Lors de cette expérience que vous appelez « calamité », que vous est-il arrivé exactement ?
Ce qui m'est arrivé ne pourrait jamais être reproduit par aucune volonté. Je ne sais même pas ce qui m'est arrivé.
Certainement pas ce qu'on m'avait fait croire, l'état des « illuminés », toutes ces choses dont ils parlent.
Je n'ai aucun moyen de connaître quoi que ce soit ! Je n'ai pas l'image « ça, c'est moi ». Donc, aucune image de qui que ce soit. Dès que je me tourne, je n'ai plus d'image de vous. « À quoi ressemble-t-il ? » Oh, bien sûr, je peux dire : « Il a un mouchoir... la couleur de votre pull-over est bleue. » Cela, sans avoir créé une image de ce qu'est la couleur bleue, orange, ou autre. Les cheveux noirs, la barbe : ce ne sont que des mots !
C'est pour cela que je dis à tout le monde : « Ne venez pas me voir, vous n'obtiendrez rien, car il n'y a rien à obtenir. » Il n'y a rien à faire avec ces « choses ». On vous a fait croire à l'illumination, à la réalisation... Ceci est beaucoup trop dangereux, vous ne pouvez vous y intéresser.
Votre « calamité », comment était-ce ? Que se produisit-il exactement ?
Vous ne savez plus rien du tout. Vous regardez votre femme, et vous ne savez plus qui elle est. Tout s'arrête, d'un coup.
Comment pourriez-vous vous intéresser à un tel état ?
Ce n'est pas possible. Avoir une femme n'a plus de sens. Quand ma fille est assise à côté de moi, je dis « ma fille ».
Le lien « fille » est pourtant bien éventé. Si je dis « ma fille », c'est pour vous faire comprendre qu'elle n'est pas la fille de quelqu'un d'autre.
Le verbe devrait être enlevé du langage. Le verbe maintient deux mots : « ma... fille ». La relation s'établit par lien ; s'il n'y est pas, plus de relation.
Ma fille me disait une fois : « Je suis votre fille, je suis votre fille », accompagnée d'un toutou blanc qui la suivait. Or, je ne vois pas de différence entre cette chienne et ma fille. « Vous appelez votre fille une chienne ? » me dit-on, choqué.
Je ne m'intéresse à aucun de ces liens. Les relations s'arrêtent, les proches, les chers, le monde autour de soi. Comment, je le répète, pourriez-vous vous intéresser à ce genre de choses ?
À quel point en êtes-vous arrivé ?
Crûment, je suis de retour à l'état animal. Je ne suis pas différent d'un chien, d'un chat, d'une limace, et je n'ai aucune raison de croire que nous sommes nés et créés dans un but de grandeur, d'amour au-dessus de toute forme de vie.
Penser que le monde est créé pour notre bénéfice est justement ce qui détruira l'humanité.
Tous les sages ou maîtres disent qu'il y a quelque chose qui doit être libéré.
Que veut dire « libéré » ? Je ne me sers jamais de ce mot. Il n'y a rien dont on doive se libérer.
Pendant des années et des années, je voulais être comme Bouddha, Jésus, ou tous ces illuminés. Tout à coup, assis sur un banc, je me suis dit que je ne l'étais pas, et que j'étais dans le même état que tous ces gens qui passaient. Ce fut ma première réalisation.
La deuxième fut : « Comment diable savoir que je suis illuminé, alors que, hier encore, je disais ne pas l'être ? »
Vouloir être comme tous ces maîtres spirituels. Et tout à coup je me dis illuminé !
Comme la première expérience spirituelle que j'avais eue à l'époque, extatique, comment savais-je ?
La même connaissance se passe de génération en génération. « Il est comme ça, l'illuminé, en cet état-là. » « Comment le sais-tu ? comment le sais-tu ? comment le sais-tu ? », je me posais cette dernière question comme une ritournelle.
« Comment » signifie que vous voulez savoir. Et ce fut la fin. Plus de question. Fini...
À tous ces gens qui viennent vous rendre visite, que leur dites-vous ?
Je n'ai aucun désir de libérer qui que ce soit de quoi que ce soit. Sauf au niveau matériel. C'est la seule réalité.
Puisqu'il n'y a pas de barbe à papa spirituelle, qu'il n'y a rien de spirituel, vous arrivez alors à la réalité de la « chose ». Vous n'êtes plus pris dans « raison et tort », « vrai et faux », « bon et mauvais ». C'est sans doute la seule différence entre vous et moi. Je ne suis pas pris dans raison/tort, vrai/faux, bon/mauvais.
Si je fais quoi que ce soit de mal, j'accepte la punition donnée par cette société, sans même y penser. L'idée ne m'effleure même pas de savoir si « je dois subir cette punition ou pas » - vous pouvez croire que c'est idiot mais même l'idée du légal ne m'effleure pas.
Je ne lutte donc pas, je ne cherche pas l'affrontement, pour m'élever au-dessus de ces choses et fonctionner différemment. Je ne suis simplement pas pris dans « tort et raison », bien que je sache que tout cela n'est que de la gnognote, tout ce que la société a voulu nous faire croire.
Parfois, j'explose devant les gens, utilisant un langage très fort. Qu'ils acceptent ma parole ou pas, il n'y a aucun jugement. Vos actions, mises et élaborées dans votre cadre, ramènent à « cela est faux ». Je ne dis jamais quoi que ce soit qu'ils ne traduisent comme mauvais. Mais, de ma part, il n'y a aucun jugement de valeur. Les mots descriptifs que j'utilise sont utilisés ensuite par votre système de valeurs qui condamne.
C'est la seule chose que vous ayez : essayer de cadrer dans ce système. Voilà pourquoi vous souffrez.
Je ne suis donc pas en conflit avec la société. Elle ne peut pas être différente, elle ne sera jamais autre.
Ce « monde en transition », vers quoi ? En quoi ? Où ? J'ai donné de nombreuses conférences là-dessus. À quoi bon ? Ramener des centaines de dollars ? Bon pour moi ! S'ils n'aiment pas ce que je raconte, qu'ils aillent voir ailleurs !
Y a-t-il quelque chose à sauver dans ce monde ?
Mon intérêt est tout d'abord de ne sauver personne. Qu'ils volent ou qu'ils tuent, ils ont mes vœux pour aller crever en enfer. Je ne lèverai pas le petit doigt. Les sauver de qui et de quoi ? Et en plus, qui m'en donnerait l'autorisation ?
Je ne trouve rien à reprocher à ce monde ! Tout est là, pourquoi n'être pas capable de l'accepter tel quel ? C'est votre problème. Pourquoi y mettre vos morales possessives ? Pourquoi le condamner ? Je ne suis aucunement en conflit avec cette société; elle ne peut être différente.
Mon grand-père, avant de mourir, m'assurait que j'allais trouver un monde meilleur que celui qu'il quittait. Meilleur en quoi ? Nous nous trouvons, non pas dans un monde comme en rêvait mon grand-père, mais dans un monde bien pire, par rapport à sa définition. Ne serait-ce que dans ma vie, j'ai vu deux guerres mondiales. Actuellement, il y en a à peu près trente-cinq d'un autre type... guerres... foyers de guerre.
Pourquoi parler de paix ? Où est-elle ? Quel genre de paix voulez-vous ? La paix dont on parle est celle entre deux guerres.
Même chose en ce qui concerne la méditation : la paix expérimentée est une paix entre deux guerres, et tout recommence. Personne n'a jamais vraiment fait de méditation. Ils deviendraient fous, cela les rendrait malades ! Personne ne l'a fait, je le sais ! Si quelqu'un faisait sérieusement de la méditation, il finirait à l'hôpital psychiatrique. Vous pouvez essayer toutes les techniques - j'y suis pratiquement arrivé - mais j'ai eu de la chance, on ne m'a pas enfermé !
Aussi je maintiens, même aujourd'hui, que la frontière entre un fou et moi est très mince, extrêmement mince.
Si vous vous mettez dans une voie de garage absolue, que faire ? Je n'étais pas réactionnaire, inadapté à ce monde. Je suis né dans la richesse, la protection. Nous accumulions tous les succès, et aucun échec. Pas un seul échec dans ma famille ! Avec ces normes, j'ai vécu au milieu d'assassins, de voleurs, de violeurs, de gens sans foi ni loi, de mendiants, de saints, de sauveurs.
Mon problème était : « Qu'ont-ils que je n'ai pas ? » Comment se fait-il qu'ils disent exactement le contraire de ce que je suis ? Vous êtes donc celui qui va me transformer en égoïste ou non-égoïste ! Vous n'êtes pas égoïste ? Je le suis ! Quelle importance ? C'était vraiment mon problème. « Qu'avez-vous que je n'ai pas ? ».
Quand j'étais à l'université et que j'étudiais la philosophie, mon professeur était considéré comme un homme vraiment brillant. Pas par moi ! C'était un conférencier médiocre, j'étais meilleur que lui ! Moi aussi, je pouvais lire vingt livres comme lui ! Qu'est-ce qu'il avait donc que je n'avais pas ?
Dès lors.je n'ai jamais mis de photos de quiconque sur les murs de chez moi. Je n'avais pas même une peinture ; si j'avais dû choisir un portrait, j'aurais mis sans hésiter Al Capone, ou quelque meurtrier de première classe, parce qu'en vérité je pourrais devenir comme eux si j'en avais les tripes. Mais, bien entendu, il faut en payer le prix.
J'ai babillé sur tous ces aspects de ma vie. Vous ne me croirez pas, mais je ne sais même pas ce que je dis ! Vrai ! De qui est-ce que je raconte l'histoire ? Et quelle histoire ? Il n'y a pas d'histoire...
Et ces sages qui disent : « j'ai enseigné toute ma vie pendant cinquante ans et je n'ai libéré personne. »
Ils pleurent, comme tout le monde ! Je ne mourrai pas comme eux. Vous savez, je n'ai pas réussi à libérer qui que ce soit de quoi que ce soit ! Voilà pourquoi j'assure qu'il n'y a pas de libération, qu'il n'y a rien dont on doive se libérer.
Pensez-vous que je sois dingue au point de croire que je vais libérer un quelconque individu ? Que ce que je vais dire va aider qui que ce soit ?
Une seule chose pourtant : si vous saisissez l'essence de ce qui est dit, vous serez moins embourbé.
Vous n'avez aucune idée de l'énergie dépensée pour atteindre vos buts ! Que ce soient des buts matériels ou spirituels. Peu importe ! Ma façon crue de le dire : « Que je m'enfuie avec la femme de mon meilleur ami, ou que je veuille atteindre l'illumination est la même chose, puisque j'utilise le même instrument pour atteindre le but », et cela consume une énergie énorme.
Cette énergie est libérée. Mais il ne s'agit pas d'une énergie spirituelle.
Qu'est-ce que cela signifie ?
Cela signifie que vous êtes moins embourbé.
Vous ne serez jamais dans mon « état ». Pourquoi vouloir être comme un autre ? Ce que vous êtes est unique. Il n'y a personne d'autre comme vous sur cette planète. Pourquoi vouloir autre chose ?
Tant que la pensée est là, ce mouvement qui cherche à comprendre - il n'y a rien à comprendre - vous recommencerez, encore et encore la même chose. La clarté d'esprit, seule, est tout ce qui est nécessaire.
La force de la pensée renforce ce dont vous voulez vous libérer, que vous essayiez, d'une façon ou d'une autre. À chaque moment, quelle que soit la direction, la pensée renforce ce dont vous voulez vous débarrasser.
Un livre pourrait-il remettre les choses à leur place ?
Voici le livre italien qui vient de paraître : le Malentendu de l'illumination, C'est vraiment une erreur, cette illumination.
Vous ne me croirez pas - Dieu m'en soit témoin je ne sais même pas ce qui se trouve dans ce livre. Ai-je vraiment dit toutes ces choses ? Aucune importance. Quand ces gens me contactèrent pour le publier, je leur ai dit : « Ce qui ne vous a pas aidé, n'aidera personne. Pourquoi voulez-vous le publier ? »
Il n'y aura jamais de copyright. Faites comme bon vous semble. Dites que cela vient de vous. Je m'en fous. Si les livres pouvaient aider, le monde serait autre.
Étant qui je suis, comment le monde peut-il être différent ? Ce que disent les politiciens ne m'intéresse pas. Je suis, un échec, un échec total. Reste l'argent. C'est la chose la plus facile à gagner dans ce monde si vous vous y consacrez totalement.
En ce qui me concerne, je le répète, il n'y a rien dans ce monde qui cloche.
Pouvons-nous revenir au concept « mémoire-information » ?
Je n'ai pas de pensée. Est-ce que je me dis « c'est un magnéto », en regardant votre engin ? Je suis comme un ordinateur. Ce qui a été engrangé dans la mémoire, sort. C'est vous qui faites fonctionner cette machine. Si l'ordinateur ne répond pas, c'est qu'il n'a aucune information sur le sujet. Il ne dit pas « je cherche », Il n'y a personne pour chercher ni pour dire que l'information n'est pas trouvée.
À aucun moment je ne me dis « c'est un magnétophone », sauf si on me le demande. À ce moment-là je réponds : « Oui. » Je le vois sur vous. Il est fabriqué au Japon. Toute l'information est présente.
L'activité sensorielle est très rapide.
Les pensées n'arrivent pas aussi vite que vous le pensez... Elles sont lentes. L'activité sensorielle est tellement plus rapide que vos pensées. L'organe de la pensée est donc lent. Le temps qu'il arrive et se mette en forme, l'œil s'est déjà déplacé de là-bas pour se poser ici.
Je ne peux faire attention à ce qu'il fait tout le temps, car mes yeux bougent constamment. Rien n'existe en tant qu'attention totale. C'est ce mouvement qui demande l'attentton et non il y a quelqu'un ici qui veut être attentif. Il bouge sa main, donc sans savoir qu'il bouge sa main, l'œil est capturé par le mouvement ici et là, etc. À présent il bouge. C'est la même chose si vous regardez le plus merveilleux lever ou coucher de soleil (je ne me le dis jamais). Si quelque chose arrive, l'attention bouge. Il n'y a aucun besoin de rester avec, sauf s'il y a demande.
La connaissance est la seule chose qui vous intéresse.
Pour vous, toute image a disparu ?
Je n'arrive pas à créer une image quelconque, même assis ici. Parce que je n'ai aucune mesure de moi-même. Si ceci est brûlant, vous vous brûlez. Je me prends pour une merveille, et on m'appelle « connard », C'est ce qu'on pense que je suis ! Je n'ai même pas l'image pour me dire que je ne suis pas un connard. Alors !
Vous pouvez utiliser tous les adjectifs que vous voulez. J'en ai plein ma besace... Quelqu'un m'a appellé charlatan. O.K.. Non que j'apprécie. C'est une réaction. Ce n'est rien. Juste un mot. Je n'ai même pas le sens du mot.
Je suis en train de lire ce livre sur l'argot américain. C'est quelque chose d'incroyable ! Fantastique ! Pour la première fois, je lis. Parce que je veux apprendre. C'est la dernière. Apprendre, non dans un but précis, mais pour mettre dans l'ordinateur. De trois heures du matin à six heures du soir, j'ai lu ce livre.
Vous devriez être ennuyé à mort ; je répète toujours les mêmes choses. Mêmes mots, mêmes phrases. Tout ressort dans le même ordre que dans l'ordinateur.
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De nos jours, même les ordinateurs ont leur moralité : j'avais demandé à Julie, une amie, de changer son nom de famille et de s'appeler « Julie Salope », Ses deux fils m'ont dit « d'accord ». Elle a donc demandé officiellement son nouveau nom. L'ordinateur l'a rejeté !
Y a-t-il quelque chose à apprendre ?
Nous n'apprenons que pour avoir un changement.
Je n'ai aucun enseignement; enseigner implique que vous voulez changer. Pour devenir quoi ? Un homme meilleur ? Plus intelligent que vous l'êtes ? L'intelligence qui est là ne peut s'exprimer tant que vous « voulez ».
Pas un mot, pas une vérité, pas une pensée, pas un sentiment, pas une expérience dont je peux dire : « C'est à moi. » Puisque je ne sais pas, quelle importance, d'où ça vient ?