CLYMÈNE


COMÉDIE

Clymène est moins une comédie qu’un poème dialogué : Apollon, dieu de la poésie, s’adresse aux neuf Muses et se plaint

De ne voir presque plus de bons vers sur l’Amour.

À partir de là, La Fontaine brode une suite de « dialogues philosophiques » autour de l’amour, dans lesquels il n’hésite pas, sous son nom de Parnasse (Acante), à se mettre lui-même en scène et en cause :

Sire, Acante est un homme inégal à tel point,

Que d’un moment à l’autre on ne le connaît point ;

Inégal en amour, en plaisir, en affaire…

Le chantre de l’amour se révèle pour la première fois dans sa complexité, avec ses interrogations ; il paraît plus attiré par l’amitié amoureuse que par la passion.

Mais à ce « marivaudage » avant la lettre, La Fontaine, inquiet du vieillissement de l’art de la poésie, mêle subrepticement ses « théories » littéraires et aborde la question de l’« imitation » qu’il pratiquera toute sa vie. Enfin il termine en forme de petit conte moral, cette Clymène où certains biographes ont cru trouver, transposés, des épisodes d’une histoire galante que La Fontaine aurait vécue, à Château-Thierry, avec Mme Rousselet, femme du lieutenant du roi.

On date généralement cette œuvre de 1658, d’après Mathieu Marais, premier biographe de La Fontaine. Le poète ne la publie qu’une seule fois, en 1671, dans la troisième partie des Contes et nouvelles en vers, en la faisant précéder de cette note :

Il semblera d’abord au lecteur que la comédie que j’ajoute ici n’est pas en son lieu, mais s’il veut la lire jusqu’à la fin, il y trouvera un récit, non tout à fait tel que ceux de mes contes, et aussi qui ne s’en éloigne pas tout à fait. Il n’y a aucune distribution de scènes, la chose n’étant pas faite pour être représentée…

Étrange et inclassable texte, en vérité, qui commence comme une « comédie » pour se terminer par un récit. La Fontaine semble bien se complaire dans ce mélange des genres dont il amplifiera le principe dans Le Songe de Vaux, puis surtout dans Les Amours de Psyché et de Cupidon.