploi à Londres, il y pense sérieusement. Je pourrais le suivre, mais la question de l’argent flotte sur nos têtes et j’ai l’impression qu’il serait heureux de me renvoyer à Ottawa travailler cet été. Non merci, plutôt mourir, trouver un emploi ici. Je ne désire pas repartir. Je suis cependant vraiment mal pris. Je ne dors plus tellement, je fais du stress à cause d’un professeur, M. Abarnou, et mes études. Comment vais-je expliquer à mes parents que j’ai abandonné mes études ? Ah, si l’on pouvait partir pour Londres. J’avoue que cela me tenterait et, à la limite, si ce n’est de m’occuper des concerts de Sébastien, je crois que je pourrais me débrouiller pour donner des cours de français ou traduction. J’irai voir dans les universités, les lieux de résidence des étudiants, je sens que je trouverais. Suffisamment pour en vivre ? Je sens bien qu’il doit y avoir beaucoup de Français en Angleterre, au moins autant qu’à New York, alors je ne sais pas à quoi m’attendre. Sébastien ne veut pas payer pour moi.

La sœur de Sébastien est arrivée avec son fiancé. Ils vont s’acheter des assiettes de Limoges, et j’ai comme l’impression que ces assiettes, c’est de l’arnaque. Sébastien veut tellement s’en acheter que je pense que ça en prendrait peu pour qu’il y engouffre ses derniers 1,500 $. Demain ils vont à Limoges, sans moi, je n’ai plus un sou. En plus, Sébastien ne me donne pas d’argent, il paye pour moi. Il dit qu’ainsi je ne dépense pas. Alors je me retrouve comme les filles du père Goriot de Balzac, mon sugar daddy ne me laissera pas dans la rue, mais il me laisse l’humiliation de ne pouvoir même m’acheter un café lorsque mes cellules en revendiquent un. Mais si j’ai le choix entre ça et qu’il me renvoie au Canada, c’est certain que je reste. Le problème, c’est que je ne pourrai définitivement pas payer le mois prochain. Et la Banque nationale de Paris m’a déjà envoyé un premier avertissement, mon compte est en souffrance et je dois rembourser ça tout de suite, 3,000 F. Que faire ?

carole cadotte <138194788@archambault.ca>