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En ce moment je marche jusqu’à la Cité internationale, faute d’argent pour le métro. J’ai marché de la Place de la Concorde jusqu’à la rue Jacob, retour ensuite à la Concorde, puis marché jusqu’à la Cité. La vie est belle ! En plus je suis malade. Je viens de croiser Brice, on ne s’est pas parlé. J’ignore s’il saute encore la voisine, Sébastien les entendait pleurer tous les deux dernièrement à 5h du matin. C’est beau un amour de trois longues semaines. C’est tellement intense, ils ne sont plus de ce monde. Et moi je le suis, bien enraciné dans la terre ferme. Demain je serai peut-être à Londres, sans un penny.
J’ai rappelé Renaud hier, pour la première fois depuis des lustres. Sébastien est à Londres dans l’appartement en train de tenter de louer la chambre. On va se voir ce soir, moi et le Renaud. On n’a pas dit un mot quant au fait que ni l’un ni l’autre ne s’est appelé depuis plus de deux mois. Je ne suis jamais retourné à l’université depuis. La vie est un vrai calvaire. J’ai abandonné mes études pour rien. Je ne désire plus écrire. Je voudrais m’exiler dans la nature, pas à Londres, nom de Dieu. Je suis pris d’une éternelle fatigue, de sempiternels tracas ou remords. Il me faudrait des vacances, la vie m’est devenue insupportable. De même que tout le monde qui m’entoure. Je crois que je vais aller me coucher et dormir le plus longtemps possible.
Je regarde quantité d’oiseaux qui survolent les arbres du parc Montsouris, je me demande s’il y a une logique à leur vol ou s’ils volent n’importe comment en rond et dans toutes les directions ? Pourrais-je même y voir un quelconque présage pour moi et mon avenir ? Londres est une ville triste, autant que Paris peut l’être. Autant que Jonquière et Chicoutimi, mais je les trouve moins tristes que ces deux dernières. J’adore le Lac-Saint-Jean, c’est là où je veux demeurer, nulle part ailleurs dans le monde.
Ah ! Je reviens du parc Montsouris, il m’a complètement revigoré, la vie est belle !
Que me faudrait-il donc pour me motiver à l’existence ? Suis-je éternellement condamné à souffrir de mes journées ? Si je vais à la Sorbonne, je panique. Si je travaille, même chose. Si j’ai enfin une journée à moi où je ne fais ni l’un ni l’autre, j’ignore quoi faire, je m’ennuie, j’ai envie de me lancer sous un pont. Je n’arrive pas à voir ce que la richesse m’apporterait ; de plus, il vient un temps où peu importe ce que tu fais, tu as l’impression que ça ne sert à rien et que cela n’a pas de but. Des fleurs, c’est bien beau, mais pourquoi perdre son temps à les entretenir ? Ceux qui travaillent pour payer leur logement et leur nourriture, et n’ont que ce seul but, doivent être plus heureux qu’ils ne le pensent. Ils savent pourquoi ils vivent, ils doivent travailler pour leur logement et leur bouffe. Je radote. Écrire ne me fournit plus de motivation, parce que je sais que c’est inutile. Pourquoi me faut-il venir au monde dans des temps si difficiles ? Londres ne m’inspire pas pour l’instant. Je sens bien qu’il m’est inutile de demeurer à Paris dans le moment. Sait-on jamais, peut-être que Londres m’apportera beaucoup, autant que Paris m’a apporté au début. Sans doute. Ah, et puis arrêtons de nous lamenter, les lamentations appartiennent aux ratés, aux médiocres. Or, ils pourront se lamenter toute leur vie, ça ne changera rien au fait qu’ils soient pourris. La question, c’est : suis-je donc tant pourri qu’il serait temps que je prenne mes études au sérieux ? Et qui me répondra franchement à une telle question, et qui donc pourrait venir me dire comme cela de tout abandonner et j’abandonnerais ? Que la vie peut faire souffrir, parfois. Que veulent-ils donc ? Je ne puis tout de même pas être plus terre à terre pour leur plaisir. La simplicité, la beauté dans la simplicité, sans tomber dans le prosaïsme. Ouf !
carole cadotte <138194788@archambault.ca>