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Daro observe le paquet posé sur son bureau. Il ne l’a pas ouvert.

Adler Solutions.

Il y a une adresse en ville. Suite 12, quinzième étage d’un immeuble de Long Street, et un numéro de téléphone.

Daro sait que s’il appelle, on lui indiquera qu’il s’est trompé de numéro. Et s’il se déplace, il tombera sur les bureaux d’un consultant en management ou d’un agent de transit, tout sauf une société baptisée Adler Solutions.

Il repousse le reste de croissant. Il a une sensation de nausée. Finalement, il prend le paquet et arrache l’emballage plastifié. À l’intérieur, il y a une petite boite enveloppée de papier kraft. Une boîte comme celle qu’utiliserait un bijoutier pour présenter un solitaire. Une carte de visite Adler Solutions est scotchée dessus. Même adresse, même numéro de téléphone. Le genre de cartes que l’on peut faire fabriquer instantanément dans n’importe quel centre commercial.

Daro arrache la carte et déchire le papier kraft. Il découvre une boîte noire avec un couvercle. Et un minuscule fermoir en cuivre. Quelqu’un ne manque pas de style.

Il soulève le couvercle. Sur un lit de coton rouge repose une balle.

Daro la pince entre le pouce et l’index de sa main droite et la dépose dans la paume de sa main gauche. Elle ne pèse presque rien.

Une balle de .22 long rifle. Pas un gros calibre : le cuivre et le plomb ne font pas plus de quinze millimètres. Ce n’est pas une balle impressionnante. Elle est petite, insignifiante, mais si vous lui en laissez l’occasion, elle causera la mort et des dégâts à la vitesse de trois cent trente mètres par seconde.

Daro ne connaît pas tous les détails, cependant.

Il ignore, par exemple, qu’en 1887, à Chicopee Falls, dans le Massachusetts, la J. Stevens Arms & Tool Company a commencé à fabriquer ces balles, et aujourd’hui, elles sont très appréciées dans le monde entier : parfaites pour tirer sur des cibles, pour chasser les animaux nuisibles ou pour les tueurs à gages. Peu bruyantes. Avec un silencieux, on entend juste un petit pop.

Autre avantage : cette munition marche aussi bien avec les fusils que les pistolets. Ce qui est trompeur, c’est son aspect inoffensif. 2,6 grammes de plomb seulement, mais si vous atteignez votre cible au bon endroit, on n’en parle plus.

Un exemple parmi d’autres : un photographe qui couvrait les guerres des townships au début des années quatre-vingt-dix a reçu une balle de .22 long rifle tirée par les forces de maintien de la paix. Dans la poitrine. Un petit trou, invisible s’il n’avait pas laissé échapper une larme de sang. Cependant, à l’intérieur, la balle avait batifolé dans la cage thoracique, broyant le cœur et les poumons. Fin de l’histoire.

Mais Daro ne se dit pas que cette balle posée dans sa paume est un exemplaire parmi des millions d’autres, un peu ternie, dont les hachures sur la pointe ont laissé quelques aspérités. À l’exception des hachures, une balle ordinaire. Que l’on peut acheter dans n’importe quelle armurerie, par boîtes entières.

Elle est peut-être très répandue, mais elle accélère les battements de cœur de Daro. Il a la bouche sèche, les aisselles trempées de sueur. Il s’oblige à rester assis, en serrant la balle dans son poing.

La question qu’il se pose à cet instant est : qui a fait les entailles ? Il pense aussitôt à Mart Velaze. Sauf que Mart Velaze est un messager. Par conséquent, décide Daro, il va le charger de transmettre un message. Tout un dossier, plus précisément.