GRIFFE DE RONCE SORTIT DU GÎTE des guerriers et balaya la clairière du regard. Un autre quart de lune était passé, sans que la pluie tombe. Une atmosphère étouffante régnait sur la forêt. Les ruisseaux les plus proches s’étaient asséchés, obligeant le Clan à se désaltérer au cours d’eau qui longeait la clairière des Quatre Chênes. Heureusement, son lit profond courait dans le sol rocheux et ses eaux demeuraient abondantes même en cas de canicule.
Depuis l’Assemblée, le jeune guerrier dormait mal. Chaque jour, il se réveillait avec l’impression qu’une catastrophe s’était produite dans le camp durant la nuit. Ce matin-là, Nuage Ailé et Nuage de Musaraigne s’exerçaient au combat devant la tanière des apprentis. Poil de Souris émergea du tunnel d’ajoncs, un écureuil entre les mâchoires, suivie de son apprenti, Nuage d’Araignée, et de Perle de Pluie. Tous rapportaient du gibier. Étoile de Feu et Plume Grise s’entretenaient au pied du Promontoire, non loin de Nuage d’Écureuil et de Pelage de Poussière.
Étoile de Feu fit signe à Griffe de Ronce de le rejoindre.
« Tu es partant pour une patrouille spéciale ? lui demanda-t-il. Je voudrais inspecter la frontière du territoire du Clan de l’Ombre, au cas où il leur viendrait l’idée de prendre de l’eau chez nous.
— Mais Étoile de Jais a affirmé que son Clan disposait de toute l’eau dont il avait besoin, lui rappela le jeune matou.
— C’est vrai, répondit le rouquin, les oreilles frémissantes. Mais il ne faut pas nécessairement croire tout ce que les chefs déclarent lors des Assemblées. Et puis, je n’ai jamais fait confiance à Étoile de Jais. S’il pense que notre gibier est plus abondant, il ne se gênera pas pour envoyer des chasseurs sur notre territoire. »
Plume Grise émit un grognement d’approbation avant d’ajouter :
« Voilà bien des lunes que le Clan de l’Ombre se tient tranquille. Si vous voulez mon avis, ça cache quelque chose.
— Je pensais que… » Griffe de Ronce s’interrompit, à la fois gêné de contredire un ordre de son chef et épaté d’avoir envisagé une possibilité qui semblait avoir échappé à Étoile de Feu.
« Continue », l’encouragea le rouquin.
Griffe de Ronce respira un bon coup. Il ne pouvait plus revenir en arrière, malgré le regard foudroyant que Nuage d’Écureuil lui adressait.
« À mon avis, se lança-t-il, si quelqu’un doit nous causer des ennuis, ce sera le Clan du Vent. Si leur territoire est aussi desséché que le dit Étoile Filante, alors ils vont forcément manquer de gibier.
— Le Clan du Vent ! répéta l’apprentie. Griffe de Ronce, tu n’es qu’une cervelle de souris ! Le Clan de la Rivière a autorisé le Clan du Vent à aller boire chez lui, alors s’il doit voler du gibier, ce sera certainement celui d’Étoile du Léopard et des siens.
— Peut-être, mais la bande de territoire du Clan de la Rivière est mince entre le cours d’eau et notre frontière, rétorqua le jeune guerrier. Si le Clan du Vent chasse dans ce coin, leurs proies pourraient facilement détaler vers chez nous.
— Tu te crois plus intelligent que tout le monde ! feula Nuage d’Écureuil en se levant d’un bond, la fourrure ébouriffée. Étoile de Feu t’a ordonné de surveiller la frontière qui nous sépare du Clan de l’Ombre, alors tu devrais obéir sans discuter !
— C’est vrai que, toi, tu n’as jamais désobéi à un ordre », intervint Pelage de Poussière, sarcastique.
L’apprentie fit mine de ne pas entendre son mentor et poursuivit :
« Le Clan de l’Ombre nous a toujours posé des problèmes, insista-t-elle. Alors que les membres du Clan du Vent sont nos amis. »
Griffe de Ronce sentait la colère monter en lui. Il n’avait pas voulu remettre en question l’autorité de leur chef, évidemment ! Étoile de Feu était le héros qui avait sauvé la forêt de l’ambition destructrice d’Étoile du Tigre. Il n’y aurait jamais d’autre chat de la trempe d’Étoile de Feu. Pourtant, le guerrier pensait que le Clan du Tonnerre devait vraiment se méfier du Clan du Vent. Il aurait aimé en parler au calme avec son chef, mais c’était impossible avec Nuage d’Écureuil qui contredisait le moindre de ses propos.
« C’est toi qui te crois plus intelligente que tout le monde, cracha-t-il en faisant un pas vers elle. Tu ne peux pas écouter ce qu’on te dit, pour une fois ? »
Il se baissa soudain pour éviter le coup de patte qu’elle lui lança, toutes griffes dehors, et perdit alors son sang-froid. Il se prépara à bondir sur elle, la queue hérissée. Si Nuage d’Écureuil voulait se battre, elle n’allait pas être déçue !
Avant que l’un ou l’autre ait pu attaquer, Étoile de Feu s’interposa.
« Ça suffit ! » rugit-il.
Griffe de Ronce se figea, consterné. Il se redressa, se donna un coup de langue gêné sur le poitrail et marmonna : « Je m’excuse, Étoile de Feu. »
Nuage d’Écureuil resta silencieuse, dans une attitude de défi. Pelage de Poussière la toisa avant de miauler :
« Alors ?
— Moi aussi, je m’excuse, marmonna-t-elle, avant de tout gâcher en ajoutant : N’empêche que ce chat n’est qu’une cervelle de souris.
— En fait, je pense qu’il a peut-être raison, pas toi ? lança Pelage de Poussière à Étoile de Feu. D’accord, le Clan de l’Ombre nous a toujours causé des ennuis, et il en ira sans doute toujours ainsi, mais si le Clan du Vent apercevait un campagnol dodu ou un écureuil de notre côté de la frontière, tu ne crois pas qu’il serait tenté ?
— C’est possible, convint le rouquin. Dans ce cas, Griffe de Ronce, tu ferais mieux d’emmener une patrouille le long de la frontière du Clan de la Rivière, jusqu’aux Quatre Chênes. Pelage de Poussière, toi et Nuage d’Écureuil, vous pouvez l’accompagner. » Les yeux plissés, il jeta un regard dur à sa fille et à Griffe de Ronce. « Et vous deux, tenez-vous tranquilles ou vous le regretterez.
— Oui, Étoile de Feu », répondit Griffe de Ronce, soulagé de s’en tirer à si bon compte, alors qu’il avait failli transformer l’apprentie en chair à corbeau.
« Cela nous fait donc deux patrouilles, conclut Plume Grise, l’air enjoué. Je vais chercher du renfort pour m’accompagner jusqu’à la frontière du Clan de l’Ombre. »
Il se leva d’un bond et disparut dans le gîte des guerriers.
Étoile de Feu inclina la tête vers Pelage de Poussière, lui signifiant ainsi qu’il dirigerait l’autre patrouille. Puis il prit la direction de son antre, de l’autre côté du Promontoire.
« Bon, allons-y », lança Pelage de Poussière. Il fit quelques pas vers le tunnel d’ajoncs, avant de jeter un œil à son apprentie qui n’avait pas bougé. « Qu’est-ce qu’il y a, encore ?
— Ce n’est pas juste, marmonna-t-elle. Je ne veux pas patrouiller avec lui, là. »
Griffe de Ronce leva les yeux au ciel, mais se retint de répondre.
« Alors, tu aurais dû tourner sept fois ta langue dans ta bouche avant de parler », rétorqua son mentor. Il revint sur ses pas et, plongeant ses yeux dans ceux de la rouquine, il énonça d’un ton ferme : « Nuage d’Écureuil, tôt ou tard, tu devras apprendre qu’il y a un temps pour parler et un temps pour se taire.
— Mais on dirait que c’est toujours le temps de ce taire, soupira-t-elle.
— C’est bien, tu fais des progrès. » Pelage de Poussière lui asséna un petit coup sur l’oreille du bout de sa queue. Griffe de Ronce y vit une preuve de l’affection qui unissait le mentor et l’apprentie. « Venez, vous deux. Nous allons renouveler le marquage du territoire. Avec un peu de chance, on dénichera une souris ou deux. »
Nuage d’Écureuil retrouva sa bonne humeur en attrapant un campagnol aux Rochers du Soleil. Griffe de Ronce dut admettre que l’apprentie était un chasseur efficace, traquant sa proie avant de bondir et de l’achever d’un seul coup de patte.
« Pelage de Poussière, je meurs de faim, déclara-t-elle. J’ai le droit de le manger ? »
Son mentor hésita un instant, puis hocha la tête.
« Le Clan s’est déjà restauré, répondit-il. Et nous ne sommes pas partis chasser. »
Tout en prenant une grosse bouchée de viande, Nuage d’Écureuil lança un regard en coin à Griffe de Ronce.
« Mmmm… délicieux », ronronna-t-elle. Puis elle s’arrêta de mâcher et poussa les restes du campagnol vers Griffe de Ronce. « T’en veux ? »
Le jeune guerrier s’apprêtait à la rembarrer, mais il comprit que l’apprentie tentait de faire la paix.
« Merci », miaula-t-il en mordant dans la chair.
Pelage de Poussière sauta au pied des rochers et déclara :
« Bon, quand vous aurez fini de vous goinfrer… Nuage d’Écureuil, que sens-tu ?
— À part le campagnol, tu veux dire ? » demanda-t-elle avec insolence. Sans attendre la réponse, elle se releva pour humer l’air. La brise venait de l’autre côté de la rivière. « Des guerriers du Clan de la Rivière. L’odeur est forte et fraîche.
— Bien. » Son mentor semblait content. « Une patrouille vient de passer. Rien qui puisse nous intéresser. »
Et aucun signe du Clan du Vent, se dit Griffe de Ronce lorsqu’ils repartirent. Ce qui ne signifiait pas que ses doutes étaient infondés : il ne s’attendait pas à trouver leur trace si loin le long de la rivière, au bout du territoire du Clan du Tonnerre.
Ils passèrent le pont des Bipèdes et s’approchèrent des Quatre Chênes. Avant de poursuivre, ils firent halte pour scruter la descente vers la clairière. La brise était tombée et l’air immobile diffusait une forte odeur de chats.
« Les Clans du Vent et de la Rivière, miaula Griffe de Ronce à Pelage de Poussière.
— Oui. Mais ils ont le droit de descendre à la rivière, lui rappela-t-il. Rien ne prouve qu’ils aient franchi notre frontière.
— Je l’avais bien dit ! » ne put s’empêcher de lancer Nuage d’Écureuil.
Griffe de Ronce haussa les épaules, pas mécontent d’avoir eu tort. Il ne tenait pas à avoir des problèmes avec le Clan du Vent.
Pelage de Poussière venait de faire un pas vers les Quatre Chênes lorsque Griffe de Ronce flaira une autre odeur : le Clan du Vent, de nouveau, mais leur passage était bien plus récent. N’osant pas interpeller ses camarades, il agita la queue pour attirer l’attention de Pelage de Poussière et inclina ses oreilles dans la direction de l’odeur. L’autre guerrier s’aplatit dans l’herbe haute et leur fit signe de l’imiter.
Clan des Étoiles, je vous en prie, implora Griffe de Ronce, empêchez Nuage d’Écureuil de la ramener !
Mais l’apprentie ne dit rien, tapie près du sol, le regard fixé sur les touffes de fougères désignées par Griffe de Ronce. Pendant un instant, ils n’entendirent que le murmure de l’eau. Puis vint un bruissement de feuilles sèches : un chat pommelé jeta un œil hors des fougères avant de se faufiler à découvert, pénétrant de quelques longueurs de queue de renard sur le territoire du Clan du Tonnerre. Griffe de Ronce reconnut Griffe de Pierre, le lieutenant du Clan du Vent. Moustache l’accompagnait, ainsi qu’un chat gris charbonneux qu’il n’avait jamais vu, sans doute un apprenti, et qui tenait un campagnol dans la gueule.
Regardant derrière son épaule, Griffe de Pierre murmura :
« Dirigez-vous vers la frontière. Je sens des chats du Clan du Tonnerre.
— Pas étonnant », feula Pelage de Poussière en quittant l’abri des hautes herbes.
Griffe de Pierre recula et cracha. Aussitôt, Griffe de Ronce et Nuage d’Écureuil bondirent pour se positionner de chaque côté de Pelage de Poussière.
« Que faites-vous sur notre territoire ? tonna le guerrier. Enfin, je peux le deviner…
— Nous ne vous volons pas votre gibier, rétorqua Griffe de Pierre.
— Et ça, c’est quoi ? demanda Nuage d’Écureuil en désignant du bout de la queue le rongeur que portait l’apprenti.
— Ce n’est pas un campagnol du Clan du Tonnerre », expliqua Moustache. C’était un vieil ami d’Étoile de Feu ; il semblait plus qu’embarrassé d’être pris sur le fait. « Il a traversé la frontière depuis le territoire du Clan de la Rivière.
— Même si c’est vrai, vous le volez donc au Clan de la Rivière, fit remarquer Griffe de Ronce. Vous avez la permission de boire chez eux, pas de chasser. »
L’apprenti gris sombre laissa tomber le rongeur et se rua sur Griffe de Ronce.
« Mêle-toi de tes affaires ! » cracha-t-il avant de percuter le guerrier du Clan du Tonnerre, l’envoyant rouler au sol. Griffe de Ronce laissa échapper un cri de surprise en sentant les crocs de l’apprenti s’enfoncer dans sa nuque. Il se tortilla et réussit à plonger ses griffes dans l’épaule de son adversaire, mais s’aperçut aussitôt que de puissantes pattes lui écorchaient le ventre. Avec un hurlement rageur, il dégagea sa nuque et chercha à atteindre la gorge de l’autre.
Tandis que ses crocs trouvaient leur prise, Griffe de Ronce vit Moustache lever la patte pour frapper. Il se prépara à affronter les deux félins en même temps, avant de comprendre que le vétéran du Clan du Vent venait de repousser l’apprenti. Il se tenait au-dessus de lui, les yeux étincelant de rage.
« En voilà assez, Nuage Noir ! feula-t-il. Tu oses attaquer un guerrier du Clan du Tonnerre alors que nous sommes sur leur territoire ? Et puis quoi encore ?
— Il nous a traités de voleurs ! répliqua Nuage Noir, le regard mauvais.
— Et il avait raison, pas vrai ? »
Moustache se tourna vers Pelage de Poussière. Tandis que Griffe de Ronce se relevait, il constata que le mentor s’était mis devant son apprentie pour l’empêcher de participer au combat.
« Pelage de Poussière, je suis désolé, continua Moustache. Ce campagnol vient vraiment du territoire du Clan de la Rivière, et je sais que nous n’aurions pas dû le chasser. Mais il ne reste presque plus de gibier chez nous. Nos anciens et nos petits ont faim, et… » Il s’interrompit, comme s’il regrettait d’en avoir déjà trop dit. « Qu’allez-vous faire, maintenant ?
— Ce campagnol ne concerne que vous et le Clan de la Rivière, répliqua Pelage de Poussière d’un ton froid. Je ne vois pas pourquoi j’en parlerais à Étoile de Feu… sauf s’il y a récidive. Quittez nos terres, et n’y revenez plus. »
D’une légère bourrade, Griffe de Pierre aida Nuage Noir à se relever. Le lieutenant du Clan du Vent semblait toujours furieux d’avoir été pris sur le fait. D’ailleurs, au contraire de Moustache, il n’avait pas présenté d’excuses. Sans un mot, il se dirigea vers la frontière, suivi de près par le guerrier. Nuage Noir hésita un instant, puis récupéra le campagnol d’un air de défi et fila rejoindre ses camarades.
« J’imagine que je vais en entendre parler jusqu’à la fin de mes jours ! s’exclama Nuage d’Écureuil en regardant Griffe de Ronce. T’avais raison, t’es content ?
— Mais je n’ai rien dit ! » protesta le félin.
Sans répondre, l’apprentie s’en alla la queue en l’air. Griffe de Ronce la suivit du regard en soupirant. Il aurait ô combien préféré que cet incident ne soit jamais arrivé. Sa fourrure se hérissa, comme s’il sentait une catastrophe se profiler à l’horizon. Les Clans avaient tellement soif, ils étaient si désespérés que même un guerrier aussi intègre que Moustache en arrivait à voler et à mentir. La chaleur étouffait la forêt telle une chape de plomb ; les habitants de la forêt semblaient tous n’attendre qu’un événément : que l’orage éclate. Pouvait-il s’agir de la menace annoncée par le Clan des Étoiles ?
Alors que la lune décroissait jusqu’à n’être plus qu’une griffure dans le ciel, les jours et les nuits suivants semblèrent interminables à Griffe de Ronce. Plus il pensait au rendez-vous qui devait avoir lieu aux Quatre Chênes avec Pelage d’Or, plus la peur le tétanisait. Les chats des deux autres Clans viendraient-ils ? Et qu’est-ce que minuit pourrait bien leur révéler ? Le Clan des Étoiles lui-même descendrait peut-être du ciel pour leur parler.
La nuit de la nouvelle lune arriva enfin. Les étoiles de la Toison Argentée brillaient d’un tel éclat que Griffe de Ronce n’eut aucune peine à trouver son chemin vers le tunnel d’ajoncs, puis par-delà le ravin qui protégeait leur camp. Les fourrés bruissaient sur son passage, pourtant il essayait d’avancer aussi discrètement que s’il traquait une souris. D’autres guerriers du Clan du Tonnerre pouvaient être sortis, et il ne voulait pas qu’on le voie ni qu’on lui demande où il allait. Il savait qu’Étoile de Feu n’approuverait pas qu’il s’aventure jusqu’aux Quatre Chênes sans être protégé par la trêve de la pleine lune.
L’air frais charriait une odeur de poussière. Les plantes desséchées s’étaient fanées, quand elles ne gisaient pas au sol. Toute la forêt aspirait à la venue de la pluie comme un chaton affamé aurait réclamé la tétée. Si elle tardait encore, le Clan du Vent ne serait plus le seul à manquer d’eau.
Lorsque Griffe de Ronce atteignit la clairière, il la trouva déserte. Les parois du Grand Rocher étincelaient sous la lumière des étoiles, et les feuilles des quatre arbres majestueux frémissaient. Le jeune guerrier frissonna. Il avait tellement l’habitude de voir cet endroit peuplé de chats qu’il lui sembla plus intimidant ce soir-là : la clairière paraissait plus vaste, envahie d’ombres inquiétantes. À croire qu’il avait basculé dans le monde mystique du Clan des Étoiles.
Il s’avança à petits pas jusqu’au ruisseau et s’assit au pied du roc. Ses oreilles étaient à l’affût du moindre bruit, ses nerfs à fleur de fourrure. Qui seraient les deux autres ? L’attente se prolongea et, peu à peu, l’anxiété remplaça l’excitation. Pelage d’Or n’arrivait pas. Elle avait peut-être changé d’avis, ou bien s’était-il trompé de lieu de rendez-vous ?
Enfin, il aperçut des buissons frémir à mi-hauteur du versant. Griffe de Ronce se crispa. Comme il avait le vent dans le dos, il ne put saisir l’odeur du nouveau venu, mais d’après sa provenance, il pouvait s’agir d’un chat du Clan de la Rivière ou du Vent.
Il suivit le mouvement dans les fourrés jusqu’à un bouquet de fougères au bas de la pente. Les frondes s’écartèrent brusquement et un félin entra dans la clairière.
L’espace d’un instant, Griffe de Ronce resta figé, les yeux rivés sur la silhouette qui s’approchait, puis il bondit sur ses pattes, tellement furieux que sa fourrure avait doublé de volume.
« Nuage d’Écureuil ! »