74
Hier, j’ai vécu des émotions fortes. Je l’ai pris dans mes bras, le Thomas ! Je lui ai massé le dos et les épaules pour plus de trente minutes ! J’ai même bandé et parfois il pouvait la sentir, la grosse bosse que j’avais ! Lui, je sentais son parfum partout, il n’avait que son T-shirt América, je l’écrasais contre moi. Mais j’ai fait pire, il m’a dit de me déshabiller, sur le coup je n’ai pas réagi, je croyais qu’il blaguait. Il voulait voir ma réaction. Alors j’ai enlevé mon T-shirt. Devant sa panique cependant, il m’a bien fallu le remettre dans les deux minutes qui ont suivi. M’a-t-il trouvé beau ? Plus beau que Maurice ? M’a-t-il seulement regardé ? Sûrement. A-t-il aimé que je le masse ? Certainement. En fait, nous n’étions arrêtés que par sa conscience. Tout devait demeurer, dans une certaine mesure, acceptable pour sa conscience. J’espère que ce matin il ne se sent pas coupable et qu’il ne dira pas ces innocentes actions à Maurice. Son couple serait définitivement en péril, et je regretterais trop d’être la cause d’une telle destruction. Si je savais de manière certaine que c’est effectivement le destin qui nous a mis sur le même chemin, je n’hésiterais pas à souhaiter la fin de sa relation, mais je ne suis pas Nostradamus, le film que l’on a justement écouté hier. Ainsi lui et Maurice semblent vraiment amoureux. Ils se sont même achetés des perruches, malheureusement Maurice ne peut jamais les voir à cause de la mère de Thomas qui n’accepte pas la présence du copain dans la maison. Un ami, par contre, pas de problème. Sauf qu’hier, j’ai bien senti qu’il s’agissait d’une folie, cette invitation chez lui. Il m’a avoué le lendemain qu’il aurait à affronter sa mère. Je croyais qu’il avait déjà invité des amis gais chez lui depuis que ses parents sont au courant, mais non, j’étais le premier. Ainsi Maurice ne peut franchir la porte (sauf quand tout le monde est absent pour quelques heures de façon certaine) et moi j’y vais allégrement écouter deux films et demi, tenant le beau Thomas dans mes bras l’instant d’une soirée inoubliable. A-t-il bandé, lui ? Je n’ai pas osé poser la question, mais Dieu que j’aurais voulu vérifier. Il aime les gens circoncis, il m’en a parlé hier. Je crois qu’il voulait voir ma circoncision. Mais je n’en suis pas certain, alors je n’ai pas osé. Si je me retrouve encore avec lui et qu’il m’en reparle, je n’hésiterai plus. J’ignore comment il va se débrouiller avec ses parents aujourd’hui, somme toute, un garçon est demeuré dans sa chambre à écouter des films jusqu’à 3h30. Mais franchement, il ne s’est rien passé et je ne suis qu’un ami. C’est le temps qu’ils acceptent la réalité. Il faut les dompter ces parents-là ! Alors je ne crois pas que c’est négatif. Au contraire, cela permettra une franche discussion sur le fait que sa sœur, elle, reçoit son copain tous les jours et il couche dans son lit, alors que Tom, lui, ne peut même pas recevoir un ami pour écouter des films. Tout peut paraître bien innocent, lorsque l’on s’y applique. Mais innocent, ça ne l’était pas. J’ai adoré ma soirée, pouvoir le toucher, sans plus. Ça change de mes autres relations où aucune barrière ne subsiste et que l’on va trop vite dans le lit. Je l’aurai désiré mon Thomas avant de lui sombrer dans les bras pour le fameux soir où l’on en fera plus. Mais j’ai bien peur qu’en ce moment il m’observe en coin, fait le pour et le contre entre moi et Maurice, et éventuellement peut-être il pourra choisir. Mais peut-être qu’il ne s’intéresse toujours pas à moi, qu’en fait, hier, pour lui, ça ne représentait rien, je l’ai massé un peu et puis c’est tout. Yvonne me massait à Londres lorsque l’on travaillait, est-ce vraiment innocent ? Oui, certainement. Mais moi je l’ai vécu ce massage, je lui passais mes mains partout, dans le cou, et parfois je dépassais la limite, je lui touchais un peu la peau. Alors il se retournait et me rappelait les limites. Collé tout contre lui, la sensation était bonne. J’aime bien sa petite chambre pleine de systèmes de son, télé, machines et tout ce que tu voudras. J’ai lu les quelques premières pages de son livre. J’ai fait une première correction sommaire, alors ça m’a freiné dans la lecture. Bien sûr, pour moi ça prend une valeur inestimable ce qu’il écrit, car c’est autobiographique, alors je ne lis pas l’histoire inventée de Pierre-Jean-Jacques, dont l’auteur aurait manqué d’imagination. Il raconte un peu sa jeunesse, son premier amour suivra, bref, j’aimerais bien lire la suite. Aujourd’hui, je n’ai pas de regrets, car s’il m’a permis d’être là, s’il m’a permis de le toucher, tout cela nécessite sa coopération. Il aime bien. Il suffit juste de ne pas franchir la limite où sa conscience ne pourrait plus tenir. En fait, je regretterais énormément s’il devait laisser Maurice. J’aimerais mieux demeurer un ami en parallèle, avec qui il coucherait, tout en gardant cela secret et sa conscience pour lui. Je m’en voudrais trop de briser cette relation si jamais moi et Tom ça ne fonctionne pas. Mais peut-être que je me fais des illusions, je donnerais cher pour savoir ce qui se passe dans la tête de Thomas. Comment, lui, interprète les événements d’hier, comment il a apprécié ma présence. Il a de bonnes raisons pour ne pas me réinviter chez lui, sa conscience, sa mère. Mais moi je donnerais n’importe quoi pour me retrouver là tout près de lui, le serrant dans mes bras. Je souhaiterais bien lui enlever son T-shirt (je suis bandé en permanence depuis mon réveil), mais il semble y tenir à son gilet. Mais moi je sais ce qu’il y a en dessous, j’y ai mis ma main plusieurs fois, et là moi je ne puis plus me contenir, il me le faut nu dans mes bras ! J’en mourrais, je pense. Quelle belle soirée. C’est drôle, j’ai l’impression qu’entre moi et Thomas, ce n’est pas moi qui en apprendrai le plus. Je pense que c’est moi qui lui ferai découvrir mes expériences, mes voyages en Europe et ailleurs. Nous n’avons qu’un an de différence, mais lui n’est allé qu’en République Dominicaine, et puis pas longtemps. Il n’est même pas sorti un peu pour demeurer à Montréal pendant un certain temps. C’est étrange, car on dirait qu’il ne veut même pas partir de la région. Je trouve ça mignon, j’aime cette mentalité. Mais il avoue qu’un jour il faudra bien qu’il sorte un peu de la région, je l’ai même invité à venir avec moi à Paris. Il a l’impression que ça coûte cinq mille dollars et que, par conséquent, il ne pourra jamais y aller. Bien sûr que non, mon petit Tom. On ira, tu verras, et on n’aura pas besoin d’économiser pendant un an. Nous aussi nous finirons par finir les études, nous aurons de l’argent et nous déciderons ce que nous ferons avec, c’est simple. Il s’agit de savoir où sont nos priorités. Oui, j’ai l’impression qu’il a beaucoup à apprendre de moi, il dit même que je lui ai déjà donné une motivation à écrire. Ce qui semble être déjà bien pour lui. Je n’ai pas la prétention de croire que mes voyages et mon séjour en Europe font de moi quelqu’un qui en sait plus qu’un autre sur la vie, ni même je n’ai l’impression que mes études ou mon intelligence ont fait de moi quelqu’un de mieux qu’un autre. Mais je constate tout simplement que, pour la première fois, je rencontre quelqu’un dont, au lieu que je pose les questions pour apprendre, je réponds aux questions. Peut-être aussi ai-je trop demeuré avec Sébastien, à qui je n’ai jamais rien appris. Sébastien savait non seulement tout sur tout, mais en plus il avait déjà une idée claire de toutes les opinions qu’il faut avoir sur tout. Je me demande si Thomas voudra me voir aujourd’hui. Mais malheureusement, on ne se retrouvera pas dans une situation où je pourrai encore le tenir dans mes bras en lui massant le dos. La vie est triste ! Mais parfois passionnante pour ces quelques moments privilégiés.
carole cadotte <138194788@archambault.ca>