Eymerich se rebella.
— Le père Simone vient avec moi. C’est vous qui n’êtes pas attendu. Disparaissez de ma vue.
Le chambellan hésita avant de se retirer en bon ordre.
Manfredi Chiaromonte était aux prises avec son « secret », comme on appelait ses domestiques personnels, qui lui coupait et soignait les ongles. Le serviteur, agenouillé, portait la livrée en théorie interdite. C’était un homme maigre, aux tempes dégarnies, habitué aux services les plus humiliants. Son seigneur, bien que de petite taille, avait du mal à caser son corps dans son fauteuil. Sa chevelure noire lui descendait en boucles sur les épaules. Il affichait une quarantaine d’années mais il était difficile d’être plus précis. Les chaussures calées sur un repose-pieds, il ne prit même pas la peine de se lever à l’entrée des dominicains.
— Venez, mes bons pères, et asseyez-vous. Mon laquais a presque terminé. Vous pouvez parler sans retenue, comme s’il était sourd et muet.
Il éclata de rire.
— Et en vérité, il l’est !
Tout en saisissant une chaise par son dossier, Eymerich regarda autour de lui. Un luxe de palais royal : tapisseries, plafonds peints à fresque, meubles en bois précieux. La grande cheminée de marbre était éteinte et peut-être même n’avait-elle jamais servi.
Un nombre impressionnant de candélabres, pour l’instant inutilisés, étaient visibles dans la pièce. Le carrelage était recouvert de tapis arabes. Certains tableaux illustraient une grande bataille, peut-être mythologique, dont on avait perdu le souvenir.
Manfredi III congédia son serviteur pédicure d’une petite tape, puis il observa ses visiteurs.
— Père Eymerich de Gérone. Qui ne connaît pas votre nom ? Un démon – pardonnez-moi cette facétie – au service du bien. C’est mon frère Giovanni, le rector de la ville, qui aurait dû vous accueillir, mais il se trouve actuellement au château de Mussomeli, dont nous achevons la construction. Qu’est-ce qui vous amène chez nous ?
— Pierre le Cérémonieux, roi d’Aragon, m’a révélé que dans certaines provinces de vos fiefs vous combattiez des ennemis insolites. De féroces géants, descendus de machines volantes suspendues dans le ciel… C’est en tout cas ainsi qu’on me les a décrits.
Manfredi s’assombrit.
— Ce qu’on vous a raconté est tout à fait exact. À vrai dire, je ne sais pas grand-chose de cette histoire. Mais j’ai déjà perdu plusieurs dizaines d’hommes, et pas sous les lances des Catalans… Demain matin, je partirai pour ma propriété de Mussomeli, où les monstres se sont manifestés pour la première fois. Vous viendrez avec moi ?
— Pourquoi pas ? répondit Eymerich à brûle-pourpoint.
Il jugea alors bon d’échanger un regard avec Simone dal Pozzo, par ailleurs impassible.
— Je suis venu en Sicile pour déjouer cette menace.
— Alors nous voyagerons ensemble, répondit cordialement Manfredi. Je ne pourrais avoir de plus infaillible allié. Cette nuit vous dormirez dans mon palais et souperez avec moi.
Eymerich inclina la tête.
— Volontiers, Seigneur.
Il repensa au comportement désinvolte de Béatrice, qui risquait de faire scandale dans un couvent.
— Pouvez-vous également héberger une jeune fille qui m’a été confiée à Oristano ?
— Je peux héberger qui vous voulez. C’est votre maîtresse ?
Eymerich sursauta mais comprit que pour ce seigneur féodal il ne s’agissait pas d’une insulte.
— Absolument pas. Elle peut dormir dans cette maison ?
— Bien sûr. Emmenez-la.
— C’est ce que je ferai. Et maintenant, seigneur, parlez-moi des Lestrygons, ou présumés tels. Ils sont aussi grands que ce que l’on dit ?
Manfredi secoua la tête.
— J’aimerais bien le savoir moi aussi, et découvrir l’origine de cette légende. C’est pour ça que je pars demain matin pour Mussomeli en compagnie de quelques soldats. Tout ce que je sais, c’est que cette apparition a été capable d’épouvanter aussi bien les hommes que les animaux. On déplore de nombreuses pertes.
— Et si c’était une hallucination ?
— C’en serait alors une bien curieuse, car les monstres soulèvent mes hommes et les dévorent en commençant par la tête. Les témoins affirment qu’ils recrachent ensuite les os. D’après ce qu’en disent les chevaliers rescapés, Mussomeli est un cimetière à ciel ouvert.
Quelque chose n’allait pas. Eymerich trouvait que le baron semblait peu convaincu par les horreurs qu’il racontait. Et s’il était vraiment convaincu de cette histoire, pourquoi voudrait-il aller voir sur place ? Le scepticisme du noble paraissait évident, mais pour l’instant, l’inquisiteur ne pouvait porter aucun jugement.
— Demain matin nous partirons voir votre propriété, amiral. À quelle distance se trouve Mussomeli ?
— Deux jours de cheval environ. Vous savez monter ?
— Je m’en sors, avec l’aide de Dieu.
— C’est beau d’avoir Dieu de son côté.
Manfredi éclata de rire.
— Vous voulez que je vous dise la vérité, père ? Bien qu’étant convaincu de son existence et fermement dévot, j’ai toujours adapté les préceptes chrétiens à mes besoins. Je le fais encore. Je suis persuadé que lui et moi avons des intérêts communs.
Eymerich afficha un air sévère.
— Une vision aussi réductrice de la foi n’est pas admissible, amiral. On m’avait dit que vous étiez latin, et même guelfe. Il s’agissait donc de paroles creuses ?
Manfredi Chiaromonte se mit à rire.
— Des paroles creuses, je ne crois pas. Des choix politiques, plutôt. Je me suis rangé du côté des Anjous, mais pas pour plaire au pape ou à qui que ce soit d’autre. Le roi d’Aragon qui en théorie nous gouverne est un homme faible. Un peureux de nature. On le surnomme « Frédéric le Sot » ou « Frédéric l’Âne ». Et ce sont des surnoms bien trop indulgents, vous pouvez me croire.
— On me les a déjà mentionnés. Vous lui avez cependant juré fidélité.
— Oui. Et je peux vous expliquer pourquoi. La Catalogne est la destination naturelle du blé que nous cultivons ici. Naples, dominée par les Anjou, ne saurait pas quoi en faire, sauf en période de famine : elle reçoit de l’arrière-pays toutes les provisions qu’elle désire. C’est pourquoi je reste proche de notre bon Frédéric tout en prenant parti pour les Anjous. Deux marchés valent mieux qu’un seul.
Eymerich ne savait pas s’il devait apprécier la sincérité du feudataire ou regretter son cynisme. Il regarda Simone dal Pozzo. Ce dernier n’avait absolument pas réagi. Il était probablement habitué à ce genre de discours. Il pencha légèrement la tête.
— Bien, amiral Chiaromonte. J’installe ma servante dans votre demeure et je pars demain matin avec vous pour Mussomeli. Je ne sais pas si je pourrais vous être utile. Celui qui ne croit pas vraiment entrave en général les actions de celui qui est porté par la foi.
Manfredi remua son corps d’obèse dans le fauteuil qui l’emprisonnait.
— Je ne vous gênerai absolument pas, père. Mais vous désirez peut-être un peu de vin ? C’est du blanc et il est frais. Je suis en train de boire ma carafe de l’après-midi.
— Non, merci.
Eymerich se leva, fit un salut courtois et sortit de la pièce, suivi par Simone dal Pozzo. Une fois dans le couloir éclairé par les fenêtres géminées, il laissa éclater sa colère.
— Un ivrogne à moitié athée ! Si gras qu’il remue avec peine ! Père Simone, comment acceptez-vous d’être sous les ordres d’un tel tonneau d’impiété ?
L’inquisiteur de Palerme afficha un air gêné.
— Tous les barons siciliens sont comme ça. Qu’ils soient latins ou catalans, ils ne pensent qu’à leur intérêt personnel. La notion d’intérêt public n’a aucun sens pour eux. Ni même celle d’État ou de monarchie. Ils n’ont pas d’autre ambition que d’annexer des territoires pour dépouiller leurs habitants.
— Et vous trouvez ça normal ? Vous acceptez l’arrogance des Chiaromonte ?
— Je l’accepte car l’amiral ne s’embarrasse pas des excuses hypocrites des autres barons. Je vous assure qu’un Ventimiglia, un Alagona ou un Lancia ont des vues identiques, mais ils vont justifier leurs actes sous des flots de rhétorique. Manfredi III a le mérite de parler franchement.
— Ce genre de discours mérite le bûcher. À moins que l’Inquisition sicilienne ne vise que les pauvres gens ?
— Bien sûr qu’elle vise les pauvres. Qui d’autre, sinon ? Notre tribunal fait de même dans le monde entier. Les nobles, qu’il s’agisse de mécréants ou d’hérétiques, sont intouchables.
Eymerich s’insurgea.
— J’ai l’impression que nos points de vue sont diamétralement opposés. Mais nous avons pour l’instant d’autres affaires à régler. Suivez-moi et surtout taisez-vous. Votre bêtise me navre plus que celle que l’on attribue à Frédéric IV.
Béatrice n’avait pas cueilli de nouvelles fleurs. Elle était assise dans la calèche, garée à l’ombre d’un peuplier.
— Vous ne dormirez pas dans un couvent, lui dit l’inquisiteur. Vous allez être hébergée par Manfredi Chiaromonte. Descendez.
La femme obéit de bonne grâce.
— Voilà une bonne nouvelle. Il n’y a rien de pire que de loger chez les sœurs. N’ayant aucun sujet de conversation, elles parlent à tort et à travers. Et, durant leur temps libre, elles prient ou essaient en douce de se crêper le chignon.
Eymerich pensa aussitôt à la sœur Magdalena Rocaberti.
— Les religieuses ne sont pas toutes comme ça ! Vous ne pouvez pas arrêter de faire preuve d’insolence à chaque phrase que vous prononcez ? Ma patience a des limites.
— Comme vous voudrez, magister, répondit la servante en affichant une soumission presque excessive.
Eymerich se dirigea vers le palais, l’air exaspéré. Des serviteurs en livrée venaient accueillir les hôtes.
— Prenez le carrosse et retournez au couvent, dit-il au père Simone. Nous nous reverrons demain matin.
Une fois son confrère parti, il s’adressa à Béatrice.
— Quant à vous, vous resterez ici au moins une dizaine de jours. Je pars demain et je ne sais pas encore quand je reviendrai.
— Je viens avec vous !
— Vous plaisantez ? Il ne manquerait plus que ça !
La cour était tout aussi noire de monde que la salle des audiences ; Manfredi descendait les escaliers, se tenant péniblement à la rampe et s’aidant d’une canne au pommeau doré, suivi par une foule de serviteurs. Son passage était marqué par une cascade de courbettes et d’envolées de chevelures. Soudain, le seigneur féodal s’immobilisa, l’air surpris. Il fronça les sourcils et boitilla vers Eymerich. Ce fut au tour de Manfredi d’ôter son chapeau. Il ne salua cependant pas l’inquisiteur, mais Béatrice.
— Madame, personne ne m’avait annoncé votre venue à Palerme !
Au comble de la stupeur, Eymerich s’exclama :
— Vous connaissez vraiment cette servante ?
— Elle est effectivement vêtue comme une servante, dit Manfredi, mais j’ai encore une suffisamment bonne vue pour reconnaître Eleonora d’Arborea, la fille du juge Mariano !
Il s’inclina à nouveau.
Elle lui tendit la main, que le noble baisa avec grand respect.
— Je m’excuse de ne pas vous avoir prévenu, comme je l’aurais dû, seigneur amiral. Je voulais voyager incognito, comme me l’avait conseillé mon père. Il m’a demandé de venir car il est maintenant trop vieux pour faire le déplacement depuis Oristano. J’ai voyagé déguisée pour éviter les embuscades.
— Vous… vous…, balbutia Eymerich, abasourdi comme il ne l’avait jamais été.
Eleonora lui sourit.
— C’est effectivement moi, père Nicolas. Vous m’avez rencontrée à Alghero lorsque je n’étais qu’une petite fille, vous ne pouviez pas me reconnaître. Je m’excuse de vous avoir trompé. Mais je ne pouvais pas faire autrement si je voulais arriver en Sicile indemne.
Manfredi, encore sous le coup de l’étonnement, lança aux domestiques, aux « ribauds » et aux courtisans :
— Débarrassez le palais de tous ces étrangers ! Les audiences sont terminées pour aujourd’hui. Qu’ils reviennent dans quelques jours ou s’adressent au justicier de la ville !
Tandis que ses hommes s’exécutaient et que la foule se dispersait, le comte dit à Eleonora :
— J’imagine, ma dame, que seule une grave menace vous a conduite jusqu’ici, de cette étrange manière. Un danger encouru aussi bien par la Sicile que par la Sardaigne.
— Exactement, monsieur. Il s’agit même de périls multiples. Pour certains d’entre eux, l’intervention du père Nicolas peut s’avérer indispensable.
La stupeur d’Eymerich s’atténuait.
— Je serais ravi de vous aider, si je le peux, mais il faudrait d’abord que je comprenne de quoi il retourne.
— C’est juste. Et ça vaut aussi pour moi, répondit Manfredi. Je propose que nous en discutions dans trois heures au dîner. En attendant je vous procurerai des chambres dignes de votre rang. Et pour madame d’Arborea des habits adaptés à son lignage.
— Vous faites toujours preuve d’une exquise courtoisie, monsieur le comte, répondit Eleonora.
Elle se laissa de nouveau baiser la main et tendit les fleurs qu’elle tenait dans l’autre.
— Je les ai cueillies pour vous. Elles condensent les parfums siciliens qui ne sont pas trop différents des sardes. Signe que quelque chose de plus que la politique doit nous unir.
Manfredi fit appeler son secret et lui ordonna d’emmener le bouquet dans son bureau.
— Louables paroles, ma dame. À plus tard au dîner.
Eymerich et Eleonora d’Arborea furent pris en charge par un groupe de domestiques, qui les escortèrent le long des couloirs du premier étage, couverts de fresques et éclairés par de longues rangées de torches. L’inquisiteur était nerveux, comme à chaque fois qu’une situation échappait à son contrôle. Il resta silencieux un moment, puis murmura à l’oreille d’Eleonora, avant de la quitter pour emprunter un autre couloir :
— J’espère que vous aviez de bonnes raisons de me tromper. D’ordinaire celui qui agit ainsi s’en repent toujours.
Comme d’habitude, la jeune femme ne se laissa absolument pas démonter par le ton menaçant d’Eymerich.
— Que vous le vouliez ou non, père Eymerich, nous sommes objectivement alliés. Vous comprendrez pourquoi au dîner. Et je dois dire que vos manières un peu rudes ne sont pas pour me déplaire. Nous allons affronter une guerre, et tout homme déterminé est le bienvenu.
Fâché, mais également amusé (ce qu’il n’aurait jamais reconnu), Eymerich suivit un domestique en longeant une enfilade de pièces qui s’ouvraient l’une sur l’autre par l’intermédiaire de portes parfaitement alignées. De charmantes salles, de petits bureaux, des salons de musique, parés d’élégants divans, de fauteuils, de murs peints à fresque.
Le domestique écarta un rideau de velours vert qui cachait une pièce d’angle.
— Voilà, père. Vous pourrez dormir ici.
La pièce était petite mais bien décorée, avec un lit à baldaquin qui trônait au centre, un tapis qui recouvrait quasiment tout le plancher, une malle marquetée, deux sièges rembourrés, un candélabre en argent. La lumière pénétrait par une fenêtre trilobée à double colonnade.
— Mais je ne peux pas dormir dans un endroit pareil ! s’exclama Eymerich, d’un air scandalisé.
— Pourquoi ? demanda le domestique, étonné par sa réaction. Vous aimeriez une pièce plus grande ?
— Au contraire ! Cette chambre à coucher est pleine d’objets inutiles, d’oripeaux superflus, de couvertures poussiéreuses ! Je parie que ce tapis horrible grouille de puces, d’araignées et d’un tas d’autres bestioles. Sans compter celles qui pourraient me tomber dessus du baldaquin !
— Mon père, je peux vous assurer que le palais est entièrement nettoyé tous les jours.
Le domestique, un vieil homme aux moustaches tombantes, avait du mal à comprendre.
— Une bonne hygiène est ici la règle. Il y a même des toilettes à chaque étage, ce qui n’est même pas le cas au palais royal de Frédéric. Quel genre de pièce voudriez-vous exactement ?
— Vous avez une pièce aux murs nus, avec une paillasse, sans aucun meuble ni tapis ?
L’homme réfléchit.
— Certaines cellules des souterrains, peut-être. Humides et pleines de rats.
— Non, ça ne va pas. Rien d’autre ?
— Quelques pièces pour les serviteurs de rang inférieur, au dernier étage. Juste au-dessous des toits. Quasiment pas meublées.
Eymerich manifesta son soulagement.
— Ça me convient parfaitement. Préparez-en une. Je dormirai là.
— Inutile de la préparer, elle est déjà disponible. Où avez-vous laissé vos bagages, père ? Une fois que vous vous serez installé, j’irai les chercher et vous les apporterai.
— Je n’ai aucun bagage, je n’en ai pas besoin. Ma sacoche est suffisante pour porter mes livres.
Ils gravirent un escalier réservé aux domestiques et arrivèrent dans les combles. Au centre des couloirs se dressaient des colonnes grossièrement taillées pour soutenir les voûtes. Il y avait de nombreuses pièces. Le domestique en ouvrit une à la porte grinçante.
— Celle-ci vous convient ?
Eymerich dut baisser un peu la tête pour franchir le seuil. Ce qu’il vit lui plut immédiatement. Il n’y avait qu’une petite table, avec une bougie éteinte, une paillasse qui reposait sur des caissons et, dans un coin, une cruche et un seau pour les ablutions. Il constata avec plaisir qu’un crucifix était cloué sur l’un des murs. Une petite fenêtre apportait un peu d’air et de lumière. Il faisait très chaud, mais c’était supportable.
— Comment fait-on pour savoir l’heure ? demanda-t-il.
— Oh, c’est très simple. Il y a une cloche qui s’entend dans tout le palais, mais surtout ici.
— Très bien. Par pure précaution, venez m’appeler dans trois heures.
— À vos ordres, père.
Une fois seul, Eymerich inspecta la paillasse. Il n’y avait aucun parasite visible, et on n’en voyait pas non plus sur les caissons. Il s’approcha alors de la fenêtre, en se courbant à cause de l’inclinaison du plafond. Sous un soleil encore haut, il vit une étendue de toits de chaume ou d’ardoise, et le clocher d’une grande église. Au-delà s’ouvrait une grande rade bleue survolée par des mouettes. Des bateaux de toutes formes y étaient amarrés.
L’attention de l’inquisiteur fut attirée par des lumières discoïdales qui traversaient le ciel en formation triangulaire. Le spectacle fut de courte durée car le groupe s’éparpilla brusquement dans des directions différentes. Eymerich se dit que ce devait être un effet d’optique dû à l’ondoiement des vagues. Par ailleurs, la profondeur de la meurtrière ne lui permettait pas d’avoir une vue très claire. Il jeta sa sacoche dans un coin, ôta ses chaussures et s’étendit sur la paillasse. Il mit les mains sous sa nuque. Il n’avait pas fait grand-chose de la matinée, mais il se sentait épuisé. Dix ans plus tôt, il aurait été en forme, les années passaient cependant pour tout le monde.
Il ferma les yeux pour sommeiller, mais il s’endormit profondément.