> C’est vendredi !

Pas triste que la fin de semaine arrive.

J’ai croisé Mathieu tantôt, dans le corridor, et il m’a ignorée.

Je crois que c’est vraiment fini entre lui et moi.

Je ne l’aime plus.

Le fait qu’il m’ait impliquée dans son histoire d’enquête policière sans mon autorisation a été la goutte qui a fait déborder le vase.

J’en ai parlé à Kim et elle soutient que je devrais être fâchée contre Mathieu et non le contraire.

Je lui ai souvent dit qu’il devait régler ses problèmes. Peut-être que c’est ce qu’il lui faut pour qu’il réalise qu’il doit changer.

Un peu comme Pop.

Je lui ai demandé ce matin ce qu’il avait fait après l’hôpital et il m’a répondu qu’il était allé joué au billard avec des amis.

Je lui ai demandé s’il avait bu et il m’a rétorqué, un peu vexé, qu’il m’avait dit qu’il avait arrêté.

Mensonge.

C’est comme si j’avais deux papas : le premier est honnête et responsable tandis que l’autre souffre et boit en cachette pour avoir moins mal.

Une personne, deux personnalités.

Docteur Jekyll et Monsieur Hyde.

(…)

J’ai rendez-vous avec monsieur Patrick cet après-midi pour parler de la nouvelle édition du journal. Je suis un peu gênée parce que je lui ai avoué que j’avais le béguin pour lui, mais en même temps, je lui ai dit que tout ça était du passé et qu’il me répugnait.

Namasté, t’as tellement le tour de dire les vraies choses avec doigté. Une vraie diplomate dans l’âme !

Ce matin, j’avais de l’éducation physique, mais comme j’avais oublié mes habits (oups, j’ai omis de mentionner au prof qu’ils n’étaient pas à la maison mais dans ma case), j’ai passé la période assise sur un banc à regarder mes camarades de classe tenter de faire entrer une citrouille qu’il faut constamment faire bondir sinon elle va exploser (j’imagine) dans un anneau métallique suspendu au-dessus de la surface de jeu (on appelle ce jeu étrange les quilles, non ?)

Sont tellement niaiseux, c’est quoi le but, à part de gaspiller de l’eau en suant et user le caoutchouc sous leurs chaussures en le frottant sur une surface dure ?!

Le prof m’a demandé de compter les points, c’était super compliqué ; des fois c’était deux points, d’autres fois, quand le lancer venait de plus loin, trois points. Après quinze secondes de jeu, j’avais complètement perdu le compte. Finalement, j’ai dit que ça c’était fini 478 à –43,5, mais je ne savais plus trop pour quelle équipe ; il y a eu un peu de bisbille, je me suis forcée à pleurer en imaginant Youki mon p’tit chien d’amouuur se faire écraser par un rouleau compresseur, ça a incommodé tout le monde et on m’a laissé tranquille.

J’ai donc passé la période à écrire un article pour L’ÉDÉD. Je le recopie ici :

Les filles indisposées dorénavant isolées

Afin de diminuer l’impact négatif des filles qui ont leurs règles sur les élèves, la direction de l’école prendra les mesures nécessaires afin qu’elles n’entrent plus en contact avec eux.

Au fil des siècles et avec l’avancement de la science, nous savons maintenant que le sang menstruel limite la capacité à réfléchir et rend les filles affligées moins efficaces à l’école. Aussi, elles rendent impurs jusqu’au soir toutes les personnes et tous les objets qu’elles touchent.

Voici ce que Monsieur M., directeur de notre école, avait à dire à ce sujet : « Nous avons hésité longtemps avant de prendre cette décision pour ne pas heurter les sensibilités, mais pour le bien de la communauté estudiantine, il fallait imposer des mesures préventives. D’un seul regard, une fille menstruée peut faire mourir des essaims d’abeilles, perdre leur fécondité aux oiseaux, pourrir la viande et rouiller instantanément le cuir et le fer. Notre hypothèse est que le phénomène sanglant que vivent les élèves de sexe féminin à tous les 28 jours approximativement expliquerait, entre autres, le crétinisme des garçons. »

Monsieur M. reconnaît que les femmes n’ont pas le même pouvoir maléfique quand elles n’ont pas leurs règles et que certaines filles menstruées sont plus virulentes que d’autres.

« On verra avec le temps qui sont les adolescentes les plus problématiques et on agira en conséquence », de dire le directeur. Questionné par L’ÉDÉD au sujet des mesures que l’école pourrait prendre, Monsieur M. a répondu : « Trois indices : exorcisme, flagellation et poutine italienne. »

Au cours des prochains mois, un registre comprenant le cycle menstruel de chaque élève de sexe féminin sera établi. L’adhésion sera obligatoire.

Dès que l’élève sera réglée, elle sera immédiatement isolée pour ne pas souiller les autres.

Notre école sera-t-elle la première à trouver la solution aux problèmes préoccupants du décrochage scolaire, de la violence à l’école et des ongles cassants ? On le saura très bientôt !