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Deux soirs en ligne j’ai découché chez Virginie, pour me retrouver dans les bras du petit Gabriel. Je me souviens de lui maintenant, il était tout jeunot et il se tenait avec un groupe d’enfants dans la rue voilà longtemps. Qui eût cru que je me retrouverais dans ses bras un jour. Quoi qu’il en soit, mes parents ont réfléchi, j’ai osé dire à ma sœur que la maîtrise à Chicoutimi c’est du vol, trois sessions à deux cours par session à 1,000 $ la session, et ça m’oblige à demeurer ici pour les deux prochaines années. Je lui ai dit aussi que j’aimais mieux partir, ma vie pouvait déboucher davantage ailleurs, des rencontres plus fructifiantes à Montréal niveau carrière. Elle a parlé avec mon père, lui aussi est d’accord que je devrais peut-être déguerpir et travailler un peu pour rembourser mes dettes qui cumulent les 20,000 $. En plus, mon père m’a parlé de stabilité, de retourner avec Sébastien. Je crois qu’il vient de comprendre ce que la mère de Sébastien n’a jamais compris. Si on se laisse, on sort comme des malades, on rencontre plein de monde, on couche à tort et à travers, on finit par attraper une maladie bizarre et on en crève. Ainsi ce n’est plus à cause de mes parents que je resterais ici, c’est définitivement ma propre décision. Ils ne me font pas entrave, ils souhaitent que je sois heureux et que j’arrive quelque part dans la vie, ce qui est peu probable si je reste dans la région. Ont-ils entendu des choses que j’ignore ? Il est vrai que je me suis retrouvé dans la salle de déshabillage des travestis cette semaine, on m’a même filmé. Je crois que j’étais en train d’embrasser Gabriel. Je suppose que si cette cassette se retrouvait dans le magnétoscope de mes parents, une crise éclaterait. Je pense encore à Sébastien, bien sûr. Je ne sais pas très bien où je partirais si je devais partir. Ce ne sera peut-être même pas en fonction de Sébastien. Dans ce cas je partirais pour New York. Je crois qu’il me faudrait une voiture. Ce serait ma petite maison mobile. Je l’achèterais à Montréal, une Saab si possible. Je suis libre de partir de par le monde, j’ai quelques centaines de dollars pour aller m’installer ailleurs ; manquerais-je cette chance ?
carole cadotte <138194788@archambault.ca>