Frères ennemis,
Qu'il fasse jour, qu'il fasse nuit,
Une seule ombre vous précède et vous suit.
Pivot d'une horloge indéchiffrable
Votre couple marche sur le sable :
Beaux enfants de la Fable.
Je vous suis à travers les forêts,
Je vous suis à travers les marais,
A travers tout ce qui est.
Bataille semblable à l'amour,
Étreinte féconde du jour
Avec la nuit qui revient toujours.
Que s'enfle votre ventre
De larves et de vers qui entrent
Vers votre cœur et votre centre.
Mettez bas comme des femelles,
Après votre lutte fraternelle
La mort vous donnera des ailes.
Bacchus et Apollon,
Sales geôliers de nos prisons,
Cadavres dont nous périssons,
Couple infâme et semblable à l'homme
Qui n'a jamais connu, en somme,
Qu'un seul aspect des choses qu'il nomme.
Ah ! voir se dérouler ensemble
La nuit calme et le jour qui tremble,
Le crépuscule et l'aube et minuit et midi.
Chaque matin le soleil se lève
L'ombre se dissout dans l'ombre
L'homme réfléchit l'homme.