Peut-on se libérer du conditionnement ?
Le fait est que je ne peux vivre dans ce monde, son environnement, ses systèmes de valeurs, avec la personne que je suis. C'est la raison pour laquelle je dis à ceux qui viennent me voir : « Je ne parle pas de problèmes personnels. » « Ma manière de... » est un mythe. « Notre manière de... » est donc impossible, ça n'existe pas.
À un certain point, il y a compromis quand on vit ensemble, pour faire avancer les choses. La vie n'est plus alors qu'une série de compromis. Mais, personnellement, je ne suis pas bâti de cette façon.
Dans certains domaines, cela n'a pas grande importance, je n'ai plus été en colère depuis l'âge de sept ans. Je n'empêchais pas ma femme d'aller au temple, bien que je ne participe pas du tout à cela. Je ne suis ni antisocial, ni abeille ouvrière.
À l'âge de trois ans, ils m'ont amené au lieu dit « les sept collines », Vralakansha-Virupati, et, pour la première fois, ils m'ont rasé le crâne. Je me suis dit : « Pourquoi ces saligauds ont-ils besoin de mes cheveux et me torturent-ils ainsi ? Pourquoi un enfant de trois ans doit-il souffrir autant ? Parce que ces types veulent mes cheveux ? » Je pinçais tous ceux qui étaient debout devant moi. Dès lors je ne suis jamais plus retourné au temple !
Je serais à présent entièrement d'accord pour vous amener à la porte de ce même temple. Seulement, je n'y entrerai pas. Ils ont essayé de me traîner dans tous leurs temples, je n'y entre plus ! Pour moi, c'est comme un musée, une bibliothèque, un bordel... À leur façon, ce sont tous des bordels. Pour le plaisir qu'on y trouve !
Ma demeure n'est un carcan pour personne, je ne forcerai jamais quelqu'un à adopter ma manière de vivre.
Ainsi, voyez ce que j'aime manger. Mais vous, vous ne serez jamais libres de vos goûts et dégoûts. Vous ne serez jamais libres de votre conditionnement, qui que vous soyez, où que vous soyez.
C'est ce que j'ai dit à K. : « Comment pouvez-vous vous libérer du conditionnement ? Vous me conditionnez différemment ! En me conditionnant différemment de moi-même, comment diable pensez-vous que je puisse en être libre ? Jamais ! Donc, la seule différence entre vous et ceux qui croient au changement, s'il y a une différence - et je ne suis pas sûr qu'il y en ait une - c'est que ces choses n'influencent pas vos actions. »
Par conséquent, rien ne peut être changé.
Voyez-vous, je suis obsédé par le souci d'associer des couleurs ensemble, je ne sais pas pourquoi. J'aime les couleurs claires, pas les sombres. C'est devenu une obsession : que les couleurs s'accordent !
Je fus élevé dans la mentalité victorienne, et j'ai dû rejeter toutes les manières victoriennes de s'habiller.
Aucun dés domaines dans lesquels nous devons obligatoirement fonctionner ne peut influencer mes actions.
J'aime les exemples crus : je voulais que mon épouse ne porte que des couleurs claires, et elle aimait le noir ! « Vous allez à Bénarès, me dit-elle, j'aimerais que vous m'achetiez de la soie. » J'ai acheté la couleur la plus claire ! Elle me dit alors : « Je ne porte pas de sari quand nous faisons l'amour. Veuillez, s'il vous plaît, me laisser porter ce que je veux ! Amenez-moi des couleurs que j'aime, et non des couleurs claires. » Elle m'a eu ; je lui ai donné l'argent et lui ai dit : « Allez, et achetez-la vous-même ! »
Que peut-on apprendre dans la vie ?
On veut apprendre à changer, à devenir meilleur. On veut utiliser son apprentissage pour se transformer. Quand j'étais avec des Zoulous, j'adorais imiter l'accent british... Le manager me dit : « Nous n'aimons pas l'accent britannique ici ! » Si vous utilisez un autre accent que celui en cours, et que vous alliez chez les snobs, ils ne vont pas apprécier. Si vous développez un style qui soit vôtre, en faisant des rimes et en utilisant les longues et les brèves, il y en aura toujours pour trouver à redire. Mais de cette façon, vous ferez un tas de fric ; les longues et les brèves, c'est bon pour l'université.
Je ne sais même pas l'accent que j'ai, indien, américain, anglais..., je m'en fous ! Tant que les gens me comprennent et me donnent cent dollars, c'est O.K. ! Au moins, en tant que conférencier, j'allais au charbon.
(U.G. pointe vers le magnéto) Seule cette « chose » enregistre et répète.
L'impression que j'ai est que, même si quelqu'un menaçait votre vie, cela n'aurait pour vous aucune espèce d'importance.
Aucune ! Je vous donne un exemple : récemment, en Inde, il y avait un jeune musulman travaillant à la Compagnie des téléphones et qui, par malheur, avait acheté un de mes livres. Au lieu de retourner à ses cours et faire ce qu'il avait à faire, il lisait mon livre.
En plein Ramadan, harcelé par ses parents, il refuse de suivre les rites du jeûne, vient me voir, et reste assis deux heures. Quand presque tout le monde fut parti, il me dit : « Je veux vous voir deux minutes, seul. » Je lui réponds : « Je ne discute pas de problèmes personnels, parlez devant les autres : » Lui : « Non, non, non, je veux vous voir en particulier ! » Il sort alors son couteau, et me dit : « Vous m'avez complètement détruit, je ne sais même plus comment vivre dans ce monde. Je veux vous tuer. Sinon je me tue ! » Moi : « Allez-y, tuez-moi ! Ce ne sera pas une grande perte pour moi, ni pour l'humanité ! » Ça l'a arrêté net.
Il était très intelligent. Il m'avait laissé un mot, disant que « je ne devais pas être puni de l'avoir tué ». Mais ça rendait les choses pires. « Vous dites que je vous ai tué, ce n'est pas confortable pour moi ! », lui dis-je. « Bon, je vais me tuer alors », me répondit-il. « Avez-vous besoin d'un coup de main ? », lui dis-je. Il partit, mais revenait tous les jours, et s'asseyait dans un coin ! Je ne sais pas du tout ce qu'il en a retiré, ni ce qu'il est devenu.
Voilà la seule bonne chose que produisent mes paroles. On veut me tuer... Aucune perte pour moi. J'ai vécu quatre-vingts ans, je peux partir avec grâce.
Tous ces gens, ma mère, ces êtres spirituels, je ne les appelle pas malhonnêtes, c'est seulement que tout ce qu'ils disent n'est pas appliqué dans leur vie, aussi cela ne fonctionne pas. Ils nous disent : « Vous devez fonctionner. », mais eux-mêmes ne fonctionnent pas, alors, à quoi bon ?
Il ne peut y avoir aucun modèle pour moi, parce que je ne vois pas ce que l'autre a que je n'ai pas.
Et ils ne peuvent pas rendre les choses plus claires pour moi, puisque leurs assertions ne sont pas claires. Je vois que je suis un voleur; alors, l'autre est meilleur que moi ? Je suis seulement un modeste pickpocket ; mais qui va voler la banque ?
Autre exemple, j'étais à Londres, debout devant ma porte. À cette époque, je ne pouvais pas me payer d'appartement cher. Tout à coup, je vis deux gars en train de courir, poursuivis par la police. Quand ils virent ma porte ouverte, tous deux se précipitèrent à l'intérieur. Je n'ai rien dit, la police continua sa poursuite, ne sachant plus où ils étaient.
Pendant ce temps, les deux jeunes gens ouvrirent mon frigidaire et prirent tout ce qui s'y trouvait. Pas grandchose en vérité, des céréales, des jus de fruits, de la crème... Alors ils m'avouèrent : « On s'est échappés de prison, et la police nous recherche. »
Au bout de deux heures, ils se sont fait reprendre. Ils n'ont jamais dit à la police où ils s'étaient cachés. Sans ça, moi aussi j'étais « dedans ». Il y avait un fond d'honnêteté et d'intégrité chez ces jeunes gens que je ne trouve pas chez les hommes religieux.
« Qu'avez-vous, monsieur, que je n'ai pas ? » Voilà ce que je pense, quand ils me regardent de haut.
La sublime sainteté est partout.
Je sais comment faire du fric dans ce monde, et qu'importe la manière. Vivre sur la crédibilité et la débilité des autres ! « S'ils ne me paient pas, je ne suis plus dans le business ! » Cette dichotomie chez les religieux m'intrigua toujours. Pourtant, je ne les appelais pas des hypocrites.
Je rencontrai tous les chefs de groupes, les chefs de files, ils passaient tous chez nous. J'ai été élevé dans cette atmosphère.
Ma seule question était : « Mais qu'est-ce qu'ils ont que je n'ai pas ? Quelle est leur supériorité ? Comment peut-on m'être supérieur ? »
Vous avez réussi à survivre.
L'argent était mon unique intérêt. Je sais comment en faire ! Par de bons moyens ou de mauvais. Par des moyens honnêtes si c'est possible, par des mauvais si c'est indispensable. Honnête signifie que vous ne pouvez pas gagner des millions. Vous êtes donc obligé d'adopter l'autre façon. Ah ! la moralité de ces gens !
L'argent, c'est tout ce dont j'ai besoin dans ce monde : « combien ? » Je suis vraiment comme un chien. Comme un lion. Il tue, il mange ce qui est nécessaire pour sa survie, et le reste, il le laisse aux autres. C'est la manière dont nous fonctionnons, mes enfants, mes petits-enfants. Je n'ai peut-être pas assuré ma vie, mais d'autres le feront.
Ma femme m'a donné une leçon : aux Indes, ils nous suppliaient de nous assurer pour des sommes énormes. Et ma femme me demanda : « Mais où est l'argent promis ? » Je lui répliquai : « Tu souhaites donc que l'avion s'écrase pour avoir l'argent ? » Moi je m'en fous, je ne me suis jamais assuré. Pourquoi quelqu'un d'autre devrait-il profiter de ma mort ?
J'ai une philosophie très particulière de la vie, mon environnement était tellement différent. Pourquoi essayer de le copier ? Laissez-moi tranquille, soyez vous-même. Mais malheureusement, vous ne savez pas.
En conséquence, la seule réalité, c'est le business ?
L'argent. À l'aéroport de Genève vous vous en rendez compte. L'argent parle bien. Qu'est-ce qu'il y a d'autre ? Oublions ces choses spirituelles. Si je veux m'acheter quoi que ce soit, j'ai besoin d'argent ! Nous ne sommes pas assez honnêtes pour admettre que l'argent a un rôle primordial dans nos vies.
Même moi, qui n'ai jamais travaillé dans ma vie, né avec une cuiller d'argent qui disparut vite, suivie de quantité d'autres cuillers d'argent, puis maintenant des cuillers en or, avec diamants et rubis... Mais qu'est-ce que j'en fais ?
Je parle de choses très sérieuses, ce n'est pas léger, frivole. Mais pourquoi est-ce que je raconte toutes ces histoires ?...