La difficulté du travail de l’esprit
Le travail de l’esprit est difficile car il ne s’appuie sur rien de tangible. En ce sens, il est différent du travail sur le corps, où il suffit de répéter les exercices en étant attentifs pour que tout se mette en place avec le temps, ou du travail énergétique sur le souffle et la posture, qui s’enracine sur la kinesthésie (perception des mouvements du corps).
Nous observons l’esprit, mais nous ne pouvons le forcer ni le soumettre, car il est semblable à un jeune animal indiscipliné.
Le menacer ou l’affamer le poussera à nous trahir, mais le laisser aller à sa paresse naturelle le maintiendra sans limites ni contrôle. Nous avons à apprivoiser l’esprit par une compréhension de ses besoins et de ses mécanismes sans le brusquer, mais en le « tenant ».
Plus nous l’observons, plus nous le poussons, plus nous tentons de lui échapper, et plus il va se défendre, nous projetant nos incohérences, nos tensions et nos arrangements avec la réalité.
Plus notre vie est pavée de mensonges, plus notre existence est éloignée de nos valeurs et de qui nous sommes vraiment, plus nous tentons de fuir ce qui est important pour nous, et plus notre mental va nous persécuter.
Le travail de l’esprit nous donne accès à ce qui existe derrière les défenses de l’ego, nous ouvrant la perception de qui nous sommes vraiment.
Les huit règles du travail de l’esprit
1 Ne rien attendre : c’est pour le plaisir
Nous commençons toujours une pratique pour de mauvaises raisons. Au début, avoir une attente est nécessaire pour que nous nous engagions dans une pratique soutenue, mais ce désir devient rapidement une source de blocages.
Nous ne pouvons faire disparaître notre attente, mais nous pouvons repositionner notre attention lors de la pratique de l’observation de l’esprit pour y échapper un peu.
Pour cela, il suffit de nous asseoir chaque jour pour pratiquer dans une totale gratuité, sans rien attendre, juste pour le plaisir de mieux nous connaître. Nous n’avons pas de but, mais disposons d’une direction (l’exercice du jour).
Sachons qu’il ne peut rien arriver si nous attendons un succès quelconque de notre pratique : ce n’est qu’en nous laissant aller dans celle-ci que l’esprit se détend et nous ouvre les portes de l’infini.
2 Ne pas forcer, ni vouloir bien faire
Regarder notre esprit, c’est observer notre fonctionnement interne. Forcer, se tendre ne mène nulle part. L’attention doit être soutenue, détendue et enthousiaste : l’envie de sourire doit l’emporter sur les grimaces de tension ou de souffrance.
Il n’y a rien à gagner, il ne s’agit pas de « faire bien », ni de chercher la performance. Le secret réside dans le fait de trouver le plaisir de se connaître.
Certains jours, des exercices peuvent nous sembler difficiles. Il suffit alors de faire des exercices plus plaisants ; nous en trouverons toujours.
“ Le travail de l’esprit n’implique ni souffrance ni peine : nous devons au contraire pratiquer dans la joie et la facilité.”
Méditer dans les tensions et la souffrance, l’ennui ou la résignation n’est pas le meilleur choix : trouvez un exercice qui vous plaît, changez quand vous le souhaitez et soyez heureux en pratiquant.
3 Ne pas s’attacher à un truc
Un « truc » n’apporte pas la paix mentale. N’essayons pas d’utiliser des moyens pour atteindre la sérénité. Ne cherchons pas à retrouver les expériences satisfaisantes que nous avons pu connaître lors de méditations passées.
La pratique est un événement unique qui se répète tous les jours. Les pratiques ne peuvent ni se ressembler, ni être planifiées ou comparées.
Nous devons pratiquer dans une ouverture totale aux expériences, sans recherche ni attente d’un résultat précis. Que l’instant soit agréable ou pénible, il passera. Ne nous attachons pas aux « trucs » : leur seul effet sera de nous faire « bâcler » notre travail.
“ À chaque pratique, nous devons repartir de zéro, comme neufs. L’attention doit se porter sur ce que nous travaillons, sans que nous utilisions de technique.”
4 Lâcher : corps immobile et pensées fixes
Une immobilité soutenue, un alignement correct et la détente liée au confort de la position de méditation permettent de trouver un état d’esprit propice à la pratique de la connaissance de l’esprit. L’esprit ne peut être calme si le corps est tordu et tendu.
Une fois que nous sommes alignés, détendus et immobiles, nous pouvons tourner notre attention vers les productions mentales. Nous regardons sans juger ce qui se passe en nous et pouvons aller vers la pratique du jour.
Ce lâcher est la base de l’observation de notre esprit. Il constitue les fondations du temple. Notre esprit est l’écran blanc sur lequel nous projetons la manifestation. Dans cette conscience de la conscience, immobiles et alignés, nous pouvons tout faire.
5 Accepter : reconnaître nos attentes, valoriser nos lacunes
Nous avons tous des idéaux et des modèles. Nous rêvons tous de nous accomplir et aimerions posséder certaines qualités. Nous devons en conscience reconnaître ces qualités idéales et les chercher dans notre pratique et dans notre vie. Ces idéaux ne sont pas seulement des fantasmes, ils sont aussi des valeurs.
Sachant vers quoi nous tendons, nous devons accepter de voir sincèrement où nous en sommes pour réaliser ce que nous devons faire et ce qui doit changer en nous et dans notre vie.
Nous devons également faire face à nos souffrances et ne pas nous voiler la face : c’est le moment d’accepter.
Nous avons tous des fonctionnements malades. Avant de nous transformer, il est important d’accepter ce qui doit changer.
Il n’est possible de recevoir de l’aide qu’à partir du moment où nous souscrivons à l’idée que nous avons besoin d’aide. C’est en acceptant nos imperfections que nous pourrons commencer à les transformer.
6 Être complaisant avec soi-même : il est inutile de souffrir
Il n’est pas nécessaire de souffrir pour progresser. Cela ne veut pas dire que nous ne serons pas confrontés à des moments pénibles dans notre pratique, mais juste ce qui est nécessaire à notre évolution.
Pratiquer tous les jours implique un effort de compréhension et d’introspection louable : sachons reconnaître nos valeurs et regarder nos défauts.
Il faut savoir pratiquer en fonction de nos envies et de nos besoins, mais il est important de pratiquer chaque jour un peu : si nous ne faisons rien, il ne se passera rien !
“ Ne vous jugez pas, pratiquez.”
7 Questionner son professeur
Un professeur est indispensable pour pratiquer le travail de l’esprit ; pratiquer tout seul revient à faire la sieste pendant des années. Ce n’est pas désagréable, mais cela ne nous mène nulle part !
Pour comprendre en profondeur notre esprit, nous avons besoin d’une carte (des concepts clairs) et d’un guide (un professeur compétent).
Ce livre constitue votre premier guide pour découvrir le travail de l’esprit, et l’auteur est à votre disposition pour répondre à vos questions, mais quand vous désirerez vraiment comprendre votre esprit, vous aurez besoin d’un vrai professeur à vos côtés.
8 Phénomènes : rencontres d’un autre type
Le travail de l’esprit produit une myriade de phénomènes : certains indiquent une évolution profonde dans la Voie, d’autres sont des fabrications du mental visant à nous détourner de notre but. Nous pouvons être sujets à des « flashs de réalité », au sentiment que nous comprenons tout, voire à des « visions ». Le corps peut nous transmettre des sensations nouvelles ou anciennes –, de vieilles blessures ou des tensions que nous avons refoulées peuvent resurgir.
Les phénomènes sont importants et réels, mais leur utilité ou leurs messages peuvent être sans valeur. Ne nous laissons pas avoir par les phénomènes, ne cherchons rien, renseignons-nous auprès de notre professeur et pratiquons chaque jour comme si c’était la première fois.