Eymerich demeura un instant abasourdi, le couteau levé. Non pas à cause des mots que Nissim venait de prononcer, mais sous l’effet de deux autres événements concomitants. Un rayon de lumière blanche, très intense, pénétra par la petite fenêtre et l’aveugla.
Au même instant, une voix lointaine, qu’il connaissait bien, murmura :
— Tu crois être Abraham, Nicolas ? Qui t’a ordonné de tuer Isaac ? Certainement pas Dieu. Ta vanité, alors ?
L’inquisiteur essaya de se dérober à la lumière qui le blessait. Impossible. Il réussit à distinguer une sphère qui dansait devant la fenêtre et une ombre imprécise à côté de lui. Il dut baisser les bras pour se protéger de la lumière, si vive qu’elle lui traversait les paupières. Il maintint cependant de sa main droite sa prise sur le couteau.
— Je dois le faire, Myriam ! dit-il d’un ton amer, étouffé par l’angoisse. Si le monstre m’échappe encore, il pourra de nouveau s’incarner à sa guise !
— Il n’est pas celui que tu crois ! Tu ne vois pas qu’il ne se défend pas ? C’est parce qu’il devine que tu es son père… et moi sa mère.
— C’est impossible !
— Si, au contraire. Mon avant-dernier accouchement. Pas une larve, mais pas non plus l’être rationnel parfait que je désirais.
Le rayon de lumière s’éternisait. Eymerich lui tourna le dos, mais ce fut inutile. Il crut qu’il avait perdu la vue.
Il laissa tomber son couteau. Il était en plein désarroi : toutes ses certitudes s’effilochaient. Il avait l’impression de flotter dans un monde noir, privé de logique, sillonné d’éclairs.
Il pensa que sa raison était elle aussi sur le point de l’abandonner.
Entre-temps, Myriam – ou son ombre – disait, avec ce bruissement qui paraissait provenir de distances incommensurables :
— Maintenant, va-t’en, Nissim. Retourne en Sicile. Sors pour toujours de la vie de ton père.
Eymerich, pour autant que le lui permettait le vrombissement qui lui taraudait les oreilles, entendit le jeune homme répondre :
— Tu es vraiment ma mère ?
— Oui. Tu l’oublieras. Va-t’en, ici tu ne crées que du désordre.
L’inquisiteur ne sut pas immédiatement si le jeune homme avait obéi. Ses yeux brûlaient comme s’ils étaient devant des charbons ardents. Il pleurait, avait du mal à respirer. Il tituba, comme s’il allait tomber. Puis brusquement tout disparut : la lumière, la cécité, la douleur, la peur de devenir fou. Il rouvrit les yeux, l’air incrédule. La sphère lumineuse avait disparu et la chambre était plongée dans la pénombre du couchant.
Myriam était là, silhouette sombre entourée par trois autres silhouettes imprécises, qui n’étaient pas dues aux reflets du soleil désormais couché ni aux feux follets qui voltigeaient au loin. Eymerich observa son corps translucide. Elle ne ressemblait pas à Lilith, avec ses ailes repliées sur les épaules. Elle ressemblait plutôt à Myriam, qu’il avait connue de nombreuses années plus tôt… quand elle s’était présentée à lui sous l’apparence d’un homme et avait envahi ses rêves, redevenant femme en assumant le visage de la lune. Elle n’avait jamais été belle et ne l’était pas plus maintenant. Son corps avait une plastique anguleuse, avec des attributs sexuels à peine esquissés. Une force ancienne parvenait cependant à l’attirer.
Nissim n’était plus là. Eymerich se laissa tomber sur la partie du lit encore chaude que le jeune homme avait occupée. Il ne cédait pas au délire. Une foi inébranlable en un Dieu ordonnateur le rendait capable de résister aux visions les plus démentielles inspirées par le démon. Mais cette fois, c’était particulièrement difficile.
— Myriam, demanda-t-il avec un filet de voix, si Nissim Ficira n’était pas Ramón de Tárrega, dans qui se cache ce dernier ?
L’ombre s’agita, imitée par celles qui l’entouraient.
— Tu l’as eu avec toi depuis le Mont de Sion.
— Qui est-il, s’il te plaît ?
— Réfléchis. Moi, je ne peux pas te le dire, mais c’est pour ton bien. Le découvrir toi-même est indispensable pour que tu puisses te débarrasser de lui.
La voix, hésitante, provenait d’abysses insondables. Les silhouettes qui accompagnaient Myriam devenaient de plus en plus concrètes. Eymerich les connaissait toutes les trois mais était incapable de leur attribuer un nom. Il savait seulement qu’elles étaient les fantômes de personnes connues.
— Tu m’as fait comprendre qu’en me dérobant mon sperme et en essayant de le féconder tu as engendré des créatures incomplètes, dit-il à Myriam. Nissim était la plus réussie de tes tentatives. Où se trouve mon véritable fils, conforme au modèle du père ?
Myriam vacilla comme si elle était flamme plus que matière.
— Qui t’a dit qu’il s’agissait d’un garçon ? Ce n’est pas le cas. Elle vit ailleurs et c’est une fille. Elle porte le même nom que moi.
— Lequel, tu en as tellement ?
— Ça ne te regarde pas, Nicolas. Elle vit dans un autre temps. J’y ai été emprisonnée moi aussi. Vous ne vous rencontrerez jamais, à moins que tu ne deviennes matière subtile. La cinquième essence.
— Tu veux dire un esprit ?
— Non. Je parle de la substance supplémentaire, au-delà des quatre autres qui composent l’homme. La cinquième par rapport à l’eau, la terre, l’air et le feu. La cinquième par rapport au liquide, au corps, à l’âme et à l’esprit. La cinquième par rapport aux quatre parties dont est composé l’œuf. La cinquième couleur, après le nigredo, l’albedo, le citrinitas et le rubedo. La cinquième après les quatre métaux fondamentaux.
Eymerich, qui s’était ressaisi, n’avait pas l’intention de discuter de définitions alchimiques. Il s’y serait perdu. C’était une tout autre question qu’il avait envie de poser depuis longtemps. Il redoutait que le fantôme de Myriam disparaisse, alors il lui demanda :
— Qu’est-ce que le Rex tremendae maiestatis ? Pourquoi m’appelle-t-on ainsi ?
— Parce que tu pourrais le devenir si Ramón ne t’en empêchait pas, Nicolas. Il espère lui-même le devenir et se sert de toi pour y parvenir.
Myriam indiqua ses mystérieuses consœurs.
— Nous essayons de t’aider. Pas seulement depuis la mort physique de Ramón, mais depuis des années. Parfois, l’obstacle c’est toi-même, d’autres fois, les lumières et les traînées dans le ciel.
Eymerich éprouva une profonde stupeur.
— Ce n’est pas toi qui engendres ces objets ?
— Non, ni Ramón de Tárrega. Il allait te le dire, il y a quelques jours.
— Que sont-elles, alors ?
— Quelque chose qui interfère. Venu d’on ne sait où, ni dans quel but.
Les contours déjà éthérés de Myriam pâlirent et se firent plus diaphanes. Ses compagnes disparurent. Elle agita les mains comme pour résister à une force qu’elle ne pouvait dominer. Elle réussit à tendre les bras vers l’inquisiteur, dans un geste bref et cependant affectueux.
— Je dois m’en aller, Nicolas !
Eymerich était angoissé. Il essaya de lui saisir les mains, mais ne serra que du vide.
— Pourquoi Rex ? lui cria-t-il.
Il ne reçut en réponse que des chuchotements sifflants de plus en plus faibles. Il ne sut s’il les interprétait bien.
— Job… Le livre de Job…Tu dois connaître le monde qu’il te faudra gouverner… Dors, je te le montrerai en rêve… Là, Ramón ne peut pas venir… Attention aux lumières dans le ciel ! Unis le mâle et la femelle !
Une fraction de seconde plus tard, Eymerich contemplait un mur nu, dans une pièce obscure. Dans un premier temps, il ne réussit à formuler aucune réflexion sensée. Selon toute logique, il avait été victime d’une énième hallucination, mais son instinct lui faisait penser le contraire. Le couteau sur le sol et, dans une certaine mesure, l’absence de Nissim, étaient les seules certitudes qui pouvaient l’ancrer dans le présent. La porte était ouverte et, poussée par une légère brise, elle grinçait un peu sur ses gonds.
Il n’éprouvait aucune douleur, ne ressentait aucune fatigue et n’avait pas non plus l’impression d’être en état de choc. Il ressentait juste un vif remords, tranchant comme un poignard, à l’idée que celui qu’il s’apprêtait à tuer était peut-être vraiment son fils. Il le revoyait devant lui, effaré, incapable de réagir. Les circonstances atténuantes étaient nombreuses, mais elles ne l’empêchaient pas de ressentir cet homicide manqué comme une faute grave de sa part.
Il n’avait plus aucune raison de rester dans cette pièce. Il sortit. Certains clochers de la ville sonnaient les Complies. Les embarcations des pêcheurs prenaient le large. Dans le château, le silence régnait. Les sphères lumineuses étaient présentes dans le ciel, mais paraissaient lointaines, faciles à confondre avec les premières étoiles qui s’allumaient dans la partie la plus sombre du firmament.
Eymerich poussa la porte de sa chambre. Il sursauta. La bougie avait été allumée et se consumait dans son bougeoir. Le père Simone dal Pozzo était assis sur une chaise. Celui qui, par de faux raisonnements, l’avait poussé à commettre un délit horrible, à perdre son âme.
— Que faites-vous ici ? lui demanda-t-il.
Il parvint péniblement à cacher ses sentiments les plus profonds, que l’on pouvait résumer d’un seul mot : haine.
Le père Simone se leva en signe de respect.
— On m’envoie de Castel Nuovo, magister. Messire Niccolò Spinelli ne comprend pas qu’après une telle médiation vous n’assistiez pas aux festivités.
— Je crois qu’il devra s’y faire. Je suis fatigué et désire dormir.
— Je respecte vos désirs, magister. Cependant, après avoir éveillé tant d’espoir, il est logique qu’ils vous réclament.
— Nous en reparlerons demain matin.
Eymerich contempla Simone dal Pozzo sans laisser transparaître le mépris qu’il éprouvait à son égard, équivalent à l’estime qu’il avait de temps en temps ressentie.
— Frère, vous pourriez m’être utile.
— De quelle manière, magister ?
— En tant qu’homme cultivé, responsable de la plus importante bibliothèque de la Méditerranée. Je ne veux pas vous interroger sur des manuscrits insolites et interdits, mais sur quelque chose de simple. Que signifie l’expression Rex tremendae maiestatis ? L’avez-vous déjà entendue ?
Le frère Simone se mit à rire.
— Bien sûr et vous aussi. Qui sait combien de fois vous l’avez entonnée. C’est un triolet du Dies irae. Parmi les plus suggestifs.
— Je ne voulais pas parler de chant, mais de ses origines dans les Écritures. De nombreuses strophes du Dies irae sont inspirées de l’Apocalypse de Jean. Dans le texte, on fait plusieurs fois référence à un Roi, je suppose qu’il s’agit de Jésus-Christ, mais pas à un « Roi à la terrifiante majesté ».
Simone dal Pozzo prenait de l’assurance. Il retourna s’asseoir.
— Je vous prie de m’excuser, magister. Le Roi à la terrible majesté est en fait le Roi de la terrible majesté. La « majesté » dont on parle est le monde dans lequel nous vivons, passé, présent et futur. Cette dimension tragique et cependant grandiose dans laquelle nos enveloppes corporelles doivent vivre, de gré ou de force.
Eymerich fut étonné par cette explication. Il dut encore une fois corriger l’idée qu’il s’était faite de dal Pozzo. Il lui fallait des vérifications. Il lui soumit la plus élémentaire.
— Y a-t-il dans les Écritures des paragraphes qui confortent cette hypothèse ?
— Oui. Job 37, 22. Dans l’Ancien Testament. On n’y parle pas de Rex, mais de tremendae maiestatis. Dans un contexte de gloire, mais également de crainte.
— Et le Rex, d’où vient-il, dans le Dies irae ?
— Un héritage juif. Pour les théologiens juifs, et surtout pharisiens, le Christ ne peut être le Messie, étant donné sa nature divine. Le vrai Messie ne peut être qu’un roi de ce monde, capable de tenir en respect les contradictions des vivants.
Eymerich parut surpris.
— Un chant chrétien adopterait donc la vision des pharisiens ?
— Non.
Le père Simone sourit.
— C’est une question de différence d’interprétation d’un même texte. Pour nous, Rex, c’est toujours le Christ. Pour un juif, c’est au contraire un Messie qui n’est pas encore venu, appelé à dominer la terre comme Dieu domine le cosmos, en agissant sous Son mandat.
Eymerich réfléchit un moment.
— Cela rappelle beaucoup le Démiurge de certains courants gnostiques. Ialdabaôth. Le seigneur, par procuration, du monde matériel et charnel.
— Je ne pense pas qu’un juif serait d’accord. Ialdabaôth est entre autres une entité métaphysique, comme la Sophia, les Archontes et autres inventions du gnosticisme. Le Messie juif est plutôt un guerrier réel, habile pour commander les armées et soumettre les nations.
Simone dal Pozzo écarta les bras en un mouvement circulaire.
— N’oubliez pas, magister, que le Bassin méditerranéen a vu naître des cultes qui se ressemblaient, monothéistes ou panthéistes. Ils se sont développés avec de grandes différences et de grandes ressemblances, jusqu’à ce que le christianisme romain s’affirme comme l’unique religion véritable. C’est en fait une conquête relativement récente.
— En effet, et nous avons encore besoin d’une main de fer pour la conserver.
Eymerich se sentait en phase avec les considérations de Simone et en appréciait la sagesse. Son jugement sur le vieux dominicain demeurait ambigu et bien éloigné d’un semblant de sympathie. Il l’avait vu mourir, puis revenir ; il l’avait entendu porter ses soupçons sur l’innocent Nissim. Et ce n’était pas tout. Il fit mine de le congédier.
— Allez, nous nous reverrons demain matin…
Le père Simone s’inclina.
— Comme vous le désirez, magister. Je vous souhaite une bonne nuit. Que le Seigneur soit avec vous.
Il se dirigea vers la sortie.
Eymerich finit alors sa phrase :
— … mais d’abord dites-moi pourquoi vous avez essayé de m’éloigner de la vérité.
Son confrère en fut abasourdi. Il se retourna.
— De quelle manière aurais-je agi ainsi, magister ? balbutia-t-il.
— Vous m’avez fait croire que Ramón était entré dans le corps d’un juif. Un seul d’entre eux avait voyagé avec moi. Vous m’avez incité à le tuer !
— Mais… je n’ai prononcé aucun nom ! Il s’agissait de simples spéculations !
— Vraiment ? insista Eymerich. Vous maîtrisez parfaitement le concept non chrétien de l’ibbour. J’ai eu personnellement du mal à y parvenir. D’où vous vient cette compétence ? Des lectures faites dans la bibliothèque dominicaine ?
— Vous oubliez que j’ai été moi-même victime de ce type de sorcellerie, protesta Simone. Après l’avoir subie, j’ai essayé d’en savoir plus !
— Ah oui ? Et avec quelles conclusions ? Qu’est donc l’ibbour ?
Des gouttes de sueur brillaient sur le crâne nu de Simone dal Pozzo. Le dominicain ne saisissait pas le sens de cette conversation, mais il pressentait qu’elle pouvait mal tourner. Il essaya d’élaborer une définition suffisamment claire pour éviter une quelconque accusation.
— Ibbour signifie « imprégnation ». C’est un concept accepté par de nombreux kabbalistes, mais pas par tous les juifs. Il décrit une âme qui s’installe dans un corps étranger. Dans mon cas, il ne s’agissait cependant pas d’ibbour mais plutôt de guilgoul.
Ce fut au tour d’Eymerich de demeurer perplexe.
— Il y a une différence ?
— Oui. Dans le guilgoul la possession du corps est totale. Dans l’ibbour les deux âmes, celle du corps hôte et celle du parasite, peuvent cohabiter, sans que la première ait conscience de la présence de la seconde.
Eymerich était désormais prêt à tout type de révélation déconcertante. Mais celle-ci était si inattendue qu’il en fut impressionné.
— Si j’ai bien compris, le… « porteur » abrite une personnalité différente sans en avoir conscience ?
— C’est ce que disent les kabbalistes, mais pas seulement. Les Grecs appellent ce phénomène diplosis. Une personne en contient deux, et l’autre personnalité se superpose à la première quand elle le juge opportun.
C’était maintenant Eymerich qui transpirait. Il refoulait certaines pensées qui cherchaient à venir en surface.
— Délires de juifs en peine de spéculations abstraites ! s’exclama-t-il. Les juifs essaient de bâtir des constructions logiques artificielles au moins autant que les Alexandrins. Personne n’a jamais vu un exemple de diplosis, et pourtant je suis sûr qu’en ce moment, dans un cagibi plein de rats, quelqu’un est en train d’écrire un traité sur le sujet… Maintenant, allez-vous-en, je veux me reposer.
Simone hocha la tête. Il était probablement satisfait que les choses ne se soient pas envenimées.
— J’obéis, magister. Mais j’ai vu de mes propres yeux un cas d’âme dédoublée. Cela vous a peut-être échappé, mais pour ceux qui l’ont vu, c’était cependant évident.
— De qui parlez-vous ?
— Eleonora d’Arborea. C’est elle ou ce n’est pas elle. Hier matin elle s’est adressée au roi Frédéric comme si elle était une autre Eleonora. Même sa voix avait changé. Le Simple l’a appelée « Léonore de Cordoue ». Tous ceux qui assistaient à la rencontre sont restés stupéfaits. Bien sûr, personne n’a osé la contredire. Je crois que le nouveau monarque de Trinacrie ne sait pas qu’il a connu, sous une fausse identité, l’héritière du Judicat de Sardaigne.
Les pensées se bousculèrent dans la tête d’Eymerich. Léonore de Cordoue. Le second visage de Myriam ou de Lilith. L’autre femme qui lui avait volé son sperme, puis l’avait utilisé pour engendrer une flopée de créatures imparfaites, jusqu’à obtenir son avant-dernier enfant : Nissim. Et sa fille complètement formée, le produit final de la série, vit dans un temps très lointain. Qui sait sous quel nom ?
Il indiqua la porte à Simone. Il parla sans hostilité.
— Sortez. J’ai vraiment besoin de dormir.
Son confrère obéit. Il se retrouva sous un ciel étoilé, sillonné de sphères de lumière blanche.
— Vous vous y retrouvez, dans tout ça ?
— Si le guide est Dieu, répondit Eymerich, le chemin peut être aussi tortueux qu’il le veut, on ne le quittera jamais.
Il referma la porte.