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Samson Appollis a téléphoné à Fish pour lui dire : « Ne venez pas chez moi. Vous connaissez la piscine près de la plage, à Mitchell’s Plain ? Mieux vaut qu’on se retrouve là-bas, sur le parking. Dans l’intérêt de maman. »

Fish a été obligé de rappeler Samson Appollis pour trouver l’endroit en question. Il fallait quitter Baden Powell, traverser les dunes et les buissons d’acacias, jusqu’à une portion de plage déserte. Et une piscine tout aussi déserte. C’est calme, le soleil éclatant, une forte odeur de sel provient de la mer, les goélands s’alignent sur le toit des cabines. Un endroit sacrément isolé, se dit Fish. Vous n’avez pas envie de vous retrouver seul ici, vous n’avez pas envie de venir y passer une heure à rêvasser. Dans ce coin, désert ne veut pas dire calme et paix, ça veut dire qu’il va vous arriver un truc.

Fish scrute le parking : deux voitures sont garées sur le devant, sans doute des pêcheurs qui espèrent attraper des dambas venus se nourrir près de la côte. Deux jeunes gars assis dans une Honda surbaissée écoutent du rap à fond.

Fish sent qu’ils l’observent derrière leurs lunettes noires. Il passe à leur hauteur en leur adressant un V avec deux doigts, les gars répondent par un hochement de tête. Il continue jusqu’à l’emplacement le plus éloigné. Samson Appollis est là, dans sa Mazda 323 des années quatre-vingt, garé face à l’entrée du parking. Fish se dit : s’il vend sa bagnole, il en tirera deux mille rands, avec de la chance. Voilà ce qu’il lui propose en guise de paiement ; deux mille rands. C’est quoi, deux mille rands ? Une journée de boulot. Deux, s’il est d’humeur charitable.

Fish s’arrête au niveau de la Mazda, face à la mer.

– Toutes mes condoléances, dit-il en s’asseyant dans la Mazda à la place du passager.

La voiture des Appollis sent l’assouplissant. L’intérieur est impeccable : pas de sable sur le sol, pas d’emballages de plats à emporter. Pas de papiers de bonbons, de canettes de soda, de papiers de chocolat. Des gens propres et ordonnés.

Fish se tourne sur le côté et regarde l’océan : la vue est dégagée jusqu’à Seal Island. La Mazda faisant face à l’aire de stationnement déserte, bordée de dunes broussailleuses, ils aperçoivent les voitures vides, mais pas les deux jeunes gars dans leur Honda.

– Qu’est-ce qui vous inquiète ? demande Fish.

Samson Appollis a les doigts entrelacés, crispés.

– Je ne voulais pas que maman soit au courant. Pas même que je vous ai parlé.

– Pourquoi ?

Fish pense : quelle est l’autre raison ?

– Elle pense que le Seigneur l’a voulu ainsi.

– Pas vous ?

– Non, monsieur Fish.

Samson Appollis décroise les doigts et serre les poings.

– La question que je me pose est : pourquoi ? Et aussi : qu’est-ce qui vous rend si nerveux ?

Samson Appollis contemple longuement le parking désert.

– On n’a pas d’assurance.

– Vous disiez que…

Fish s’interrompt.

L’homme lui jette un regard et s’agite sur son siège, les nerfs à vif, mal à l’aise.

– C’était un mensonge, monsieur Fish. Désolé. On vous a raconté un mensonge.

– Vous n’avez pas d’assurance ?

– Non.

Samson Appollis garde les yeux fixés sur l’horizon.

Fish laisse le silence se prolonger. Puis :

– Alors, pourquoi avoir raconté ça ?

– C’est lui qui nous l’a dit. C’était ce qu’ils voulaient. Au départ, ils ont voulu nous faire croire, à maman et moi, qu’ils regrettaient et qu’ils allaient payer les soins de Forty, mais ensuite, ils nous ont envoyés paître.

Fish passe sa main sur son visage.

– Attendez un peu. Moins vite. De quoi vous parlez ?

– Il nous a dit : ne vous inquiétez pas, monsieur Appollis, votre fils va s’en sortir. Ne vous inquiétez pas, monsieur Appollis, on va le faire transférer dans un bon hôpital, là où il y a les meilleurs médecins, les meilleurs soins. Et c’est ce qui s’est passé. Ne vous inquiétez pas, monsieur Appollis. On paiera tout. Ce sera comme si vous aviez une assurance. Voilà ce qu’il disait. Maman et moi, on était très reconnaissants. On n’a pas les moyens de payer l’hôpital, monsieur Fish. On n’est pas riches.

– Bon, allons-y petit à petit. Je suis largué. Tout d’abord : qui est ce « il », cet homme qui vous a dit tout ça ?

– M. Mart.

– Ah oui ? Mart, hein ? Mart Velaze ?

– Ja. Vous le connaissez, monsieur Fish ?

– Plus ou moins.

Fish lui tapote l’épaule pour l’inciter à poursuivre. Il est assis en biais sur son siège, face au profil de Samson Appollis.

– Retournons un peu en arrière, monsieur Appollis. Racontez-moi depuis le début, quand Mart Velaze est venu vous voir.

– C’était à l’hôpital.

– Le premier hôpital ?

– Oui. On était devant le lit de Forty, maman et moi, et je me disais : mon Dieu, mon fils va mourir. Maman pleurait. On était seuls avec lui et Forty était entouré de bandages, dans le coma. J’ai entendu cet homme prononcer mon nom, il voulait me parler. Il disait qu’il était au courant pour l’accident et qu’il pouvait m’aider.

– Mart Velaze ?

– Un homme très discret. Il parle tout bas, comme un prêtre.

– Hmmm. Et ensuite ?

– Il me dit qu’il va faire transférer Forty dans un hôpital privé. Non, je lui réponds, on n’a pas les moyens. Ne vous inquiétez pas, monsieur Appollis, qu’il me dit alors, tous les frais seront payés. Comme avec une assurance. Je le regarde et je lui demande pourquoi. Directement : pourquoi ? Il répond qu’il ne peut pas me le dire. « Ça vient de l’homme pour qui je travaille. » Ce sont ses paroles exactes, monsieur Fish. « Ça vient de l’homme pour qui je travaille. » Faites-moi confiance, monsieur Appollis, qu’il me dit. On va s’occuper de votre fils jusqu’à ce qu’il se rétablisse. Moi, je regardais Forty couché là dans ce lit d’hôpital, et je me disais : ce n’est pas un endroit bien, il va mourir ici. Dans un hôpital privé, il a peut-être une chance de survivre. Monsieur Fish, un père doit faire tout ce qu’il peut pour son garçon. Alors, j’ai dit à ce M. Mart : d’accord, si vous me le promettez, au nom du Seigneur. « Je vous le promets, monsieur Appollis », a-t-il dit. Voilà ce qu’il m’a dit : « Je vous le promets, monsieur Appollis. » Regardez ce qu’il reste de sa promesse. Du vent.

– Vous devez payer la note de l’hôpital ?

– Non, il n’y a pas eu de frais, Dieu soit loué.

Fish soupire.

– C’est tout ce qu’il vous a dit ? Qu’il travaillait pour un homme qui voulait vous aider ?

Samson Appollis hoche la tête.

– Vous ne lui avez pas demandé, par la suite, qui était cet homme ? Et pourquoi il faisait ça ?

– Si, bien sûr. Qu’est-ce que vous croyez ? Je ne suis pas un parasite. Oh la la, M. Mart s’est fâché. Je l’ai vu sur son visage. Il voulait pas que je continue à lui poser cette question. Il me souriait, mais son visage était crispé. « « Soyez reconnaissant, monsieur Appollis », il m’a dit. « Votre fils a énormément de chance. » (Il tire sur un fil de la housse du volant en parlant.) Quand vous êtes venu nous voir hier, il vous a vu. Dès que vous êtes parti, il a rappliqué. « Qui était ce type ? Qu’est-ce qu’il voulait ? Qu’est-ce que vous lui avez dit ? » Je lui ai répondu : « Monsieur Mart, on ne lui a rien dit. » Je lui ai expliqué que vous enquêtiez sur ce qui s’était passé. Là, il s’est mis en colère et il a voulu savoir si on avait parlé de son patron. Non, monsieur Mart, je lui ai assuré. On vous avait raconté qu’on avait une assurance. On était couverts pour les frais d’un hôpital privé. On vous a répété ce qu’il nous avait dit. Sur ce, il nous sort : « Monsieur Appollis, on a un problème. » Et il explique que l’homme pour qui il travaille est quelqu’un de très discret. Il aime aider les gens, mais il ne veut pas que ça se sache. Pas de publicité. On lui jure sur la Bible qu’on ne dira rien. Et si Forty meurt, on devra l’accepter, comme un choix de Dieu.

Fish observe Samson Appollis : il ne cille pas, il grince des dents.

– Mais vous ne l’acceptez pas ?

Samson Appollis met longtemps à réagir. Fish tourne la tête et regarde une vague monter, puis se briser : trop brève, trop petite, pour procurer du plaisir à quiconque. Il entend un faible « Non ».

– Qu’est-ce qui a changé, monsieur Appollis ? Pourquoi pensez-vous cela maintenant ?

– M. Mart disait qu’on devait avoir confiance en lui. Qu’est-ce qu’on pouvait faire ? On était obligés d’avoir confiance. Notre fils… (Sa voix se brise, il avale sa salive.) Notre fils, on devait sauver notre fils.

Il s’interrompt et Fish ne dit rien. Samson Appollis est perdu dans son regard lointain et ses grincements de dents.

– Mais j’ai jamais entendu parler d’un truc pareil, reprend-il. Une personne qui fait ça, qui paie pour quelqu’un qui n’est pas de sa famille. La première chose que j’ai pensée, c’est : M. Mart connaît celui qui a renversé mon fils. Je ne suis pas stupide, monsieur Fish. M. Mart le connaît. Je dirais aussi que cette personne est riche.

– Oui, ça pourrait être quelqu’un d’important, absolument. Quelqu’un qui a des relations.

– Possible, ja. C’est ce que je pense. Un politicien. Ou un homme d’affaires. Un gangster peut-être. Un de ces Intouchables, la mafia qui fait le trafic d’ormeaux. Voyez-vous, monsieur Fish, par ici dans la Plaine, il y a des gens riches qui achètent des bolides à leurs fils. Ils s’en fichent des courses. Ils veulent juste gâter leurs enfants pour avoir la paix.

Fish réfléchit, il rumine. Et il se dit : on approche, Samson mon ami. Il demande :

– À votre avis, pourquoi on l’a tué ?

La réponse ne se fait pas attendre :

– Ils ne sont plus inquiets. Ils n’ont plus besoin qu’il reste en vie.

– Vous croyez ?

– Évidemment. Ils ont payé tout le monde. Quand vous avez de l’argent, monsieur Fish, vous pouvez tout faire. Ça coûte moins cher de payer des gens que de maintenir un garçon en vie. Et on ne sait pas si le garçon va sortir du coma. Il pourrait raconter des choses.

C’est aussi l’opinion de Fish.

– Vous croyez vraiment ? demande-t-il.

Samson Appollis se tourne vivement vers lui.

– J’ai peur, monsieur Fish, pour maman et moi.

– Mart vous a menacés ?

– Pas ouvertement.

– Dans sa façon de parler ? Son attitude ?

Samson Appollis hoche la tête.

– Il s’approche de vous quand il vous parle. Tout près. Il vous souffle son haleine au visage. Et il parle tout bas. « Vous comprenez, monsieur Appollis. Vous m’entendez, monsieur Appollis. » Il répète ça sans cesse.

– Si vous avez peur, pourquoi vous me parlez ? Pourquoi vous m’avez téléphoné ?

– Forty est mort, monsieur Fish. Peut-être que vous pouvez faire quelque chose.

Fish ne relève pas, il admire le cran de cet homme. Samson Appollis sanglote doucement. Au bout d’un moment, Fish demande :

– Qu’est-ce que vous attendez de moi ?

– Je veux savoir, monsieur Fish. Je veux savoir qui a tué mon fils. Juste son nom.

– Juste son nom ? Et ensuite ?

– Je sais pas. Juste son nom.

Ils restent assis là dans la voiture, sans parler. Samson Appollis renifle dans son mouchoir.

Finalement, Fish dit :

– Deux choses, monsieur Appollis. Primo, dès que je vais commencer à fureter, Mart Velaze va revenir vous souffler son haleine au visage, il voudra savoir ce que vous m’avez raconté. Il va vous menacer. Deuxio, comment allez-vous me payer ? Je ne travaille pas gratuitement.

Samson Appollis se mouche.

– Je sais bien que je dois vous payer, monsieur Fish. Je le sais. J’ai de l’argent. Et je peux vendre ma voiture.

– Très bien. Vendez-la. Ça me paiera une journée de travail. Mais ce genre de boulot, ça prend des jours et des jours. Et il reste le problème Mart Velaze. Mieux vaut oublier tout ça, monsieur Appollis.

Celui-ci laisse tomber sa tête.

– Je ne peux pas, monsieur Fish. Je ne peux pas.

Il farfouille dans sa poche de veste et en sort un bout de papier. Un nom est inscrit dessus : Willy Cotton.

– C’est le copain de Forty, avec qui il est allé à la fac. Un gentil garçon. Combien vous voulez pour lui parler, et c’est tout ?

– Vous avez juste son nom ?

– S’il vous plaît, monsieur Fish. Combien ?

Fish se dit : fais-le gratuitement. Aide cet homme. Il dit :

– Trois cents rands.

Samson Appollis sort alors une liasse de billets. Il pourrait y avoir deux mille rands, estime Fish. Il prélève trois billets de cent sur le dessus et les lui tend.

Fish prend l’argent et ouvre la portière.

– Je vous tiens au courant.

– Non, non. Je vous appelle ce soir.

Fish secoue la tête.

– Trop tôt. Demain, plutôt. Juste avant de claquer la portière, il demande : Avez-vous vu Mart Velaze hier soir ?

Samson Appollis hoche la tête.

– Il était à l’hôpital.

– Vous lui avez parlé ?

– Un peu. Il a dit qu’il était très triste pour nous. Il a dit aussi que c’est la volonté de Dieu si Forty nous a quittés.

Fish comprend d’où vient l’argent ; il laisse presque échapper un ricanement.

– Il vous a donné ce fric ?

– Pour nous aider. C’est ce qu’il a dit : pour nous aider.

Samson Appollis met le contact, le moteur de la Mazda grogne avant de démarrer.

– Pourquoi avez-vous pris cet argent si vous pensez que…

Un sourire triste creuse les rides qui encadrent la bouche de Samson Appollis.

– Pour vous payer, monsieur Fish. Pour vous payer.

 

Dès qu’il est parti, Fish appelle Vicki. Appuyé contre sa voiture, il inspire l’ozone ; les gaz d’échappement laissés par la voiture de Samson Appollis s’insinuent dans le mélange.

Vicki déclare d’emblée :

– Avant que tu me poses la question : je n’ai pas obtenu le prêt.

– Ça valait le coup d’essayer.

– Il m’a envoyé un mail juste après pour me charger de te dire que nous n’avions plus rien à voir avec l’affaire Appollis.

– Je m’y attendais.

Fish entend la Honda démarrer. Le pot rugit. Il pivote vers l’entrée du parking.

– Où tu es ? Sur la plage ?

– À Mitchell’s Plain. Un petit endroit curieux avec une piscine. (La Honda roule vers lui au ralenti.) Je vais avoir de la compagnie, apparemment.

– Tout va bien ?

– Pas de problème.

La Honda s’arrête à une cinquantaine de mètres. À l’intérieur, les deux jeunes gars sont invisibles derrière le pare-brise teinté. Fish sent dans ses pieds les vibrations sourdes d’une musique techno.

– Rends-moi un service vite fait, dit-il à Vicki. Tu peux vérifier si un certain Willy Cotton a un compte Facebook ?

– Fish, je ne…

– Il a peut-être indiqué son adresse. Les gamins sont assez bêtes de ce côté-là. Je…

– Fish, c’est pour ça que tu as un ordi. Pour pouvoir t’en servir.

– Il est chez moi.

La Honda avance de vingt mètres.

– Faut que je te laisse, dit Fish et il coupe la communication.

Il reste planté là, à se demander s’il va y avoir une fusillade.

La Honda s’arrête de nouveau, le conducteur se penche par la vitre et lance :

– Comment va, bru

Fish plisse les paupières : c’est un type au visage anguleux et aux yeux enfoncés, avec des pommettes et un menton saillants. Il répond d’un hochement de tête.

– Hé, bru, ek sê, t’es venu faire tes courses ?

Fish hausse les épaules.

– Possible.

Ils s’affrontent du regard, jusqu’à ce que le type éclate de rire.

– Tu es un fumeur, toi, ça se voit.

– Tu crois ?

– Je le vois, bru. Je vois aussi que tu es cool. (Le moteur continue à gronder, le conducteur avance encore de deux ou trois mètres.) On a des trucs à vendre, bru. Viens jeter un œil.

La portière du passager s’ouvre et un petit gars maigrelet jaillit de la voiture.

– Viens jeter un œil, bru. (Il remonte son jean et s’éloigne de quelques pas en se dandinant pour cracher.) Viens jeter un œil.

Il fait signe à Fish d’approcher.

Fish glisse son portable dans sa poche et marche vers eux. Sur la banquette arrière, il y a deux sacs-poubelle. Les gars lui adressent un large sourire.

– Y en a encore un autre dans le coffre, précise le maigrelet. C’est ce qu’on appelle de la qualité supérieure, des herbes de Durbs, ek sê. (Il ouvre un sac.) Si tu me crois pas, regarde par toi-même.

Fish se penche à l’intérieur et ouvre une tête. C’est de la bonne came, du rooibard, avec les poils rouges collants sur le dessus.

– Tu vois, je te l’avais dit, bru. Notre beu, y a pas mieux.

– Si tu es acheteur, tu trouveras ton bonheur.

Le conducteur est fier de son slogan, lui aussi.

– OK, dit Fish. Combien ?

– Cinq cents le sac, bru. Prix d’ami.

Fish sort trois billets de cent rands de sa poche.

– C’est tout ce que j’ai.

Il les brandit, en éventail.

– Agga, non, bru, dit le maigrelet. Trois cents, c’est pas assez. Tu trouveras pas mieux. Cinq cents, ça défie toute concurrence. C’est donné.

– Trois cents, dit Fish en agitant les billets.

– C’est du vol qualifié, dit le conducteur. Tu retires le pain et le beurre de la bouche de nos enfants.

– Trois cents.

Le maigrelet et le conducteur regardent Fish, ils regardent l’argent, jusqu’à ce que le conducteur fasse tomber un sac de la banquette arrière.

Fish se dit que ces types ne sont pas des dealers, impossible ; ils ont fauché cette herbe et ils veulent s’en débarrasser vite fait.

– OK, bru, dit le maigrelet en arrachant les billets à Fish. Mais t’es un voleur.

– Hé, rétorque Fish, c’est trois cents rands tout bénef pour vous. Ce qui fait de nous trois voleurs.

Il les regarde partir et attend que la voiture ait disparu avant de ramasser le sac. Une sacrée affaire. S’il répartit toute cette herbe dans des sachets, il pourrait se faire quatre mille, peut-être même cinq mille rands.

Au moment où il s’apprête à repartir, son portable sonne : Vicki.

– Qu’est-ce qu’il y avait de si urgent pour que tu me plantes comme ça ?

– Désolé, Vics, dit Fish en riant. J’ai eu un petit problème. Avec des gamins, tu vois…

– Non. Mais le problème est réglé, je suppose ?

– Oh, oui.

– Alors, écoute bien ce que ta secrétaire particulière a pour toi : le numéro de portable de Willy Cotton, son adresse mail, un tas de photos, dont certaines avec Fortune Appollis. Et les cours auxquels il est inscrit. Tu veux que je trouve son emploi du temps aussi ?

– Tu ferais ça ? Merci, Vics.

Silence.

– Je passe une sale journée, Fish. N’en rajoute pas. Si tu veux des tirages de tout ça, passe les chercher.

Elle coupe la communication.

Fish sourit.