Toutes les paroles du monde quand à la fois je te les aurai données

Toutes les forêts d’Amérique et toutes les moissons nocturnes du ciel

Quand je t’aurai donné ce qui brille et ce que l’œil ne peut pas voir

Tout le feu de la terre avec une coupe de larmes

La semence mâle des espèces diluviennes

Et la main d’un petit enfant

Quand je t’aurai donné le caléidoscope des douleurs

Le cœur en croix les membres roués

L’immense tapisserie des hommes martyrisés

Les écorchés vivants à l’étal suppliciaire

Le cimetière éventré des amours inconnues

Tout ce que charrient les eaux souterraines et les voies lactées

La grande étoile du plaisir dans l’infirme le plus misérable

Quand j’aurai peint pour toi ce vague paysage

Où les couples se font photographier dans les foires

Pleuré pour toi les vents chanté que mes cordes en cassent

La messe noire de l’Adoration perpétuelle

Maudit mon corps avec mon âme

Blasphémé l’avenir et banni le passé

Fait de tous les sanglots une boîte à musique

Que tu oublieras dans l’armoire

Quand il n’y aura plus de rossignols dans les arbres à force de les jeter à tes pieds

Quand il n’y aura plus assez de métaphores dans une tête folle pour t’en faire un presse-papiers

Quand tu seras lassée à mourir du culte monstrueux que je te voue

Que je n’aurai plus ni voix ni ventre ni visage et les pieds et les mains sans place pour les clous

Quand les verbes humains auront tous dans mes doigts brisé leur verre

Et que ma langue et mon encre seront sèches comme une station expérimentale pour les fusées interplanétaires

Et les mers n’auront plus laissé derrière elles que la blancheur aveuglante du sel

Si bien que le soleil ait soif et la lumière sur ce parquet de trémies oscille

Le schiste éteint le firmament amorphe et l’être à jamais épuisé de métamorphoses