L’HISTOIRE DÉBUTE vers la fin du siècle avant-dernier, dans un petit village du Limousin. Autour du bac municipal, des enfants jouent le plus sérieusement du monde à un jeu qui les passionne : le jeu de la bouteille dont le principe est simple : on remplit une assez grande bouteille d’eau. Avec la paume de la main, on en obture le goulot. On renverse la bouteille et on plonge le goulot dans le bassin. La bouteille ne se vide pas de son liquide (principe de Torricelli). On y introduit un bout de tuyau et on souffle par l’autre extrémité (voir figure). On y insuffle ainsi des bulles d’air qui chassent en le remplaçant le liquide qui s’y trouvait. Le jeu consiste à vider le plus d’eau possible sans reprendre son souffle et en une seule expiration. Celui qui en vide le plus est déclaré gagnant.
Le futur docteur Pescher est l’un de ces enfants. Et déjà il fait plusieurs remarques intéressantes, dont celle-ci : les meilleurs au jeu de la bouteille sont aussi les meilleurs à la course, à la lutte et à tous les jeux physiques qui, à cette époque, occupaient les loisirs des petits paysans de son âge. Ils étaient aussi plus baraqués, mieux bâtis.
Un jour, arrive au village un petit citadin malingre et chétif qui, au jeu de la bouteille, ne peut faire le poids devant les autres. Alors, secrètement, tout seul, il « s’entraîne », et un jour, il devient de taille à rivaliser avec les meilleurs. Mais au terme de cet « entraînement », il s’est lui aussi « étoffé ». Sa poitrine et ses épaules se sont élargies. Et il peut aussi tenir son rang dans toutes les autres activités physiques auxquelles s’adonnent ses petits camarades.
Son doctorat de médecine en poche, plusieurs années plus tard, le Dr Pescher devait se souvenir de toutes ces observations prises sur le vif, quand, juste avant le premier conflit mondial, il eut à s’occuper de petits citadins insuffisants respiratoires, tuberculeux, déformés du thorax, etc. Après la Grande Tuerie, plus encore quand il fallut soigner et réhabiliter les rescapés du gaz moutarde (l’ypérite) et les blessures perforantes du poumon, la méthode mise au point par le Dr Pescher fit merveille.
Car il ne faut pas s’y tromper : le Dr Pescher n’est pas un illuminé, un franc-tireur, un savant fou ou un obscur médecin en mal de célébrité rejeté par la profession et moqué par ses collègues. C’est, à cette époque, une sommité médicale, reconnue de tous. Et qui eut même son heure de célébrité, puisqu’il est connu du public lui-même. C’est un ancien interne des hôpitaux de Paris, ce qui, à l’époque, signifiait quelque chose ; lauréat des Hôpitaux et de l’Académie de Médecine et membre de la Société de Médecine de Paris.
Sa méthode, applaudie, répandue dans le corps médical, est même (automédication) utilisée à titre privé par les particuliers. Elle remporte des succès retentissants. C’est l’après-guerre, et il fallait soigner tous les éclopés, les très nombreuses victimes militaires et civiles du grand conflit armé. Pas question de laisser des querelles de vanité ou de personnes, ou encore des considérations financières, l’emporter sur cet impératif patriotique : venir en aide aux poilus, aux héros de Verdun ; l’opinion publique ne l’aurait pas supporté.
Par la suite, les indications de la méthode, qui au début ne s‘adressait qu’au système pulmonaire, n’ont cessé de s’étendre. Dans ces conditions, on se demande bien pourquoi elle a fini par être abandonnée, puis oubliée. On ne peut ici que risquer des suppositions. Peut-être la superstition de la nouveauté : on se lasse de tout, même de guérir. Ou peut-être qu’elle guérit trop de choses, et cela ne fait pas sérieux, en temps de paix, pour la médecine officielle, imbue du dogme de la spécificité du remède. Trop guérir fait un peu désordre…
Et puis, vers les années 1950, on s’est hypnotisé sur les sulfamides ; la pénicilline et les antibiotiques et leurs résultats foudroyants, plus « modernes », plus « scientifiques ». En outre, la kinésithérapie est depuis longtemps vue d’un mauvais œil par les médecins, qui l’ignorent et ne savent pas toujours la prescrire. Elle n’est, à leurs yeux, qu’un pis-aller archaïque, qu’on n’a toléré qu’en attendant mieux. Un « soutien affectif », pour certains malades. Et puis, les moyens mis en œuvre (un jeu d’enfant…) sont fort simples, à la portée de n’importe qui. Et quoiqu’ils en disent parfois, les professionnels de santé n’aiment pas qu’on guérisse hors des clous, sans leur permission : question de prestige ou sordides intérêts financiers ? Difficile de trancher ! Il reste un fait : la médecine est bien un commerce et un malade guéri est un client perdu. Enfin, dernière explication, il y a l’inertie, la paresse, l’esprit moutonnier, la frivolité humaine et son insondable capacité d’oubli… Pourquoi les seuls médecins en seraient-ils exempts ?
Toujours est-il que cette thérapie facile, supérieurement efficace, et qui n’a pour tort que de guérir trop, trop vite et trop bien, pourrait encore de nos jours sauver des vies, nous préserver des effets secondaires redoutables de certains médicaments, éviter séquelles, handicaps et infirmités, alléger le déficit de la sécurité sociale Mais elle est rejetée sottement à cause de sa date de naissance (jeu-nisme oblige, ici aussi !) et a été délibérément jetée pardessus bord. Car, en fin de compte, elle ne profiterait guère qu’aux malades…
Mais que cela ne vous empêche pas, vous, de l’utiliser, pour votre plus grand profit et sans qu’il ne vous en coûte rien. On vit dans un monde qui se suicide : ce n’est pas une raison pour que vous en fassiez autant !