CYNTHIA FLEURY
Ci-gît l’amer
Guérir du ressentiment
La philosophie politique et la psychanalyse ont en partage un problème essentiel à la vie des hommes et des sociétés, ce mécontentement sourd qui gangrène leur existence. Certes, l’objet de l’analyse reste la quête des origines, la compréhension de l’être intime, de ses manquements, de ses troubles et de ses désirs. Seulement il existe ce moment où savoir ne suffit pas à guérir, à calmer, à apaiser. Pour cela, il faut dépasser la peine, la colère, le deuil, le renoncement et, de façon plus exemplaire, le ressentiment, cette amertume qui peut avoir notre peau alors même que nous pourrions découvrir son goût subtil et libérateur. L’aventure démocratique propose elle aussi la confrontation avec la rumination victimaire. La question du bon gouvernement peut s’effacer devant celle-ci : que faire, à quelque niveau que ce soit, institutionnel ou non, pour que cette entité démocratique sache endiguer la pulsion ressentimiste, la seule à pouvoir menacer sa durabilité ? Nous voilà, individus et État de droit, devant un même défi : diagnostiquer le ressentiment, sa force sombre, et résister à la tentation d’en faire le moteur des histoires individuelles et collectives.
Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste, est professeur titulaire de la chaire « Humanités et Santé » au Conservatoire national des arts et métiers. Titulaire de la chaire de « Philosophie à l’Hôpital » du GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences, elle poursuit ici son travail autour de l’individuation et de l’État de droit, entamé avec Les pathologies de la démocratie, La fin du courage, Les irremplaçables et Le soin est un humanisme.