42

 

Hier, nous sommes allés à la Gay Pride de Londres. Au début je ne voulais pas trop y aller, ni Sébastien d’ailleurs. Martin nous a un peu forcés, et puis, depuis 25 ans qu’ils s’arrachent l’âme à nous faire une parade, ça valait la peine que nous allions à notre première Gay Pride. À Londres en plus, c’est déjà plus motivant. Je dois avouer que j’ai été franchement impressionné. J’ai eu énormément de plaisir, et le plus incroyable, je n’ai bu aucune goutte d’alcool. Jamais je n’aurais cru une telle chose possible. Je crois que la fatigue de la marche nous a suffisamment étourdis pour que le fun vienne de lui-même. Et puis, où ailleurs dans le monde peut-on voir sur une même scène dans la même soirée : Alison Moyet, Boy George, Dead or Alive et une série d’autres artistes de qualité, gratuit par-dessus le marché ? Il fallait voir le gros feu d’artifice à la fin, pendant que Chaka Kahn nous envoyait ses beats et ses lumières. Ça m’a saoulé complètement. Virgin Mégastore organisait le tout, me voilà tout dévoué à Virgin pour le reste de mes jours. À l’avenir je vais voler avec Virgin Atlantic, si cela est possible, j’aurai même l’impression d’aider l’industrie de la musique en le faisant. Ce qui n’est pas le cas lorsque tu achètes un CD chez tout autre magasin de disques, aucun ne produit des artistes. Erasure jouait dans une autre des nombreuses grandes tentes, mais on l’ignorait. Il y avait certes plus de 100,000 personnes à marcher dans les rues fermées de Londres, remplissant toutes les bouches de l’Underground, de Victoria station à Victoria Park, jusqu’à Mile End station dans l’East End. C’était gigantesque, il y avait quantité de manèges, on en a essayé plusieurs. Bref, un agréable événement où toute la journée je n’ai cessé d’embrasser Sébastien partout dans la ville et dans les métros. Dieu qu’il y avait du monde. Et tout ce monde que l’on voyait était homosexuel, bi ou lesbienne. Après une telle parade et un tel concert, tu croirais que les médias en parleraient au moins pour un paragraphe. Niet. Du Melody Maker au New Musical Express, via The Guardian, Evening Standard, BBC et Carlton, pas un mot sur la Gay Pride. Pendant ce temps le Channel 4 nous a assommés avec le festival de Glastonbury, un festival de drogués à la Woodstock, dont même les journaux (qui ne parlent que de politique) ne peuvent s’empêcher de parler. Une vingtaine de pages juste dans le NME. L’Angleterre est très homophobe, en même temps on dirait que les jeunes ont explosé et que leur crise d’adolescence et d’identité n’en finit plus. Autant les vieux sont conservateurs, autant les jeunes semblent être anti-conservateurs. Alors l’Angleterre se retrouve parfois devant divers paradoxes. Ainsi on dirait une société totalitaire, mais aussi parfois libérale au maximum. Je ne doute pas que dans quelques années l’Angleterre sera différente dans sa mentalité, lorsque la vieille génération aura disparu. Les boomers ici ont manqué le bateau, ils sont bien trop conservateurs, et je n’arrive pas à comprendre ce qui a fait défaut. C’est à peu près comme les Canadiens-Anglais. De vrais colons ces derniers, ils ont copié leur pays d’origine jusque dans l’architecture que l’on retrouve encore dans plusieurs villes industrielles du Québec, comme Kénogami et Arvida. Une architecture que j’adore, qui est tellement sale et laide qu’elle devient belle lorsque tu as en tête l’histoire. J’adore le bout de chemin entre London Bridge et Greenwich, il me faut y retourner, c’est tout simplement passionnant ce paysage.

carole cadotte <138194788@archambault.ca>