CHAPITRE VII
L’épée dans l’esprit

L’hallucination ne dura que quelques instants, puis fit place à la vision habituelle du Mont de Sion. Eymerich descendit de cheval, de nouveau calme, et aida Bagueny à se relever. Il éprouvait une étrange sensation, proche de la nausée. Ses bras et ses jambes tremblaient. Il concentra son attention sur son confrère qui avait besoin d’aide, ce qui l’aida à refouler un peu la vision cauchemardesque à laquelle il venait d’assister.

— Comment vous sentez-vous, frère Pedro ? demanda-t-il en examinant son visage.

Bagueny s’appuya sur ses coudes pour redresser le buste. Il écarquillait les yeux.

— Ça pourrait aller mieux, murmura-t-il. Qu’avez-vous vu, magister ? Moi, j’ai vu un grand château au bord de la mer.

— Moi aussi. Mais nous n’avons pas été les seuls à vivre cette illusion. Elle a effrayé également les chevaux.

— Une expérience hallucinatoire n’a rien d’exceptionnel, mais elle est en général individuelle.

— Celle-là était collective.

Eymerich, l’air renfrogné, tendit la main à Bagueny et l’aida à se relever. Par chance, les chevaux ne s’étaient pas trop éloignés et broutaient de l’herbe. Ils les attachèrent aux piliers de bois qui soutenaient le toit proéminent d’une baraque apparemment inhabitée.

— Il ne nous reste plus qu’à aller au monastère, dit l’inquisiteur. Sœur Magdalena devrait pouvoir nous donner quelques explications. Si elle est encore vivante.

L’impression de nausée s’atténuait, ainsi que ses tremblements.

Bagueny était encore pâle et avait du mal à retrouver une respiration normale. Il suivit le magister en boitant légèrement. Sa chute n’avait pas été indolore.

En apercevant les dominicains, la gardienne parut terrifiée, mais elle ne les empêcha pas d’entrer.

Sœur Magdalena vint les accueillir sous les voûtes en plein cintre du cloître ombragé, rafraîchi par une petite fontaine circulaire. La supérieure affichait une expression glacée, ouvertement hostile. Elle s’exprima cependant sur un ton poli qu’elle avait du mal à assumer.

— Je suis étonnée de vous revoir aussi vite, père Eymerich. Que puis-je faire pour vous ?

— Où étiez-vous ce matin, mère ? demanda l’inquisiteur qui détestait les préambules.

La supérieure parut surprise.

— Où aurais-je dû être ? J’assumais mes fonctions ici, comme chaque jour.

— Vous n’êtes pas descendue au couvent de Santa Catalina ?

— Non, comment l’aurais-je pu ?

La religieuse était de plus en plus étonnée.

— C’est un monastère d’hommes, et au Mont de Sion nous sommes semi-cloîtrées. Je ne pourrais me rendre à Santa Catalina qu’à la demande de l’évêque ou du provincial des dominicains… c’est-à-dire vous, si je ne me trompe.

— Non, vous êtes mal informée. Je ne suis plus le provincial, c’est Jacopo Dóminico qui assume cette charge depuis dix ans. Vous n’étiez pas au courant de sa nomination ?

La mère supérieure afficha un sourire.

— Nous, les Filles Mantelées, n’avons pas la même condition que les frères de notre ordre. Nous ne sommes pas impliquées dans les décisions et les votes, et si nous apprenons quelque chose sur le déroulement des chapitres généraux, c’est seulement par ouï-dire. J’ai entendu parler du père Jacopo Dóminico, mais le nom le plus fréquemment mentionné ces dernières années était le vôtre. J’étais convaincue que vous aviez repris la direction de la Province.

— Ce n’est pas le cas, et ce n’est pas pour cette raison que j’ai voulu vous voir.

Eymerich n’avait pas envie de discuter des problèmes complexes qui lui avaient fait perdre sa fonction. Il avait été frappé par la totale sincérité de Magdalena, même lorsqu’elle avait évoqué un sujet qui lui était désagréable. Il essaya de lui poser sa question le plus précisément possible.

— Vous arrive-t-il parfois, à vous ou à vos consœurs, de voir des choses qui ne pourraient ou ne devraient pas exister ? De curieux paysages, par exemple, ou des personnes qui paraissent réelles puis s’évanouissent, d’étranges fantômes ?

Le visage de la religieuse se teinta d’angoisse. Elle pressa ses mains contre sa poitrine, comme pour calmer les battements de son cœur.

— Comment le savez-vous ? murmura-t-elle.

— Répondez-moi ! ordonna Eymerich, tout aussi troublé.

— Des phénomènes semblables à ceux que vous décrivez se déroulent ici depuis des mois.

Magdalena était très pâle et les traits de son visage s’étaient tendus.

— Et nous sommes toutes concernées. Nous voyons, toutes ensemble, des spectacles illusoires, bizarres, effrayants, parfois obscènes. Nous fermons les yeux et nous réfugions dans la prière. Nous éprouvons ensuite comme une envie de vomir et, plus tard, une expérience douloureuse et inhabituelle, que je ne saurais pas très bien vous décrire. Comme si quelqu’un essayait d’extraire de votre esprit une épée ardente qui y aurait été plantée.

— Pourquoi ne m’en avez-vous pas parlé ? Quelqu’un est au courant ? Vos confesseurs ?

Magdalena baissa le regard, tandis que ses joues reprenaient un peu de couleur.

— Non. Comme je vous l’ai dit, les hallucinations frôlaient parfois l’obscénité. Il n’est pas convenable d’en parler, et ça ne relève pas du confessionnal. Il s’agit d’expériences involontaires et donc non pécheresses. En tout cas, je ne les juge pas comme telles.

— Ce n’est pas à vous de juger quoi que ce soit, répondit Eymerich, mais le timbre de sa voix était moins rude que ses paroles.

Il demeura un instant pensif, puis demanda :

— Parmi ces cauchemars éveillés, y en avait-il un où vous étiez dans un château entouré par la mer ?

La mère supérieure leva les yeux.

— Non, rien de tel, père.

— Vous en êtes certaine ? Une autre religieuse a peut-être vu quelque chose de semblable et vous en a parlé.

— Impossible. Nous croyons toutes voir la même chose, au même moment.

— Puis vous vous recueillez en prières pour éloigner le prodige.

— Oui. C’est une mauvaise décision ?

— Non, je pense que non, grommela Eymerich. La mauvaise décision est d’avoir laissé ses livres au prisonnier que vous deviez surveiller. Qui a eu l’idée de l’éloigner de Santa Catalina pour le conduire ici ?

Magdalena fut soulagée de pouvoir enfin se disculper.

— Le prieur, le père Borrell. Moi je n’avais ni le pouvoir ni la volonté d’ordonner une telle mesure. Il y avait des travaux en cours au couvent des dominicains et Ramón de Tárrega a été conduit provisoirement ici. Il avait avec lui tout un tas de livres, mais le prieur ne nous a pas demandé de les lui confisquer.

— Qui était responsable de sa garde ?

— Personne. Certainement pas nous, les religieuses, qui ne sommes pas autorisées à fréquenter un homme. On le gardait toujours enfermé, il avait l’air calme et gentil. Le frère Antonio Folquet venait une fois par jour de Santa Catalina avec d’autres serviteurs armés. Ils donnaient à manger au prisonnier et lui vidaient son seau.

Le frère Bagueny sursauta.

— Folquet ! Mon ami ! Pourquoi lui ?

— Je suppose qu’il n’y avait aucune raison précise, répondit sœur Magdalena. C’était juste un responsable choisi par le père Borrell. Il restait là pour accomplir son devoir puis il repartait.

Eymerich commençait à revoir son jugement sur la mère supérieure. Elle parlait avec sincérité et ne se soustrayait à aucune question. Il était prêt à croire tout ce qu’elle lui rapportait en se basant sur des critères non seulement logiques, mais également intuitifs et, dans une certaine mesure, émotionnels. Le visage de Magdalena, bien que n’étant pas parfait mais d’une beauté liée à la maturité (elle devait être plus proche de la cinquantaine que de la quarantaine), était empreint d’une sérénité qui résistait même à l’inquiétude.

Mais ce n’étaient certainement pas ces considérations esthétiques qui pouvaient détourner Eymerich de ses propres investigations.

— En dehors du frère Folquet, personne d’autre n’est venu voir Ramón ?

— Si, une seule fois. Vous devez le connaître, car à Gérone il réside dans le même couvent dominicain que vous. Le père Bernat Ermengol, ou Bernardo Ermengaudi en castillan. Je ne sais pas ce qu’ils se sont dit, lui et le prisonnier. Je n’avais pas l’autorisation d’assister à la conversation.

Si la mère supérieure avait mentionné Lucifer elle n’aurait pas plus impressionné l’inquisiteur. Eymerich échangea un regard avec Bagueny.

Après un bref silence, le petit frère dit :

— Il nous hante déjà à Gérone et, maintenant, on le retrouve ici. Impliqué dans une histoire de diables et d’alchimistes et rendant visite à un hérétique reconnu coupable.

Incapable de faire un clin d’œil, Bagueny plissa les deux.

— C’est peut-être le bon moment pour nous débarrasser de lui, magister. Notre couvent géronais retrouverait ainsi une certaine quiétude après des années de guerre civile.

Eymerich secoua la tête.

— Pour l’instant, nous n’avons aucune preuve, frère Pedro.

Il s’adressa à Magdalena avec une grâce peu coutumière.

— Vous nous avez bien aidé, mère, et nous vous en remercions. Nous rentrons à Santa Catalina et d’ici quelques jours nous repartirons pour Gérone. Si d’autres événements insolites se produisaient, ne manquez pas de m’en avertir.

— Vous pouvez compter sur moi, père Nicolas.

— Adressez-vous à moi personnellement et à aucun autre confrère de Santa Catalina. Au cas où je serais déjà retourné à Gérone, envoyez-moi un messager. Je veux être informé le premier de ce qui se passe ici.

— Vous serez obéi.

L’attitude de Magdalena avait changé, tout comme celle d’Eymerich. Elle le regardait maintenant avec une sympathie qui frôlait l’attirance. Elle lui sourit, avant de lui dire :

— Dominus vobiscum.

— Qu’il soit également avec vous.

Les deux dominicains furent raccompagnés à la sortie par la religieuse gardienne, encore un peu effrayée. Tandis qu’ils traversaient les jardins devant le Mont de Sion pour rejoindre leurs montures, le frère Bagueny observa :

— On dirait que Santa Catalina est un nid de vipères pire que Saint-Dominique à Gérone. Folquet ne nous a rien dit de ses visites régulières à Ramón de Tárrega. Quant au prieur Borrell…

Il s’interrompit et lança un cri. Eymerich émit un gémissement et faillit perdre l’équilibre. Il percevait dans sa tête une sensation étrange et douloureuse qui l’aveuglait : comme si quelqu’un lui avait planté un fer et le retirait en pompant qui sait quels sucs dans son cerveau. Cela ne dura qu’un instant, mais l’expérience fut bouleversante. Il récupéra aussitôt le contrôle de sa vue et de son propre corps. Il haletait et s’attendait à voir réapparaître le château dressé sur son promontoire. Mais il n’en fut rien. La douleur avait disparu et la seule mer qu’il voyait était, au-delà d’une étendue de toits, celle de Barcelone, léchée par le soleil de l’après-midi.

— Sœur Magdalena nous avait averti, articula-t-il péniblement dès qu’il eut repris entièrement ses esprits. Les hallucinations sont suivies d’une douleur qui évoque la blessure brûlante d’une épée. Vous avez eu la même impression, frère Pedro ?

Bagueny se tenait encore la nuque, l’air hébété.

— Oh oui, magister ! Une douleur insupportable, mais cependant très brève.

— Ce qui me fait penser à une séquence préétablie, quasi mécanique, répondit Eymerich. Une action qui provoque obligatoirement une réaction. Tout le contraire de la dynamique des rêves et des cauchemars.

— Qu’en concluez-vous ?

— Je n’ai pas d’indices suffisants pour conclure quoi que ce soit. Retournons aux chevaux. Antonio Folquet pourra peut-être nous éclairer, au moins sur les raisons pour lesquelles il ne nous a pas informé qu’il voyait Ramón de Tárrega tous les jours.

La descente fut plus aisée que la montée. Il manquait une heure à Vêpres, et une température plus supportable redonnait vie à Barcelone. Ses étroites ruelles grouillaient de monde. Des gens de toutes provenances s’y côtoyaient, arrivés dans ce port par migration naturelle, ou débarqués des galères qui s’en approchaient par dizaines chaque jour. Il y avait des Sardes, des Napolitains et des Siciliens venus des colonies ou des anciennes colonies du puissant royaume d’Aragon. Les Génois, malgré leur vieille hostilité envers les Catalans, cherchaient des marchandises à des prix raisonnables, ou convoyaient au marché des files d’esclaves noirs enchaînés. Sur leurs étals ombragés par des tentures, les musulmans vendaient des boissons à base d’amandes ou des tissus délicatement décorés. Dans les boutiques, mieux abritées, les juifs attendaient dans la pénombre du rez-de-chaussée la venue d’une personne suffisamment riche pour s’intéresser aux bijoux en or dont ils faisaient le commerce. Des prostituées de toutes races attendaient déjà sous les rameaux suspendus aux portes des tavernes.

Une telle foule ralentissait l’allure. D’un air dégoûté, Eymerich dit à Bagueny qui chevauchait à ses côtés :

— Comme si la puanteur de ruelles mal lavées ne suffisait pas ! Cette humanité composite pue la crasse.

— Vous trouverez la même chose dans toutes les grandes villes, magister. Paris n’était pas différente.

— Je ne prendrais jamais Paris en exemple. Elle attire toute la lie de la terre. Si ça ne tenait qu’à moi, je la pulvériserais sur-le-champ.

En arrivant à Santa Catalina, Eymerich convoqua d’abord le frère Antonio Folquet dans sa propre cellule. Le jeune homme arriva aussitôt, sérieux comme à son habitude. Des poils raides ourlaient ses joues. Il était fraîchement tonsuré et le sommet de son crâne était rouge. Bagueny s’installa sur la paillasse du magister pour assister à la conversation.

— Vous ne m’avez pas informé de votre assiduité à aller au Mont de Sion chaque jour pour nourrir le prisonnier, lança Eymerich. Un oubli très grave, pour ne pas dire suspect.

Folquet ne parut pas troublé.

— Père, nos brèves conversations n’ont jamais évoqué le sujet. Je vais en effet au Mont de Sion en qualité de chapelain, par décision du prieur. Je fréquentais déjà le monastère en tant que convers, et avant encore comme donato, l’homme chargé des fonctions plus humbles.

— Vous avez prêté serment d’obéissance entre les mains de sœur Magdalena ?

— Non, entre les mains du prieur. C’est pour cela que je réside maintenant à Santa Catalina et non pas dans les logements réservés à la main-d’œuvre masculine du Mont de Sion.

Eymerich croisa les bras, debout face à son interlocuteur.

Il était sur le point d’aborder la partie décisive de son interrogatoire, tandis que le soir tombait, plongeant la pièce dans l’obscurité.

— Vous avez eu l’occasion de parler à Ramón de Tárrega. Comment l’avez-vous trouvé ?

— Un individu loufoque, effrayé, absolument pas louche. Il vivait de ses livres. Il y tenait, car il était certain que tôt ou tard on allait les brûler.

Folquet esquissa une révérence.

— Il faut dire que la plupart de ces manuscrits étaient signés de votre nom, magister.

— Sottises. Il s’agissait de contrefaçons.

Se sentant gagné par la fatigue, Eymerich s’assit sur un tabouret, même s’il n’aimait pas trop que l’interrogé le domine.

— Avez-vous eu avec le détenu des discussions de nature philosophique ?

— Une seule fois, mais j’ai rapidement interrompu la conversation. Ramón avait cité l’hérétique Arnaud de Villeneuve, pour lequel il éprouvait une admiration sans bornes, tout particulièrement pour ses écrits rédigés en Sicile. Je l’ai alors menacé de l’expédier au bûcher et l’ai sommé de se taire. Il m’a obéi.

— Ce fut l’unique conversation de ce genre ?

— Oui. La première et la dernière. Lors de nos rencontres ultérieures, il se comporta comme un chien battu. Silencieux, hormis quelques gémissements. Il se jetait sur la nourriture et la dévorait telle une bête. Il maigrissait à vue d’œil mais ne quittait jamais ses livres.

Eymerich réfléchit un moment avant de demander :

— Frère Antonio, lors de vos visites au Mont de Sion vous n’avez jamais eu de visions incongrues ? Des lieux inconnus, des créatures improbables ou quoi que ce soit de semblable ?

— Non, mais cela arrivait à certaines religieuses que j’écoutais en confession. Elles avaient des hallucinations effroyables. Surtout une des sœurs les plus âgées. Je l’ai eue dans mon confessionnal. Elle entrevoyait, en pleine matinée, des images horripilantes.

— Par exemple ? demanda Eymerich impatient.

— Des géants difformes, descendus d’étranges navires immobiles dans le ciel. Des hommes avec des têtes d’animaux et des organes génitaux de cheval. Des êtres inconcevables faits de bouts de cadavre, capables de marcher malgré une décomposition avancée. Des forteresses siciliennes suspendues dans le vide, prisonnières des griffes d’une colossale divinité païenne…

Eymerich interrompit ces révélations d’un geste de la main. Il était abasourdi, mais également froid et lucide.

— Pourquoi me parlez-vous de « forteresses siciliennes » ? Qu’est-ce qui vous fait penser à cette région ?

— C’était une des religieuses, originaire de Sicile, qui y pensait. Mais vous ne pourrez pas l’interroger. Elle est morte il y a quelques mois. Je ne me souviens même pas de son nom.

— Ses déclarations en confession ne vous ont pas inquiété ?

Le regard d’Eymerich passa du soupçon à la sévérité.

— Vous n’avez pas éprouvé le besoin d’enquêter un peu plus sérieusement ?

Le frère Folquet écarta les bras.

— Enquêter sur quoi ? La vieille sœur était manifestement folle. Elle délirait. Elle racontait n’importe quoi, comme certaines vetulae qui prétendent rencontrer le démon dans une ville d’or et de diamant, et en être possédées par voie anale.

— Son cas n’était pas unique, comme vous l’avez dit vous-même.

— Non. La prieure, Magdalena, subissait également de semblables cauchemars. Comme de nombreuses autres religieuses.

Folquet haussa les épaules.

— Après avoir confessé un grand nombre de dominicaines, je me suis fait à l’idée que, pour les membres de notre troisième ordre, la chasteté est un serment très dur à supporter, magister. Elles réagissent à l’abstinence en cultivant leur imagination. Nous avons là une manifestation exemplaire du malaise que ressentent les Filles Mantelées. Pas toutes, mais presque.

Eymerich avait apprécié la parfaite élocution d’Antonio Folquet, le sérieux du jeune homme ; la rigueur de ses argumentations. L’admiration que méritait un bon acteur.

Il s’inclina vers le frère Bagueny.

— Qu’en pensez-vous, frère Pedro ?

Le dominicain, surpris d’être sollicité, se leva de la paillasse et posa les pieds sur le sol. Les mots sortirent rapidement de sa bouche.

— Je pense que mon ex-ami Folquet est une canaille, un affabulateur. Un vaurien qui nous livre de fausses pistes, mélangées à des mensonges. Qui devrait être immédiatement incarcéré et soumis à la torture, jusqu’à ce qu’il nous confesse la vérité.

Eymerich sourit.

— Je suis d’accord. Allez me chercher des serviteurs armés. Et maître Gombau, s’il est encore dans les parages.