Fidelma et ses compagnons avaient repris la route de Durlus.
— La situation devient de plus en plus intenable, se plaignit Eadulf en chemin.
— Anfudán et ses guerriers étaient sans doute à notre recherche quand ils ont rencontré ces hommes des Uí Duach, réfléchit Fidelma.
— Quand nous arriverons à Durlus, je suppose que tu enverras un messager pour prévenir ton frère ?
— Oui, il est urgent de voler au secours des Uí Duach.
— À ton avis, dans quel but Cronán s’obstine-t-il à renforcer ses troupes ?
— Pour construire ses routes et ses édifices.
— Entre autres activités. Je suppose que la majorité du peuple d’Osraige est chrétien ?
— Bien sûr.
— Pourquoi les paysans d’Eirc ont-ils été obligés de jurer allégeance à Cronán et à la vraie foi ?
Fidelma n’avait pas de réponse.
Le voyage jusqu’au pays des Éile se déroula sans incident. Ils avaient décidé de s’arrêter de temps à autre afin de ménager leurs chevaux ; ceux-ci devaient être aptes à un effort soudain en cas de danger. À l’approche de la rivière, l’après-midi d’automne était déjà bien avancé et le temps s’était rafraîchi.
— Le jour commence à décliner, dit Fidelma en regardant le ciel vers l’ouest.
Ils avaient été obligés de se reposer à Baile Coll car ils ne tenaient plus debout.
— Nous arriverons à Durlus bien avant la nuit, la rassura Enda.
La rivière n’étant pas aussi large qu’à Durlus, ils purent la franchir à gué sans difficulté. Les montures avançaient sur les fonds caillouteux clairement visibles grâce aux eaux transparentes. Une ou deux truites sautant hors de l’eau donnèrent envie à Eadulf de les attraper à la main. Des pensées aussi fantaisistes étaient peu adaptées à la situation, songea-t-il. Une fois sur la berge, ils firent une pause.
Au sud ondulaient les plaines qui rejoignaient Cashel et Eadulf les trouva rassurantes après leurs pénibles chevauchées dans des paysages inhospitaliers. Au nord se dressaient les montagnes qui s’étiraient vers l’ouest.
— Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda-t-il à Fidelma en en désignant une à la forme bizarre.
— Bearnán Éile. Le trou des Éile. Des guerriers y montaient la garde pour protéger la route de Muman à l’époque où les hordes des royaumes du Nord tentaient de nous envahir.
— Curieux relief, murmura Eadulf en observant le plateau qui donnait l’impression que la montagne avait été décapitée.
— Il a donné lieu à une étrange légende, dit Enda qui les avait entendus. Elle m’a été contée par un marchand de Durlus qui s’employait à rabaisser Muman. Voici l’histoire : le diable, alors qu’il survolait cette montagne, décida d’en trancher le sommet d’un coup de dents. Le peuple des Éile était tellement vertueux et sans tache que cela se traduisait dans le vert de leurs champs et la pureté de l’air. Le diable n’aima pas le goût de la pierre et il recracha le morceau croqué qui atterrit sur la plaine plus au sud pour former le rocher de Cashel.
Fidelma se fâcha.
— En voilà une histoire stupide !
Enda et Eadulf se retinrent de rire et ils se remirent en selle. La voie qui longeait le cours d’eau était bien entretenue et suffisamment large pour permettre à deux carrioles de se croiser. Les Éile avaient à cœur d’impressionner les visiteurs du Nord quand ils approchaient de leur forteresse et de leur capitale. Les haies et les arbres étaient taillés, les herbes fauchées et, sur les terrains boueux, des planches reposant sur de petits chevalets facilitaient le passage. Il s’agissait d’une technique utilisée pour les chaussées marécageuses. Les routes neuves d’Osraige en étaient un parfait exemple. D’après le Livre d’Aicill qui légiférait sur ces questions, chaque chef local devait veiller à l’entretien des chaussées.
Celle-ci passait aussi par des forêts mais toujours pour mieux retrouver la Suir.
Gormán les devançait à une certaine distance. Soudain, il tourna bride, son étalon se cabra et il galopa jusqu’à eux.
— Mettez-vous à couvert ! ordonna-t-il en désignant un espace entre d’épais buissons d’ajoncs et d’épines noires.
— Que se passe-t-il ? demanda Fidelma alors qu’ils s’étaient regroupés.
— Des guerriers !
Ils se dissimulèrent dans une dépression, où poussaient des arbres envahis de broussailles. Immobiles, ils sentirent le sol vibrer sous les sabots des chevaux, puis le bruit s’éloigna.
— Ils sont partis, annonça Gormán qui s’était posté en haut de la pente. Mieux valait les éviter, nous ne sommes pas encore sous la protection de Durlus.
— Qui sont-ils ? s’enquit Fidelma.
— Ils arboraient l’étendard des Éile mais tant que nous ne savons pas à qui nous avons affaire, mieux vaut rester discrets.
— Vous n’avez remarqué aucun emblème religieux ?
— Aucun. Il s’agissait de gardes de la princesse Gelgéis.
— Et ils se dirigeaient vers le trou des Éile. Si des troupes menaçaient Muman, elles choisiraient cet itinéraire. Je me demande si Gelgéis a déjà reçu des nouvelles d’Osraige.
— Vous croyez qu’un danger nous guette à Durlus ? l’interrogea Enda. À votre avis, y aurait-il un rapport avec ce qui se passe chez les Osraige ?
— Puisque nous ignorons ce qui se trame, nous devons agir avec prudence. Je propose que nous attendions l’obscurité avant de nous rendre chez notre ami Gobán.
— Pourquoi ne pas aller frapper directement à la porte de la forteresse ? s’étonna Eadulf.
— Nous ignorons quel parti Gelgéis a choisi et je pense qu’elle m’a menti au sujet de Torna. D’autre part, c’est dans une de ses granges que mes ravisseurs m’ont laissée pour morte avec le cadavre du fils d’Echna. Certes, elle a exprimé son indignation et nié avoir connaissance de ces agissements, mais j’aimerais savoir si Gobán peut nous fournir des informations avant de solliciter une entrevue avec elle.
— Très bien, dit Gormán. Voulez-vous que nous traversions la ville ou que nous fassions un détour pour rejoindre la forge par l’extérieur ?
— C’est possible ?
— Oui, bien que cela nous oblige à emprunter une tuagrota.
Il s’agissait d’un « sentier de paysan », de ceux qui menaient aux voies principales.
Fidelma secoua la tête.
— Nous risquons de nous égarer, je préfère que nous restions sur la grand-route.
Gormán jeta un coup d’œil au ciel.
— Attendons un peu, la nuit sera bientôt là.
Quand elle avait une idée en tête, Fidelma manquait de patience. Cependant, grâce au dercad qui permettait d’apaiser le corps et l’esprit, elle pouvait entrer en méditation et rester immobile pendant de longues périodes. Elle glissa à terre, attacha les rênes d’Aonbharr à un buisson et s’assit en tailleur, les mains sur genoux, dans un endroit sec. Puis elle ferma les yeux.
À son tour, Eadulf sauta de cheval et alla s’asseoir sur une souche pendant que les guerriers montaient la garde. Il avait du mal à maîtriser l’art du dercad que Fidelma avait tenté de lui enseigner. Au lieu de fermer les yeux, il laissa errer son regard sur la petite clairière. Le vent bruissait dans les branches des robustes sorbiers dont les fleurs blanches avaient donné des grappes de sorbes rouges. Ils poussaient souvent, comme ici, avec des bouleaux à l’écorce argentée. La brise murmurait à ses oreilles.
Il se tourna vers la végétation plus dense qui les cachait de la route. Elle était composée de prunelliers aux épines acérées, mêlés à des ajoncs à fleurs jaunes et à feuilles persistantes, longues et recourbées. Tout à coup, Eadulf aperçut une musaraigne en quête d’insectes, pas plus grosse qu’une phalange. Puis le bruit d’ailes d’un oiseau avec une longue queue raide et des yeux cerclés de blanc attira son attention. Il se posa à la base d’un tronc qu’il grimpa en spirale, agile et sautillant, s’arrêtant de temps à autre pour frapper l’écorce de son bec crochu. Celui-là se nourrissait de charançons, de scarabées, de cloportes et d’araignées. Eadulf fronça les sourcils. Comment s’appelait-il déjà, en celte d’Éirean ? Un meanglán ? Un grimpereau des bois dans sa langue maternelle.
Il accompagna sa découverte d’un petit claquement de langue qui lui attira un soupir exaspéré de Fidelma.
— Tu ne te détends jamais ?
— Mais je suis très détendu !
— J’entends les rouages de ton esprit d’ici. Le but du dercad est d’abolir toute pensée.
— C’est impossible.
— Tu manques de pratique.
— J’observais la nature, maugréa Eadulf qui estimait avoir agréablement passé son temps.
— Dans le dercad, il ne faut pas que l’intérieur soit perturbé par l’extérieur. Tu dois faire abstraction des sons et des visions du monde.
Ils se turent. Eadulf ferma les yeux… et quand il reprit conscience, il vit Gormán devant lui et comprit qu’il s’était assoupi.
— Il est temps de repartir ? demanda Fidelma.
— Oui.
Elle jeta un coup d’œil à Eadulf qui bâillait et elle sourit.
— Tu étais supposé méditer, non dormir.
Il sauta sur ses pieds, ôta les feuilles et les brindilles accrochées à ses vêtements et se dirigea vers son cheval. Décidément, la méditation n’était pas pour lui. Son esprit bourdonnait de mille pensées ou alors il s’endormait. L’état intermédiaire lui échappait.
Quand ils atteignirent les environs de Durlus, de petites lumières brillaient déjà ici et là. Un feu brûlait au centre de la place du marché et quelques personnes s’étaient réunies autour des flammes. En surplomb veillait la forteresse de Gelgéis. On distinguait les portes ouvertes au bout du chemin éclairé et les sentinelles qui faisaient les cent pas.
Ils traversèrent la place et se dirigèrent vers la forge de Gobán qui luisait dans l’obscurité. En entendant le tintement du métal, ils comprirent que Gobán était encore au travail.
Gormán le héla.
Surpris, le forgeron abaissa son marteau.
— Ah, vous êtes rentrés sains et saufs ! s’écria-t-il. Avez-vous trouvé ce que vous cherchiez ?
Fidelma sauta à terre.
— Nous avons bien avancé. Et si vous le permettez, nous allons une fois de plus abuser de votre hospitalité. Avez-vous pu glaner quelques informations ?
Le forgeron sourit.
— J’ai fini ma journée. J’étais en train d’aiguiser un soc de charrue pour mon voisin, Lorcán, mais je terminerai demain matin. Je vais mettre vos chevaux au pré où ils pourront se désaltérer à la source. Et puis il y a suffisamment de bière et de viande pour tout le monde. Pour la nuit, les conditions sont toujours aussi peu confortables. Moi, je dormirai dans la forge.
— Avec Enda et moi, dit aussitôt Gormán.
Gobán pria Enda de surveiller le feu pendant qu’il s’éteignait doucement : une étincelle avait tôt fait de provoquer une catastrophe.
Peu de temps après, ils s’attablaient devant un bon repas dans la chaumière.
— Et alors, Gobán, quelles nouvelles depuis notre départ ? s’enquit Fidelma.
— Ils ont découvert le corps en suivant vos directives, et l’évêque Daig l’a accompagné en barque jusqu’à la maison du passeur Echna.
— La justice a déjà rattrapé certains de ceux qui avaient assassiné Enán, murmura Fidelma.
Le forgeron n’osa pas lui poser de questions.
— Que savez-vous de Liath Mór ? poursuivit Fidelma.
— La vieille abbaye ? Elle a été reconstruite. Vous l’avez vue ?
— Oui. Elle a quelle réputation ?
Gobán haussa les épaules.
— Des voyageurs m’ont confié qu’elle ressemble davantage à une forteresse qu’à un monastère. C’est d’ailleurs un endroit peu accueillant, qui refuse l’hospitalité aux pèlerins.
— Avez-vous entendu parler de Cronán ? s’enquit Eadulf.
Le forgeron se gratta la tête.
— Cronán de Gleann an Ghuail est un seigneur de guerre apparenté au prince des Osraige, Tuaim Snámha. Il s’est proclamé abbé et s’est chargé des travaux qui viennent d’être terminés.
— Eh bien, aucun membre de l’ancienne communauté n’est resté à Liath Mór. On a même rapporté que l’ancien abbé, un vrai celui-là, Cuanchear, a été tué par Cronán. Mais ce ne sont que des rumeurs.
— Qu’est-il arrivé aux moines ? s’enquit Fidelma.
— Ils se sont sauvés à Laigin. En vérité, lady, Liath Mór est un endroit isolé dans les marais qu’il vaut mieux éviter. Les terres autour ne valent pas grand-chose et nous ne nous en préoccupons guère.
Le forgeron sortit pour aller chercher de l’eau et Eadulf fixa le feu d’un air songeur.
— Ce qui m’intéresse, ce sont les intentions de Cronán.
Gormán s’étira sur son siège.
— C’est assez simple, il suffit de penser comme un guerrier. À quoi étaient destinés tous ces travaux, à votre avis ?
— À pénétrer dans le pays des Éile, où personne ne les attend. La question est de savoir quand Cronán lancera sa première incursion en empruntant les nouvelles voies de communication.
— Qui ne sont pas tout à fait terminées, mais il s’en faut de quelques jours, conclut Gormán.
Fidelma secoua la tête.
— Je ne pense pas que Cronán s’est lancé dans une telle entreprise pour de simples incursions.
Gobán, qui venait d’entrer avec des pichets d’eau, faillit les laisser tomber.
— Vous voulez dire que les Osraige vont nous déclarer la guerre ?
— Pas seulement les Osraige, répondit Fidelma, le visage grave. Les routes de Cronán s’étirent aussi vers l’est, vers l’ouest, et cela m’étonnerait qu’il ait des ambitions commerciales.
— Mais c’est dans l’Ouest qu’on a entendu parler d’attaques et de batailles ! protesta Gobán.
— Comment cela, de batailles ? s’écria Fidelma.
— Il y en a eu au moins une. Les guerriers du roi se sont affrontés aux hors-la-loi.
— Qui a gagné ? s’enquit Gormán avec anxiété.
Lui et Enda étaient des amis de Dego, qui avait été chargé de traquer les bandits.
Le forgeron fit la moue.
— Je l’ai appris hier, dans l’auberge de la place du marché, grâce à un marchand. Il mourait d’envie de raconter son histoire et j’essaierai d’être aussi précis que possible parce qu’il ne cessait d’ajouter des détails pittoresques à son récit pour l’enjoliver.
Il but une gorgée de bière.
— Connaissez-vous Muine Gairid en territoire Uí Fidgente ? Il y a là une importante communauté religieuse.
— Je connais bien cette abbaye, répondit Fidelma.
— C’était la cible des hors-la-loi. Alors qu’ils se rassemblaient pour l’assaut, ils ont été surpris par les guerriers de votre frère et obligés de battre en retraite dans les collines à l’ouest. La garde du roi a sauvé la communauté de la destruction.
— Comment diable ces bandits s’imaginaient-ils pouvoir détruire un monastère d’une telle importance ? intervint Eadulf.
— D’après le marchand, leur nombre était équivalent à celui des religieux de l’abbaye.
— Ce qui signifie…
Eadulf fut interrompu par Enda.
— Qu’une seule céta, une compagnie d’une centaine de nos guerriers, a défait plusieurs centaines de ces bandits. Si c’est vrai, la vanité de Dego ne connaîtra plus de bornes. Il ne sera plus fréquentable.
Le forgeron n’avait pas terminé.
— D’après le marchand, les hommes du roi ont reçu des renforts, des guerriers menés par Donennach, le prince des Uí Fidgente en personne.
— Donc les brigands ne sont pas des Uí Fidgente, dit Gormán. Mais alors qui sont-ils ?
— Toujours d’après le marchand, la bataille a été chaude et les bandits ont fini par battre en retraite, laissant de nombreux morts et quelques blessés derrière eux. Ils ont fui dans les montagnes à l’ouest et leurs poursuivants n’ont pas pu les rattraper.
— Que sait-on de leur chef ? s’enquit Fidelma.
— Rien du tout, mais ses troupes se réclamaient de la vraie foi.
Fidelma et Eadulf échangèrent un regard surpris. Le forgeron ne put leur en apprendre davantage.
— Demain, je me rendrai à la forteresse avec Eadulf, décida Fidelma. Une discussion avec Gelgéis me semble indispensable. Gormán, vous irez sur la place du marché et tenterez de glaner quelques renseignements.
— Et moi, lady ? demanda Enda.
— Dès l’aube, vous partirez pour Cashel afin de prévenir mon frère des récents événements. Il faut qu’il libère les Uí Duach de Liath Mór.
— Vous pensez vraiment que les Osraige menacent les Éile ? s’enquit Gobán.
— J’en suis convaincue. Quand passeront-ils à l’attaque ? Tout le problème est là. Bientôt, assurément. Les routes sont presque terminées et des combats ont déjà eu lieu en Osraige et dans l’Ouest. Ces conflits sont liés.
Fidelma s’efforçait de ne pas montrer son inquiétude, mais Eadulf ne l’avait jamais vue aussi angoissée. D’habitude, elle aimait les défis, ses yeux brillaient au fur et à mesure que les difficultés s’amoncelaient. Là, elle paraissait abattue, sans doute parce qu’elle ne parvenait pas à raccorder les différents éléments de son enquête.
— On devrait peut-être se reposer, avança Eadulf.
Elle se tourna vers lui et il s’attendit à une réflexion sarcastique. Mais elle se contenta de lui sourire.
— Je t’ennuie à toujours répéter la même chose sous l’effet de la frustration, hein ?
— Bien sûr que non. Tu m’as toujours dit que réexaminer les données d’un problème ne pouvait pas faire de mal.
— Et aussi que les spéculations qui ne s’appuyaient pas sur des informations tangibles étaient vaines.
— En l’occurrence, tu te tourmentes parce que les événements auxquels nous sommes confrontés ne s’emboîtent pas.
— Tu as raison, cela me contrarie. Je dirais même que je suis mortifiée de me retrouver impuissante devant une telle avalanche d’informations.
— Nous avons accompli un long chemin depuis que nous avons découvert le corps de l’émissaire, il y a quatre jours de cela.
— Sauf qu’il n’était pas un émissaire.
Eadulf allait lui demander des explications quand le son d’une trompette les fit tous sursauter.
Gobán sauta sur ses pieds.
— Voilà une personne de haut rang qui s’annonce auprès de la princesse.
— Tant que ce n’est pas la septième trompette ! ironisa Eadulf.
Fidelma se leva à son tour.
— Si tard dans la nuit ? C’est surprenant.
— Mais pas inhabituel, répliqua Gobán.
— Des chevaux s’avancent dans notre direction.
— Sûrement des guerriers, grommela Gormán.
— Attendez ici, lança Fidelma.
— Mais… protesta Eadulf.
— Ne bougez pas.
Elle se glissa dehors et se cacha près de la route où allaient passer les cavaliers. Ils étaient une douzaine qui portaient des torches, suivis par une carriole munie de lanternes et tirée par deux chevaux. Ils progressaient avec lenteur. En reconnaissant le cortège, Fidelma resta la bouche ouverte.
Ses compagnons attendaient anxieusement son retour. Gormán et Enda étaient tendus, écoutant le grondement des sabots qui s’éloignait sur le chemin.
Enfin, Fidelma réapparut.
— Alors ? demanda Gormán.
— D’après leur bannière, ce sont des guerriers des Osraige.
— Des Osraige ? Vous pensez aux hommes de Cronán ! Vous croyez qu’ils vont attaquer Durlus ? s’exclama Gormán.
— Ils sont combien ? renchérit Enda.
— Une douzaine, mais je ne crois pas qu’ils viennent en tant qu’ennemis. À leur tête se tenait Drón.
— Drón de Gabrán ? dit Eadulf, incrédule. Le père de la fiancée de ton frère ?
— Lui-même. Drón et sa fille Dúnliath. Une carriole les suit avec leurs bagages. Qu’est-ce qu’ils font ici ? Et pourquoi ont-ils quitté Cashel ?