Je suis arrivée plus tôt que d’habitude ce matin. Pour deux raisons :
1- Je voulais parler à Monsieur M. au sujet des bulletins de vote.
2- Je voulais intercepter Michaël et lui parler.
Les résultats ont été très moyens.
J’ai pu parler avec le directeur. Il m’a dit qu’il trouvait étrange, effectivement, que les résultats de secondaire 1 et de secondaire 5 soient si différents des autres.
- Mais je n’ai pas de preuve qu’il y a eu tricherie.
C’est alors que j’ai sorti les bulletins de vote à moitié calcinés trouvés chez Jimmy vendredi soir.
Monsieur M. les a observés attentivement.
- Où as-tu trouvé ça ?
Je le lui ai dit.
- Hum… C’est troublant, mais ce n’est pas une preuve suffisante.
- Quoi ? Ce sont des bulletins de vote. Qu’est-ce qu’il vous faut de plus ?
- Un coupable.
- Jimmy ! C’est chez lui que je les ai retrouvés !
- Mais il n’y a aucune preuve que c’est lui qui a falsifié les résultats.
Les poils de mes jambes ont commencé à frétiller (oui, je dois les raser).
- Voyons ! C’était dans sa maison, dans son foyer.
- Je suis d’accord. Mais il n’y a rien qui indique que c’est lui qui les a mis là.
- C’est sa maison, j’ai répété.
- Qu’est-ce qui me prouve que ce n’est pas toi qui les as brûlés et placés dans le foyer ensuite ?
Son hypothèse m’a presque laissée muette.
- Vous croyez que j’aurais pu faire une chose pareille ?
Il a souri et a baissé la voix d’un ton.
- Non. Mais c’est ce que Jimmy va dire pour se défendre. J’avoue que ta découverte est inquiétante. Mais ce n’est pas une preuve suffisante.
- Alors c’est quoi ?
- Ce sont des indices.
OK, est-ce que je suis coincée dans un roman policier sans le savoir ? Est-ce qu’il va bientôt y avoir un meurtre que je vais devoir élucider avec une grosse loupe et une pipe ?
Je suis sortie du bureau de Monsieur M. plutôt déprimée. Mon scénario parfait (Monsieur M. bondit sur sa chaise, hurle sa joie de m’avoir comme élève, me félicite, me remet un diplôme et un certificat-cadeau de cinq dollars de la cafétéria, s’empare du micro de l’interphone, dit à tout le monde à quel point je suis géniale, annule les élections et décrète que Kim est la nouvelle présidente) ne s’est tellement pas réalisé. Un fiasco.
Prochaine étape : le casier de Michaël. Il n’allait pas m’échapper, cette fois.
Quand il m’a vue, il m’a semblé que la peau de son visage était en train de devenir grise.
- Nam ! Quelle belle surprise !
Si je suis une « belle surprise », lui, c’est un « mauvais comédien ».
- C’est quoi le jeu que tu joues avec moi ? j’ai demandé.
Il a commencé à faire tourner la roulette de son cadenas.
- Quel jeu ?
- Je t’ai envoyé un courriel hier matin.
- Oui, je sais.
Silence. Il m’énerve !
- Alors ? T’en dis quoi ? !
- Bah, rien.
- Je te demande de faire un choix entre l’autre fille et moi. J’en ai marre d’attendre comme une nouille. Marre qu’un jour, tu me traites en princesse et le lendemain, que tu fasses comme si je n’existais pas.
Le cadenas refusait de s’ouvrir. C’était la troisième fois qu’il refaisait la combinaison de chiffres.
- Je suis mêlé, il a dit.
- Bon. C’est un début de réponse. Qu’est-ce que tu vas faire ?
- Je ne sais pas.
- Eh bien, tu me le laisseras savoir. Et ne tarde pas trop parce que je ne suis pas du genre à faire la file pour un gars.
Et je suis partie.
Et depuis, il me colle. Entre chaque période, il vient me voir et fait comme si j’étais la fille la plus importante de son existence.
Je. Ne. Comprends. Rien.