enregistrement
n° 2110-01-25-005

Fransen tourne le dos à l’huissier Klein pour se replonger dans la consultation de la console d’interprétation. Jane énumère laconiquement les enregistrements liés à Antoine et sa femme.

L’huissier Klein dit : Ici, on a entendu distinctement que la voiture était attentive à ce que vous disiez pour en savoir plus sur sa propre nature. D’une certaine manière, elle vous fait confiance. Il me semble que ce soit une faille dans la crédibilité de son témoignage. À qui d’autre fait-elle confiance ainsi? Qui croit-elle sur parole? Plus je comprends son fonctionnement, plus je crois que votre voiture, professeur, n’est pas un observateur neutre mais bien un témoin partial.

Fransen dit : Non. La voiture ne fait confiance à personne. Le concept de confiance n’a aucun sens pour elle. Je vous rappelle qu’elle ne fait qu’enregistrer des données environnementales qu’elle met en rapport avec un tissu mémoriel. Dans le cas que vous citez, elle se contente de mettre à jour les données associées à sa propre identité incomplète comme elle le ferait avec n’importe qui d’autre, non pas par curiosité, ou pour une quelconque quête des origines, mais bien pour mieux servir son propriétaire. Et si d’autres informations viennent mettre en doute ou contredire ces assertions, elle stockera cette ambiguïté, cette contradiction, et ne prendra pas parti car elle en est tout simplement incapable.

L’huissier Klein dit : Elle fait donc confiance à tout le monde.

Fransen dit : Tout comme vous faites confiance à vos yeux et à vos oreilles, sans y réfléchir, de manière brute.

L’huissier Klein tape sur son écran pendant que Fransen parle.

Fransen dit : Si vous n’avez pas d’autres questions, je vous propose de reprendre où nous en étions. Au moment où Antoine commence à présenter des signes inquiétants.

L’huissier Klein dit : Je ne trouve pas que sa réaction soit particulièrement inquiétante. Christine a tout de même eu cet accident inexplicable alors même que c’était la première fois qu’elle utilisait la voiture. À la place de cet homme, je n’aurais peut-être pas été si draconien, mais interdire à sa femme d’utiliser la voiture ne fait pas de lui un psychopathe.

Fransen dit : Certes. Mais il est important de noter chaque fait marquant survenu ces derniers mois. Il n’est pas impossible que cet événement qui peut vous paraître anodin nous permette de mieux comprendre d’autres épisodes de la vie d’Antoine, lesquels nous aideront peut-être à élucider l’énigme de sa disparition.

L’huissier Klein dit : Vous soupçonnez quelque chose. Vous pensez que Christine a mal pris cette interdiction? Qu’elle est responsable de la disparition de son mari? Qu’elle l’a tué?

Fransen dit : Je ne pense rien. Mais je ne dois négliger aucun détail.

L’huissier Klein dit : Faites attention à ce que vos soupçons ne compromettent pas l’impartialité de la procédure.

Fransen lance l’enregistrement sans prendre la peine de répondre.