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ÉPILOGUE
L ’HERBE HAUTE QUI BORDAIT le Chemin du Tonnerre s’écarta sur le passage d’Étoile de Feu. Le soleil affaibli de la saison des feuilles mortes jouait avec les plis de sa fourrure. À son côté, Plume Grise huma l’air, soupçonneux.
« Par le Clan des Étoiles, quelle puanteur, aujourd’hui ! » s’exclama-t-il.
Flocon de Neige et Tempête de Sable les rejoignirent à petits pas. Nuage de Feuille, le dernier membre de la patrouille, se détourna des soucis qu’elle examinait. Flocon de Neige renifla, dégoûté.
« Chaque fois que je viens ici, grogna-t-il, il me faut toute une journée pour débarrasser ma fourrure de cette puanteur. »
Tempête de Sable leva les yeux au ciel mais ne dit rien.
« Vous savez quoi ? Je trouve ça étrange… miaula Étoile de Feu, laissant courir son regard le long du Chemin du Tonnerre. Aucun monstre en vue, et pourtant l’odeur est pire que jamais.
— J’entends quelque chose », le coupa Nuage de Feuille, les oreilles aux aguets.
Le vent apporta aux chats un rugissement grave qui semblait s’accentuer à chaque instant.
Flocon de Neige se tourna vers son chef, l’air troublé.
« Qu’est-ce que c’est ? s’enquit-il. Je n’ai jamais… »
Sa voix s’interrompit et il resta bouche bée.
Au bout du Chemin du Tonnerre apparut un monstre gigantesque. Les rayons du soleil se réfléchissaient sur son corps luisant et sa forme ondulait dans les vagues de chaleur qui s’élevaient de la surface du Chemin du Tonnerre. Son rugissement enfla tant et si bien qu’il retentit dans la forêt tout entière.
Il arrivait lentement, suivi d’un autre, et d’un autre encore. Des Bipèdes étaient accrochés comme des tiques et se criaient les uns sur les autres, leurs mots couverts par le raffut.
Tandis que le monstre de tête arrivait au niveau des félins, l’impensable se produisit. Au lieu de continuer tout droit, il bifurqua, écrasa l’étroite bande d’herbe qui séparait le Chemin du Tonnerre de la forêt, et se dirigea droit sur eux.
« Que se passe-t-il ? » s’écria Plume Grise, tandis qu’Étoile de Feu hurlait : « Dispersez-vous ! »
Il plongea dans les buissons pendant que son lieutenant se réfugiait sous une aubépine, aux aguets. Flocon de Neige sauta dans l’arbre le plus proche et se tapit entre deux branches. Tempête de Sable se dirigea vers une ravine où coulait un filet d’eau, et ne se retourna qu’une fois de l’autre côté, la fourrure ébouriffée tant par la peur que par la colère. Nuage de Feuille la suivit et se cacha dans l’herbe haute.
Le monstre progressait, détruisant tout de ses énormes pattes noires. Sous les yeux horrifiés des cinq félins, la chose donna des coups d’épaule à un bouleau qui frémit sous l’impact puis, avec un hurlement évoquant l’agonie collective de toutes les proies de la forêt, il arracha ses racines.
L’arbre tomba à terre. Le monstre poursuivit sa course folle.
La destruction de la forêt avait commencé.