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PRÉLIMINAIRES
« Ce jour-là, je suis parti à la plage, avec les enfants et avec l’intention de ramener du bon poisson. Je suis donc parti et me suis éloigné à deux ou trois cents mètres de la plage. J’avais déjà fait quelques prises, il devait être à peu près deux heures et demie de l’après-midi. Vous raconter exactement ce qui s’est produit, je ne peux pas vous le dire, car c’est un épisode qui s’est effacé définitivement de ma mémoire. Tous les efforts que je fais pour m’en rappeler sont inutiles : je ne m’en souviens pas.
Tout ce que je sais, c’est que, ce qui arrive après un accident – maintenant je parle avec le recul –, c’est quelque chose d’assez traumatisant dans les souvenirs parce que la première chose dont je me souvienne brièvement, c’est de voir un chariot et des gens qui crient dans les couloirs, des femmes qui courent, qui demandent des bocaux, etc.
Et, premier gros choc, c’est de me voir, allongé sur le lit. Alors, première question, on se demande pourquoi ils font ça. Je ne suis pas là, je suis ici : on est très étonné de se voir.
Et je me dis : “Si je me vois, qu’est-ce qui voit celui qui est là, sur le lit ?” puisque je suis sûr de ne pas être sur le lit. Et c’est l’affolement. Je vois les gens qui m’amènent au bloc opératoire, les électrochocs que l’on plaçait sur ma poitrine, je voyais mon corps rebondir.
Question : Combien y a t il eu d’électrochocs ?
Réponse : Deux ou trois, je voyais mon corps rebondir plusieurs fois sur… Et à un certain moment je commençais à paniquer, en fait celui qui observait commençait à paniquer. Et j’ai voulu dire aux gens : “Mais arrêtez de faire n’importe quoi, puisque je suis bien, regardez-moi, là !” Et, deuxième fait troublant, lorsque j’essaie de frapper des gens pour leur dire que je suis là, ma main, c’est comme si elle n’existait pas : elle passe au travers des gens. Alors, il y a un truc qu’on ne comprend pas. On se dit : “Ho, qu’est-ce qui se passe, moi, je les entends bien, je les vois et je peux les appeler, pourquoi est-ce qu’ils ne m’entendent pas ?”
Et puis, après les électrochocs, j’ai vu ce qu’ils ont fait dans mon visage, ce qu’ils ont fait à l’épaule. J’ai vu, je revois ce chirurgien, je ne sais plus comment il s’appelait, avec des lunettes, en train de me coudre l’épaule.
“Eh – j’étais très perdu, très paniqué –, pourquoi il me coud puisque je suis bien où je suis ?” Et puis… je crois que j’ai quitté la salle, et brutalement, j’ai été aspiré ailleurs.
La première grosse sensation qu’il y a, lorsque tu sors de la salle d’opération, c’est d’entendre les gens qui disent : “C’est désespéré, il est en phase deux”, et j’ai compris qu’ils parlaient du coma. “C’est pas possible !”
Ils mettent des perfusions, ils mettent plein de trucs. J’entends : “Amenez-le en réa, tout ce qu’il reste à faire, c’est attendre.” Et je les vois sortir vers la réa. Et là je me quitte, c’est la première fois que je n’ai pas suivi mon corps. J’ai été aspiré, comme dans une spirale, je ne peux pas vous expliquer ce que c’est que cette spirale, c’est comme un tuyau noir, comme si vous étiez aspiré brutalement, c’est comme un courant d’air qui vous aspire… et… vous perdez conscience une deuxième fois. Vous êtes réactivé de l’autre côté. La première chose qui te frappe quand tu es réactivé de l’autre côté c’est… la lumière.
Vous savez, j’en parle, mais les souvenirs que tu as de ces choses-là, tu peux chercher tout le restant de ta vie, tu ne les retrouveras jamais. C’est très beau, c’est… Il n’y a cela nulle part sur Terre, c’est… Tu as envie de rentrer dedans, et entre-temps, juste avant la lumière, moi je ne sais pas si ce sont des souvenirs ou si ce sont des choses que j’ai vécues, qui étaient très profondément ancrées dans ma conscience, c’est dans cette lumière, c’est… ce n’est pas comme la lumière du soleil qui t’aveugle, qui te brûle, c’est tellement plus éclatant, mais ça ne t’éblouit pas. Avant d’y arriver, j’ai rencontré ma grand-mère, qui est morte, déjà partie avec mon grand-père, ils étaient de l’autre côté d’une rivière. Et ce qu’il y a de formidable, c’est que lorsque tu te rapproches de la lumière, c’est pas toi qui te rapproches, c’est elle qui t’aspire. Vous voyez ce que vous ressentez lorsque vous êtes en orgasme ou quelque chose comme ça, dans quel état vous êtes, eh bien, ce n’est rien à côté, c’est de la gnognotte. Si, je crois, on devait donner une définition de quelque chose comme le bonheur, la paix, je crois que c’est ça. Vous n’avez pas envie de revenir, et quand tu rentres, quand ce truc s’approche de toi, je ne sais pas, tu t’en fous de savoir ce que tu es, si tu es vraiment quelque chose, si tu es absorbé dedans, après c’est… c’est vraiment très personnel ce que je vais dire. Et cela me coûte… parce que vous êtes dans cette sphère lumineuse, pleine d’amour, pleine de paix, de tranquillité, et c’est comme si quelque chose de lié à la Terre te réaspirait, au contraire. C’est comme un va-et-vient, c’est-à-dire vers la lumière et vers ton corps. Mais une chose est sûre, quand tu te rapproches de ton corps, tu sens tout de suite la différence, c’est comme si tu sortais d’un endroit bien et que tu te retrouves brutalement dans une discothèque où les gens sont fureur, ils sont… C’est-à-dire, les couleurs changent, vous savez, vous me demandez de mettre avec des mots quelque chose où il n’y a pas de mots. Et, vous le voyez bien, je suis revenu, puisque je suis là, vous ne pouvez plus être comme avant, ce n’est pas possible. Même si tu reviens… moi j’étais un gars très bagarreur, caïd, macho. Dieu, c’était des conneries pour moi, ça. Je ne croyais en rien ! C’est comme si c’était une claque que la vie te donne.
Tu ne peux pas vivre comme un ingrat, ce n’est pas possible. Mais ce qui est plus dur, c’est qu’il faut vivre dans ce monde de merde. (Silence et larmes difficilement ravalées.) Ce truc, il est en toi, c’est comme si tu vivais une deuxième vie, on t’oblige à vivre dans l’enfer. Tu essaies de parler aux gens avec ton cœur, avec tes mains, mais ils ne comprennent pas.
(… Larmes.) Vous savez, depuis que je suis revenu, la vie n’a plus jamais été pareille.
J’ai d’abord rencontré celle qui devait être ma fille, quand j’étais là-haut. Elle est décédée maintenant, il y a deux ans, à l’âge de deux ans. Et, je ne sais pas si c’est du fait de l’accident ou quoi, il m’arrivait des fois de pouvoir connaître ces mêmes états en sa compagnie. C’est vrai, depuis les choses n’ont plus été comme avant : j’ai divorcé, j’ai été séparé de mes autres relations parce que ma vie spirituelle est quelque chose de vital. Je crois que nous vivons tous temporairement dans une enveloppe, très serrée, trop petite, et à l’intérieur il y a une âme merveilleuse, lumineuse, pleine d’amour, quelque chose qui vient de l’éternité. Quelque chose qui a suffisamment d’humilité pour s’incarner dans la matière. C’est ce quelque chose qui te fait obligatoirement retrouver ces émotions. Moi c’est le souvenir, cela n’a rien à voir avec les lectures, je ne connaissais rien de toutes ces choses-là. Et puis après, j’ai essayé de comprendre. Alors tu te mets forcément à en parler, mais les gens, quand ils t’entendent, ils pensent que c’est le choc sur la tête, ils te croient devenu fou, que cela t’a laissé des traumatismes, que tu dérapes. Ils voient bien que tu as changé, que tu n’es plus le même. Et ils disent : “Il n’a plus toute sa tête.”
Alors forcément, quelque chose t’appelle : tu rentres dans une voie spirituelle.
Encore qu’en fait, c’est toi-même qui t’y conduis, c’est comme cette chose qui t’aspire dans le tunnel, tu te laisses aspirer, et comme tu n’as pas perdu le contact, par la méditation, par d’autres choses que tu découvres, tu vois qu’il y a une autre vie, qu’après la vie, tu meurs. La vie, c’est après la vie.
La vie, ce n’est pas maintenant. La vie maintenant vous permet d’avoir des expériences, d’engrammer dans cette chose subtile des souvenirs qui vont t’aider à comprendre plus tard. Et plus vous allez comprendre, plus vous allez croire comprendre, plus vous allez vous rendre compte qu’il va falloir vous taire. C’est dans le silence qu’il y a le plus de… connaissance, le plus d’instruction. Parler c’est fait pour les intellectuels, c’est fait pour les savants, tous ceux qui lisent en fait. Comme si la vie spirituelle était quelque chose qu’on t’apprend pour réciter après. C’est impossible, tu ne peux pas commander tes sentiments, commander tes émotions. Tu ne peux pas commander tout ce qui appartient à ton corps. Ton corps et… enfin ce qu’il y a l’intérieur du corps : tu ne peux pas le commander.
Tu peux commander tes bras, tu peux commander tes jambes, mais le reste ! Sauf, bien sûr, si tu as réussi à acquérir ce que l’on dit, par connaissance, des initiations, j’en sais rien.
J’essaie de vivre avec le plus d’innocence possible, de partager avec ceux qui, je pense, peuvent comprendre. J’ai déjà rencontré tellement de blocages. Les gens, j’ai l’impression, c’est comme s’ils ont envie d’entendre un film. Ils ont soif de merveilleux, mais ils n’ont pas envie de le vivre. “Allez, raconte-moi tes trucs”, qu’ils disent : “Tu as un truc…” Je n’ai rien du tout, j’ai simplement appris alors que j’étais dans le coma à utiliser ma force mentale, ma pensée. Parce que je ne me nourrissais pas avec mes mains, avec mes bras, ils m’ont appris comment manger de l’autre côté, c’est pour cela que je n’ai pas maigri pendant le coma.
Personne n’a compris comment je n’ai pas perdu un gramme, alors que j’étais sous perfusion, cela a duré quand même onze jours. J’aurais pu maigrir. Comment je me déplaçais, du moins deux au septième étage, personne n’a jamais rien compris. Tout ce que m’ont répondu les médecins, c’est que cela dépasse notre entendement, ce n’est pas maîtrisable.
N’empêche, j’ai pu raconter des faits qui se passaient à des endroits où je n’étais pas censé être, puisque j’étais attaché sur un lit, en réanimation. Ils ont vérifié, cela leur a paru surprenant que ce soit vrai, tout comme cela paraît surprenant à certains que je leur parle de ce qui se passe. De leur vie. Ils appellent cela le passé, c’est parce qu’ils raisonnent dans le temps, mais il n’y a pas de temps en dehors du corps. Il n’y a pas de passé. Il n’y a pas de présent, pas de futur. Il y a un présent éternel. Tu y es, c’est tout, il n’y a pas de préoccupations matérielles. C’est fini, ce que tu vis, c’est une transcendance au niveau des sentiments purs. C’est une chaleur, c’est une vibration, une couleur.
Tu te rends compte après que tu n’as jamais vraiment aimé personne, tu t’es attaché à une apparence physique, mais tu t’es attaché à des tensions et en fait tu n’as jamais vraiment aimé. Puisqu’il suffit que le support de l’amour disparaisse pour qu’il n’y ait plus d’amour. S’il n’y a plus de corps, tu ne peux plus aimer le corps. De l’autre côté, il n’y a pas de corps, tu ne peux pas aimer de corps, c’est là que tu vois si tu aimes ou si tu n’aimes pas. Tes passions, elles sont là, tes créations s’imposent à toi, c’est à toi de voir.
C’est le fruit de l’accident que j’ai eu. J’ai compris beaucoup de choses par la suite, parce que tu médites à l’intérieur.
Q. – Qu’évoque la lumière, pour vous ?
C’est d’où je reviens. C’est… La lumière à travers le cristal a des reflets déjà tellement merveilleux sur la Terre, mais de l’autre côté… et encore beaucoup plus… je ne sais pas, je ne trouve pas les mots pour le dire. Là, je m’ouvre un peu à vous, mais c’est quelque chose que je n’aime pas tellement faire. C’est une expérience formidable, mais elle est chargée de tellement d’émotions… (Larmes.) … Moi je me dis que, même si cela doit me coûter un peu, si mon expérience, ou du moins si cette expérience, parce qu’elle n’est pas plus la mienne que celle de tous les autres humains qui veulent bien écouter, si cela pouvait simplement allumer l’espoir, ou l’idée que l’on ne vit pas comme des bêtes, qu’on ne vit pas comme… dans la société, sur la Terre comme ça, et qu’après on va tirer un trait et qu’après on se reposera en attendant le retour du Christ : c’est des conneries, puisque tu meurs jamais ! La première chose qui t’arrive c’est de voir ton corps quelque part et toi de voir plein de couleurs, plein de trucs, plein de sons que tu n’as jamais entendus. Tu ne comprends plus rien. Tu es, et tu n’es pas dans ton corps ! Alors, qu’est-ce que tu es ? Si tu n’es pas ton corps, alors qu’est-ce qui entend ? Qu’est-ce qui voit, qu’est-ce qui sent, puisque tu n’as pas de corps, il est ailleurs !
Vous voyez, des années… – j’avais trente-trois ans – des années de croyances qui sont foutues en l’air en une fraction de seconde. Moi je n’ai pas vu de Christ, je n’ai pas vu d’ange, je n’ai pas vu quoi que ce soit de tout ça. Je n’ai pas vu de purgatoire, j’ai pas vu d’enfer, j’ai pas vu de péchés. J’ai simplement vu une espèce de méga lumière. Et quand je suis dedans, je suis bien, parce que je ne sais plus si c’est moi qui suis dedans où si c’est elle qui est en moi. Et puis quelle importance de le savoir ? Vous savez, on me dit, peut-être que vous allez rigoler, mais ma compagne dit que je suis un extraterrestre. Je n’ai plus envie d’expliquer, c’est tout, j’ai envie de vivre. Réellement, je n’ai pas peur de la mort parce que je crois que j’ai compris qu’en fait je ne suis jamais né. J’ai pris un bus pour faire un voyage, et puis un jour j’ai fait : “Arrêt, s’il vous plaît, je veux descendre”, puis quand je voudrai aller un peu plus loin, je prendrai un autre bus. Trop de gens croient que le bus, c’est eux. Mais nous sommes ceux qui prennent le bus, nous ne sommes pas le bus. » (P.M.)
Ce témoignage, transcrit d’une interview enregistrée (y compris les hésitations, les passages du « tu » au « vous » et les éventuelles marques d’émotion) est typique d’une expérience appelée EMI1 (Expérience de Mort Imminente). La recherche sur ces expériences se basant sur des témoignages, et uniquement sur eux, il me semble primordial de ne pas les dénaturer par une réécriture qui risquerait de supprimer des détails apparemment sans importance et dont nous verrons plus loin que certains sont au contraire primordiaux. Pour celui-ci comme pour tous ceux que vous lirez plus loin, j’ai donc conservé leur forme originelle, c’est-à-dire le texte écrit par le témoin ou son interview transcrite le plus fidèlement possible. Il y a une autre raison, aussi importante sinon plus, à conserver leur spontanéité à ces récits : les mots, les expressions utilisés sont très importants, les hésitations et les silences ne le sont pas moins. Décrire avec précision, mais de manière clinique (ou à la manière d’un rapport de police) une telle expérience, revient à lui enlever son côté humain et émotionnel. Or, pour les témoins2, cet aspect est au premier plan. Il me semble important que le lecteur puisse ressentir, autant que possible, l’émotion associée à la narration de ces expériences qui sont, à ma connaissance, parmi les plus fortes que l’on puisse vivre. Libre à lui ensuite de se faire sa propre opinion, en toute connaissance de cause.
Si vous lisez des récits de voyages dont certains insistent sur la présence de lions ou de girafes, d’autres sur la couleur noire des autochtones, sur la description du port de Dakar, de villages de cases ou de pirogues multicolores, vous en déduirez que tous leurs auteurs sont allés en Afrique, même si chacun en a ramené des souvenirs différents selon ses centres d’intérêt. Mais si l’un d’eux prétend avoir vu des Africains hilares coiffés d’une chéchia rouge et tenant une tasse à la main, vous comprendrez immédiatement qu’il s’agit d’un farfelu ayant forcé sur le Banania. Un témoignage est par essence subjectif, et cette subjectivité est, en apparence, la principale difficulté de l’étude de ces expériences. Mais si chaque récit isolé est effectivement le reflet d’une expérience personnelle, unique, et sans autre témoin que celui qui l’a vécue, c’est l’accumulation et la cohérence de ces témoignages qui procure aux EMI un début d’objectivité. Vous pourrez en juger tout au long des prochains chapitres.
Le canevas de l’expérience
L’extraordinaire similarité du déroulement des EMI, la trame commune qui s’en dégage laissent penser que toutes ces personnes ont vécu le même type d’expérience. C’est cela, ainsi que la répétition de détails perceptifs apparemment sans importance aussi bien que de concepts totalement inhabituels qui donnent leur identité à ces témoignages et en font une entité bien définie, dont je vais essayer de démontrer qu’elle peut être, à tous les niveaux ou presque, objet de science.
Puisque nous parlons de trame commune, voici tout d’abord quelques points de repère. Peu d’expériences les comportent tous, mais tous les témoins décrivent peu ou prou ces différentes étapes et rapportent les mêmes sensations :
• Impression de se trouver « hors de son corps ».
• Perception souvent détaillée, depuis un point de vue extérieur au corps, de ce qui se passe dans l’environnement (immédiat ou non) du corps physique.
• Impression d’être mort.
• Détachement émotionnel.
• Passage par un tunnel ou sensation équivalente.
• Perception d’une « lumière » n’ayant en fait qu’un très lointain rapport avec celle que nous connaissons.
• Rencontre d’un guide très souvent décrit comme un « être de lumière », de parents défunts, d’êtres divers parfois identifiés comme de grandes figures spirituelles.
• « Revue de vie », parfois instantanée, mais souvent complétée par des « zooms » sur des moments importants, le tout assez souvent supervisé par un « guide » qui ne juge pas mais au contraire fait preuve de la plus grande compréhension et très souvent d’humour. Beaucoup disent avoir revécu des moments clés de leur vie en en comprenant les tenants et aboutissants, et en étant d’une certaine manière à la fois eux-mêmes et les autres protagonistes de la scène.
• Fréquente impression d’accès à une connaissance totale, de « réponses à toutes les questions qu’on peut se poser ».
• Approche d’une lumière décrite comme extraordinairement intense mais jamais éblouissante, irradiant un amour inconditionnel qui dépasse toutes les notions humaines. Nombre de témoins ont éprouvé le désir de se fondre en elle mais ont simultanément compris que cette fusion serait définitive.
• Sensation d’un point de non-retour, d’une limite, passée laquelle il ne sera plus possible de revenir. Ce sont parfois les personnages rencontrés qui expliquent cela au témoin, lui précisant qu’il a encore des choses à faire ou à apprendre, et doit donc retourner vivre.
• Retour, souvent instantané, parfois à travers le même tunnel.
• Difficultés au retour, liées bien entendu à la nécessaire intégration d’une expérience totalement inhabituelle et déstabilisante, mais surtout à un changement de valeurs, qui prennent un sens altruiste difficilement compatible avec la vie dans notre société…
Le premier témoignage que vous venez de lire est particulièrement représentatif de tout ce déroulement, et il est d’autant plus touchant que son auteur se décrit lui-même comme un « caïd macho », ce qui ne l’empêche pas, ayant vu ses valeurs et ses croyances bouleversées, de parler amour, altruisme ou spiritualité, concepts qui n’étaient manifestement pas au sommet de ses préoccupations avant sa noyade.
Deux phases caractéristiques
Mais avant tout il est clair qu’il comporte, comme beaucoup, deux phases bien distinctes. Pour la personne qui la vit, l’expérience commence très souvent par la perception – depuis un endroit variable et généralement élevé – de son environnement immédiat et parfois éloigné, de son propre corps (qui est rarement reconnu d’emblée) et plus généralement de tout ce qui s’est passé autour de lui, y compris les dialogues et parfois même les pensées et émotions des divers protagonistes3. Cette phase est couramment appelée « expérience hors du corps » (EHC) ou phase de décorporation. Certaines EMI s’arrêtent là, la « réintégration » du corps se faisant par exemple dès la réussite de la réanimation.
Si elle se poursuit, l’EMI comporte une deuxième phase dite transcendantale, qui débute généralement par le passage dans un « tunnel » ou une structure similaire. Notre premier témoin parle par exemple d’une spirale et d’un « tuyau » noir.
La coexistence au sein d’un même récit de ces deux phases que tout oppose complique singulièrement l’approche scientifique des EMI.
Phase « transcendante »
Curieusement, la composante transcendante est assez facilement acceptée. Il est aisé de la considérer comme purement subjective, et donc comme un phénomène interne au même titre que n’importe quelle rêverie ou hallucination. Le fait qu’elle contienne des éléments d’ordre « spirituel » ne pose pas plus de problèmes, ce dernier domaine étant a priori considéré comme échappant au jugement de la science. De fait, il est tout à fait possible pour un scientifique rationaliste pur et dur de posséder une cloison étanche entre ses convictions religieuses et ses certitudes scientifiques, ce qui lui permet par exemple d’aller à la messe tous les dimanches sans trop de conflits internes… Le traditionnel clivage entre science et spiritualité rend cette dernière inoffensive.
Certains d’ailleurs pensent que toute recherche sur les EMI est par essence vaine et non souhaitable, sinon perdue d’avance, précisément du fait de leur caractère transcendant ou spirituel. Pour eux, seuls comptent leur signification et le « message » qu’elles véhiculent, et ils affirment que le reste est au-delà de ce que l’esprit humain peut concevoir et comprendre. Cette opinion est bien entendu respectable, mais elle n’est pas toujours aussi innocente qu’elle paraît : les personnes ou les groupuscules qui s’en font les hérauts sont curieusement les mêmes qui, dans leurs conférences sur le sujet, entretiennent une sournoise paranoïa sur le fait que les médecins et les scientifiques ne comprennent rien à ces expériences, que cela ne les intéresse pas. « N’attendez rien de la science, nous seuls pouvons vous comprendre et vous aider à faire passer le message que vous avez reçu »… Ces tentatives de marginalisation sont malheureusement susceptibles, à mon avis, de mener à une certaine dérive sectaire, et surtout de favoriser une « inflation » de l’ego et le sentiment d’être un élu que l’on retrouve parfois à la suite d’une EMI mal intégrée.
Crypto-mystique ou rationaliste masqué ?
Les EMI sont certainement un jalon sur la piste qui permettra un jour d’apporter un début de réponse aux questions métaphysiques que chacun se pose. Mais en attendant d’avoir quelques certitudes, chacun a ses propres opinions, souvent assez arrêtées et parfois intransigeantes. C’est ainsi que j’ai reçu, en réaction à divers articles que j’ai écrits sur ce sujet, des courriers révélateurs : quelques matérialistes « durs » et rationalistes convaincus me soupçonnent d’être un crypto-mystique qui essaie de donner une légitimité scientifique à des histoires qui pour eux ne sont que des fadaises, cependant qu’un correspondant manifestement spiritualiste était, lui, persuadé que j’étais un rationaliste masqué cherchant à appliquer des méthodes réductionnistes à la transcendance4. Il apparaît clairement en effet, quand on étudie les EMI, que certaines de leurs caractéristiques coïncident avec des observations ou des concepts appartenant parfois depuis des millénaires à des traditions mystiques ou spirituelles. Mais il ne faut pas confondre la carte avec le territoire, ni les étiquettes avec la réalité. Quand je reçois un courrier condescendant m’expliquant que les gens qui ont revu leur vie et certains événements particuliers lors de leur expérience ont eu, tout simplement, accès aux « archives akashiques » et que tout le monde ou presque devrait savoir ça, je me retiens de demander s’il faut une carte de BU (Bibliothèque Universelle) pour y accéder et s’ils font des photocopies… Cette utilisation de concepts appartenant à un système métaphysique particulier, issus la plupart du temps de cultures différentes de la nôtre, et donc obligatoirement appauvris et pervertis par cette appropriation occidentale, est loin de me satisfaire. Il est par exemple évident que les moines tibétains ont vécu et exploré des expériences du même ordre que celles que nous tentons d’approfondir. Rien de plus normal donc que leur tradition ait incorporé et nommé ces expériences dans un cadre cohérent avec leur culture et leurs croyances. Les correspondances entre les descriptions concernant le Bardo (état intermédiaire) de la mort que l’on retrouve dans le bouddhisme tibétain et les témoignages d’EMI sont particulièrement intéressantes, et une étude faisant un parallèle entre le Livre des Morts tibétain (Bardo Thödol, trad. 1977) et les EMI demanderait plusieurs centaines de pages. Cela permet de confirmer que ce type d’expérience est vieux comme le monde et existe dans toutes les cultures, mais nommer une expérience ou lui mettre une étiquette ne suffit pas. Cela n’apporte pas grand-chose à la connaissance que nous en avons, et risque au contraire de nous enfermer dans une conception trop étroite.
Les sciences humaines : de multiples angles de recherche
Il est vrai que si nous voulons comprendre quelque chose à ces expériences vues sous leur aspect transcendant, nous manquons cruellement d’outils et de concepts adaptés. Les seuls domaines qui ne soient pas trop défavorisés sont essentiellement regroupés dans les sciences humaines.
Les EMI ont en effet un certain nombre de points communs avec la plupart des croyances mystiques ou religieuses dans lesquelles l’humanité baigne depuis ses débuts. Les notions de Divin, de transcendance, d’immortalité de l’âme et parfois de réincarnation apparaissent fréquemment dans les témoignages. Pour les scientifiques qui les étudient, ces concepts et bien d’autres se retrouvent dans de nombreuses traditions, qui elles-mêmes reposent très probablement sur des expériences vécues soit par des personnes devenues prophètes à cette occasion, soit par les mystiques locaux, moines ou shamans, le tout au sein de cultures diverses. Ces expériences s’inscrivaient donc le plus souvent dans un contexte de croyances préalables qui influençaient fortement leur interprétation, rendant ardue toute tentative d’étude objective.
Les EMI touchent à tous ces sujets, mais elles présentent plusieurs différences. Elles sont en effet beaucoup plus nombreuses que les expériences ponctuelles vécues par des moines perdus dans des monastères ou des ermitages. N’étant la conséquence d’aucune recherche ni le résultat de pratiques particulières, elles sont aussi et surtout spontanées, et sont pratiquement indépendantes de la culture et surtout de la religion de ceux qui les ont vécues5. Elles sont donc beaucoup moins « teintées » par des croyances ou expectatives préalables.
Pour les anthropologues qui s’intéressent aux traditions initiatiques et aux concepts métaphysiques qui sont aussi nombreux qu’il y a de groupes ethniques, les EMI représentent donc une occasion exceptionnelle d’étudier ces concepts à l’état « natif », à partir de témoignages actuels et en perpétuel renouvellement. Concernant un sujet encore tabou ou difficilement pris au sérieux dans certains milieux, l’anthropologie possède aussi un avantage certain sur d’autres domaines de recherche : les EMI ne sont pas plus loufoques ou bizarres que les expériences décrites par les adeptes de telle ou telle tradition, et comme il est parfaitement licite pour les anthropologues de se pencher sur ces dernières, ils ont en bonus l’assurance de garder la considération de leurs pairs, ce qui n’est pas négligeable dans le milieu universitaire…
C’est précisément une anthropologue, Évelyne-Sarah Mercier, qui a fondé l’association IANDS-France, au sein de laquelle ont été recueillis la majorité des témoignages que vous pourrez lire. Elle a publié de nombreux articles et ouvrages sur la question (Mercier 1993 à 2002). Internationalement reconnue, elle est l’initiatrice d’une véritable recherche pluridisciplinaire dont les premiers résultats ont été publiés dans l’ouvrage collectif La Mort transfigurée6 (Mercier 1992).
L’attitude des médias
Pour le grand public, les spécialistes qui passent leur vie à soigner les dysfonctionnements et défauts de câblage de l’esprit humain et les souffrances qui en découlent ont tendance à classer les EMI dans la catégorie « hallucinations », ce qui évite de perdre du temps et résout le problème en un tour de main. Récemment, une de ces émissions télévisées mélangeant tout ce qui fait vendre des écrans publicitaires sous le vocable accrocheur de « paranormal » avait invité, dans le rôle de l’expert qui a le dernier mot, un psychiatre honorablement reconnu pour sa croisade (difficile, mais nécessaire) contre les sectes. Après une salutaire démolition en règle des habituelles petites escroqueries dont le besoin de surnaturel et la peur sont pourvoyeuses, vient le sujet sur les EMI… Le psychiatre est ennuyé : il est invité en tant que scientifique « raisonnable », mais il a lui-même, lors de la pratique d’arts martiaux, vécu une telle expérience. Il aurait pu reconnaître, avec l’humilité et la curiosité qui devraient faire partie du bagage de tout scientifique, que l’on ne sait pas tout, loin de là, et que ces expériences posent des questions pour l’instant sans réponse. Mais il n’est pas là pour cela, et il préfère banaliser le sujet, déclarant : « Et alors ? Ces expériences, il y en a deux cents tous les jours dans les hôpitaux de France… C’est d’une banalité à pleurer ! » Et il explique, comme l’un des médecins précédemment interviewés sur le sujet, qu’un cerveau en état de choc peut s’abreuver d’hallucinations, enlevant tout intérêt à la question.
Il est toujours plus intéressant, sur le plan de l’audience7, de mettre face à face des invités ayant des opinions radicales et évidemment opposées que de susciter un débat pondéré et constructif. Si cette anecdote est un bon exemple de la vision fausse que certains médias commerciaux donnent de l’attitude et de l’intérêt de la communauté scientifique vis-à-vis des EMI, la réalité est beaucoup plus nuancée : depuis que j’ai commencé l’exploration des ces expériences, j’ai pu rencontrer de nombreux médecins et scientifiques « durs ». Se basant sur des émissions grand public ou sur des ouvrages de vulgarisation, ils n’avaient généralement qu’une connaissance superficielle du sujet et étaient plutôt sceptiques sur l’intérêt que méritaient ces expériences. Cependant, une fois suffisamment informés, la plupart admettent sans réserve la réalité de l’existence des EMI, et surtout, devant les nombreuses questions qu’elles suscitent, tous reconnaissent la nécessité d’une recherche approfondie.
Tabou ou savonnette ?
La vision paranoïde que donnent certains ouvrages sur le sujet, laissant entendre que la communauté scientifique dans sa quasi-intégralité dédaigne les EMI, est totalement fausse. Il n’y a aucun mépris, mais une méconnaissance certaine due à un manque d’information sérieuse et approfondie. Cependant, il faut bien reconnaître qu’il s’agit d’un sujet qui est loin d’être neutre, dans la mesure où il touche au débat toujours sulfureux sur les rapports entre « esprit » et matière, et montrer ouvertement son intérêt est encore risqué pour un scientifique institutionnel ou universitaire. Il m’est arrivé de me trouver autour d’une table avec d’autres médecins dont je savais, pour en avoir discuté avec chacun individuellement, que tous étaient intéressés sinon intrigués. Cela n’a pas empêché un silence gêné de s’installer quand j’ai voulu lancer une discussion sur les EMI, chacun craignant de voir entamer – sinon définitivement griller – sa réputation de sérieux par un débat sur un tel sujet…
Où sont les clés ?
On ne peut en vouloir à la communauté scientifique d’avoir du mal à aborder ces expériences, dans la mesure où leur complexité – qui en fait la richesse – n’a jamais permis de les classer dans un domaine particulier, qu’il soit philosophique, théologique, métaphysique, médical, neurologique, psychologique, psychiatrique, physique ou tout autre. Il est aujourd’hui manifeste que toute réflexion, et bien sûr toute recherche menée dans un cadre particulier, ne peut être que réductrice. À ce jour, aucune tentative d’analyse n’a été capable d’en donner les clés8, et si la science a du mal à les appréhender, nous pouvons légitimement en déduire que c’est bien parce qu’elles représentent quelque chose de totalement nouveau sous son regard.
Du côté des sciences de l’esprit donc, un certain nombre de psychiatres, psychologues et psychanalystes font œuvre utile. Si certains mènent une recherche et explorent les EMI et le contexte de leur survenue dans le cadre de leur spécialité, la plupart essaient avant tout dans la mesure de leurs moyens d’aider les témoins à intégrer leur expérience, ce qui en général n’est pas une mince affaire ! Quelques-uns ont tenté de creuser le dossier et étudié les témoignages en profondeur, même si certains analystes tendent à interpréter les EMI en fonction de concepts propres à leur école de pensée.
De nombreux philosophes s’intéressent à ce sujet, j’en ai pour preuve des échanges réguliers, en particulier avec des chercheurs spécialisés en philosophie des sciences qui sont à mon avis très bien placés pour faire un lien entre les aspects métaphysiques et les promesses scientifiques de cette exploration.
Le point commun à toutes ces voies de réflexion est qu’elles s’attachent essentiellement aux aspects psychologiques, métaphysiques ou transcendants de ces expériences. Selon l’angle d’approche et le degré de détails pris en compte, ces dernières peuvent en effet être découpées et interprétées en fonction de grilles très diverses.
L’aspect transcendant des EMI, quand il existe, est souvent mis au premier plan, aussi bien par les médias que par les témoins. Pour les premiers, ses implications métaphysiques concernant une éventuelle survie ou « vie après la mort » sont un excellent sujet de polémique, et pour les témoins c’est effectivement lui qui a bouleversé leurs conceptions et souvent leur vie, par son contenu et la prégnance de son vécu. Pour les chercheurs, malgré sa profonde étrangeté, il est constant et cohérent d’un témoignage à l’autre, et est de plus quasiment indépendant de tout présupposé (religieux ou autre) antérieur, ce qui laisse supposer qu’il s’agit de bien plus qu’une simple expérience hallucinatoire.
L’expérience « hors du corps »
À l’opposé de la phase transcendantale qui est baignée d’un sentiment d’amour inoubliable, durant l’expérience hors du corps (que j’appellerai désormais EHC) les témoins rapportent fréquemment un détachement qui peut sembler paradoxal, concernant aussi bien leur vie terrestre que leur sentiment d’être mort. Or la charge émotionnelle d’un souvenir conditionne largement l’importance qui lui est donnée. Le fait de se retrouver conscient hors de son propre corps lors de cette phase semble peu de chose par rapport au reste de l’expérience, et de fait la décorporation est fréquemment considérée comme anecdotique.
Mon premier souvenir à ce sujet est celui d’une rumeur qui courait dans les couloirs de l’hôpital où j’étais externe : une patiente aurait assisté à son intervention depuis le plafond du bloc, et en aurait raconté au chirurgien les moindres détails. Ce genre d’histoires n’était pas rare, mais personne ne les prenait vraiment au sérieux, préférant envisager avec une gourmandise certaine que cela puisse arriver à certain chirurgien que tout le monde adorait mais qui avait l’habitude de détendre l’atmosphère du bloc en racontant des histoires souvent drôles mais rarement très délicates…
La manière nécessairement synthétique dont le sujet est parfois traité contribue largement à minimiser l’importance de cette phase. J’ai le souvenir du tournage d’un sujet sur les EMI pour une émission de vulgarisation scientifique, mené par un journaliste manifestement intéressé et bien documenté. Je lui avais parlé de nombreux témoignages dans lesquels une perception objective de détails inconnus du témoin avait pu être vérifiée, et lui avais proposé de lui faire rencontrer les personnes concernées, ce qui, bizarrement, ne semblait pas le remplir d’enthousiasme. En revanche, tout en enregistrant consciencieusement mes déclarations, il insistait pour que je lui parle d’un certain cas9 (largement médiatisé quelques années auparavant, il est vrai) datant de la préhistoire des EMI, m’expliquant qu’il avait de la « documentation » sur le sujet. Plus intéressé par des faits similaires et nettement plus détaillés vécus par les témoins que j’avais pu rencontrer que par une histoire survenue aux USA dix ans auparavant, je finis néanmoins par raconter devant la caméra l’épisode qu’il voulait entendre, dont je me souvenais vaguement.
C’est en voyant l’émission que j’ai compris que la nécessité d’opposer des opinions tranchées avait encore frappé. Le sujet était bien présenté et honnêtement développé, le commentaire insistait sur la nécessité d’une étude scientifique des EMI, mais le montage laissait entendre que le cas de Maria était unique et contestable.
Le dernier mot était en effet donné à l’inévitable rationaliste de service qui expliqua, montrant une photo de la façade de l’hôpital, que la chaussure – si elle avait bien existé… – était visible aussi bien de l’extérieur que d’une fenêtre, ce qui pour lui ôtait toute crédibilité à cette histoire. Il est toujours possible de demander des « preuves » incontestables : si la chaussure s’était trouvée sur le toit de l’hôpital elle aurait été visible depuis un hélicoptère, ce que notre sceptique n’aurait pas manqué de faire remarquer…
Si l’on suit ce raisonnement, qui implique soit que les témoins ont menti, consciemment ou non, soit ont été abusés par leur inconscient, pratiquement aucun témoignage n’est recevable. Dans la plupart des cas, les détails décrits (personnes, objets, appareils, scènes et dialogues divers) dans un lieu éloigné ou à l’endroit même où se trouve le témoin, sont visibles et audibles par tous.
Sauf bien entendu pour ce dernier qui, par définition totalement inconscient, est le premier surpris de ce qui s’est passé.
Une « explication » psychologique ?
Nous verrons tout au long des chapitres suivants que la décorporation est loin d’être anecdotique. Dans la mesure où, en sus de détails inconnus du témoin au préalable, elle comporte très souvent des particularités perceptives précises, elle est au contraire primordiale dans l’optique d’une recherche scientifique.
Envisager un mécanisme psychologique susceptible d’expliquer la création de l’expérience par un cerveau souffrant nécessite soit d’oublier totalement ce dernier aspect de l’expérience, soit, ainsi que nous venons de le voir, de le considérer négligemment comme le résultat d’une réalité de secours hallucinatoire construite à partir de la mémoire et de bribes de perceptions. Cette théorie est défendue par la psychologue Susan Blackmore (Blackmore 1991, 1992, 1993), qui a beaucoup travaillé sur le sujet. Elle est devenue une référence pour les « sceptiques » et pour ceux qui ne veulent pas prendre ce sujet au sérieux. Voici un extrait représentatif des thèses qu’elle soutient10, que j’ai traduit d’un article paru dans le Skeptical Inquirer (1991) :
« Comme le tunnel, les EHC ne sont pas confinées à l’approche de la mort. Elles surviennent aussi durant la relaxation, l’endormissement, la méditation, l’épilepsie et la migraine. Elles peuvent aussi, au moins pour quelques personnes, être déclenchées volontairement. Je m’y suis intéressée car j’ai vécu moi-même une longue et impressionnante expérience11.
Il est nécessaire de garder présent à l’esprit que ces expériences semblent plutôt réelles. Elles ne sont pas décrites comme des rêves ou des fantasmes, mais comme des événements qui sont réellement arrivés. Je suppose que c’est pour cette raison que l’on cherche des explications en termes d’autres corps ou d’autres mondes.
Cependant, nous avons vu comment les théories de projection astrale ou de revécu de la naissance collent mal aux EHC. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une théorie qui n’implique pas des entités invérifiables ou d’autres mondes impossibles à tester, mais explique le pourquoi de l’expérience, et la raison pour laquelle elle semble si réelle.
Commençons par nous demander pourquoi tout semble si réel. Vous pourriez penser que c’est l’évidence même, après tout les choses que nous voyons autour de nous sont réelles, n’est-ce pas ? Et nos sens nous disent ce qui nous entoure en construisant un modèle du monde dans lequel nous sommes inclus. La totalité du monde extérieur et de notre propre corps sont en fait des constructions de notre esprit. Cependant, nous avons la certitude permanente que cette construction – ou ce modèle de la réalité – est réel, alors que les pensées fugaces que nous pouvons avoir ne le sont pas. Nous les appelons rêverie, imagination ou fantasmes. Notre cerveau n’a aucun problème pour distinguer la réalité de l’imaginaire, mais cette distinction n’est pas gratuite. Le cerveau doit y parvenir en décidant lequel de ses modèles représente le monde extérieur. Je suggère qu’il y parvient en comparant en permanence tous les modèles à sa disposition et en choisissant le plus stable comme étant la réalité.
Cela doit normalement très bien fonctionner, le modèle créé par les sens étant le meilleur et le plus stable qui soit à la disposition du système. C’est une réalité évidente, alors que l’image que je peux me faire du bar où je compte me rendre tout à l’heure est brève et instable. Le choix est aisé. En revanche, si vous êtes en train de vous endormir, d’éprouver une grande frayeur ou en train de mourir, le modèle en provenance de vos sens sera confus et instable. Si vous subissez un stress extrême ou souffrez de manque d’oxygène, le choix ne sera plus aussi facile, et tous les modèles deviendront instables.
Que va-t-il donc se passer ? Le tunnel créé par le bruit parasite dans le cortex visuel deviendra le modèle le plus stable, et donc, comme je le suppose, semblera réel. Le système aura perdu tout contrôle sur ses données.
Que fera donc un système biologique sensible pour revenir à la normale ? Je suggère qu’il se poserait les questions : « Où suis-je ? Que se passe-t-il ? » Même une personne subissant un stress extrême aura quelques souvenirs. Elle peut se souvenir de l’accident, savoir qu’elle est à l’hôpital pour une opération, ou se remémorer la douleur d’une attaque cardiaque. Elle essaiera donc de reconstruire ce qui se passe à partir de bribes de souvenirs.
Maintenant, nous savons quelque chose de très intéressant à propos des modèles mémoriels. Ils sont souvent construits autour d’un point de vue élevé, c’est-à-dire que les scènes sont vues comme si on se trouvait au-dessus. Si vous trouvez cela étrange, essayez de vous souvenir de la dernière fois ou vous êtes allé dans un bar ou de votre dernière balade au bord de mer. D’où voyez-vous la scène ? Si c’est d’en haut vous verrez ce que je veux dire.
Mon explication de l’EHC devient claire. Un modèle mémoriel vu d’en haut prend le dessus sur le modèle sensoriel. Il semble parfaitement réel parce que c’est le meilleur dont dispose le système. En fait il semble réel pour la même raison que tout semble réel en temps normal. »
Le lecteur aura tout loisir de se faire une opinion à la lecture des témoignages qui jalonnent cet ouvrage, et dont beaucoup contiennent des éléments objectifs précis, exacts, vérifiés a posteriori et impossibles à expliquer.
Au début des années 90, j’étais très intrigué par ces expériences et avais déjà rencontré une quinzaine de personnes qui m’avaient fait part de leur vécu.
Avant de se lancer dans une recherche, il est utile de s’assurer que l’on ne va pas se battre contre des moulins à vent ni poursuivre une chimère, et pour être honnête, je dois reconnaître que je n’ai pas échappé à la tentation de chercher une « explication » aux EMI en regardant sous mon propre réverbère : étant médecin et ayant avant tout reçu une formation scientifique et « cartésienne », le plus évident était d’en chercher d’abord les clés sous l’éclairage de la science médicale. C’est donc sous l’angle des neurosciences (Jourdan 1994) que j’ai essayé à cette époque de comprendre ce qui pouvait bien se passer. Analysant les conséquences neurophysiologiques de diverses techniques12 qui cherchent à reproduire des états de conscience plus ou moins proches de ce que l’on trouve dans les EMI, j’ai tenté, grâce aux points communs qu’elles présentaient entre elles, de cerner les mécanismes cérébraux qui pouvaient être à l’origine du déclenchement (volontaire ou spontané) des EMI ou d’expériences similaires. Quelle qu’en soit l’origine, le point commun qui semblait se dessiner était un phénomène d’isolation de la conscience par rapport aux informations sensorielles.
Je n’ai en revanche rien trouvé, dans ma propre recherche pas plus que dans aucune des hypothèses qui avaient été avancées, qui puisse permettre de comprendre l’expérience elle-même, son déroulement et son contenu. Elle résiste à toute tentative d’explication, tout simplement parce qu’elle inclut, au-delà de son apparence d’expérience interne et donc subjective, des éléments parfaitement objectifs.
Ce dernier point, ainsi que beaucoup d’autres, en fait une expérience irréductible à quoi que ce soit de connu et d’explicable.
L’énigme que représentent des perceptions « impossibles », le fait que des personnes affirment (et en donnent des preuves) avoir conservé toute leur conscience dans des conditions la plupart du temps inconciliables avec une activité cérébrale cohérente, le fait qu’une expérience souvent très courte soit susceptible d’entraîner de tels bouleversements existentiels, tout cela m’a donc poussé à poursuivre cette exploration.
Comment aborder un sujet aussi difficile ?
Et comment la science, matérialiste par principe et par nécessité, pourrait-elle bien s’accommoder d’un tel phénomène ?
Le matérialisme est à l’origine une doctrine philosophique qui considère que l’univers étant fait de matière, tous les phénomènes que nous pouvons observer sont explicables par les propriétés de cette dernière. Pourrait-on en effet imaginer un savant renonçant à comprendre un fait inexplicable et se contentant de supposer qu’il s’agit d’une intervention divine ou surnaturelle ? Ce qui était compréhensible à l’aube des temps quand l’homme voyait la colère de Dieu dans les tempêtes ou dans la foudre ne l’est plus aujourd’hui, et si la science a pu au cours des siècles accumuler autant de connaissance, c’est parce que cette option matérialiste l’a toujours obligée à avancer, à chercher tous les facteurs « matériels » qui pouvaient permettre de comprendre tel ou tel phénomène.
Elle a cependant bien été obligée d’intégrer à la définition de la matière d’innombrables phénomènes parfaitement impalpables. Nous baignons dans des champs électromagnétiques que, pas plus que les milliards de neutrinos qui nous traversent à chaque seconde, nous ne verrons ni ne sentirons jamais. Si nous gardons les pieds sur terre, ce n’est pas simplement parce que nous avons un poids, mais bien parce que la masse de la Terre et la nôtre courbent l’espace. Comment donc quelque chose d’aussi vide et immatériel que ce dernier peut-il présenter une quelconque courbure ?
Vue de près, la matière disparaît pour faire place à des phénomènes ondulatoires et statistiques qui n’ont rien de matériel au sens strict. Regarder notre univers de loin comme le font les cosmologistes n’arrange pas les choses : aux dernières nouvelles, il est essentiellement constitué pour deux tiers d’énergie « noire » dont la nature nous échappe, et pour un tiers de matière dite elle aussi « noire », de nature tout aussi inconnue. La matière ordinaire n’entre dans sa composition que pour 4 à 5 % du total. Le fait que la quasi-totalité de la masse d’un objet matériel soit constituée par l’énergie de liaison de ses constituants13 n’est pas fait pour améliorer ce faible pourcentage.
Un matérialisme ouvert…
Rattacher la notion de matérialisme à la matière au sens strict du terme n’est donc plus d’actualité dans la mesure où il est devenu totalement illusoire de définir une frontière entre matière et non-matière. Il serait aujourd’hui infantile de nous accrocher à un matérialisme strict qui ne considère comme réel que ce qui est tangible. Ce qui était justifié au XVIIe siècle, en l’absence de faits expérimentaux qui auraient pu le contredire, ne l’est évidemment plus de nos jours. Ce dernier est un faux problème14, et au bout du compte, pour paraphraser l’aphorisme « ce qui ne me tue pas me rend plus fort », ce qu’il en reste d’essentiel pour nous peut se résumer à ceci : la science refuse de se contenter d’explications ou d’affirmations invérifiables, qu’elles soient surnaturelles, spirituelles, magiques ou autres, et c’est précisément en cherchant à comprendre ce qui lui échappait qu’elle a toujours progressé.
Elle a raison, et ma conviction, après dix-huit ans de recherche, est précisément que les EMI représentent manifestement un fait nouveau susceptible de faire avancer nos conceptions sur bien des plans pour peu que l’on veuille bien les aborder avec un esprit curieux et sans préjugés.
Un matérialisme scientifique « intelligent » consiste donc à partir du principe que tout ce qui survient dans notre univers est la conséquence de lois naturelles15, que celles-ci nous soient connues ou non. La mise en évidence d’un phénomène nouveau, incontestable et cependant inexplicable par celles que nous connaissons implique donc la recherche de la ou les nouvelle(s) loi(s) qui le sous-tendent.
C’est l’un des buts essentiels de ce livre que de montrer au lecteur, scientifique ou non, la légitimité et la faisabilité d’une telle démarche.
La science est fondamentalement à la recherche de la réalité. Cette dernière, immense et complexe, est ce qu’elle est. Chacun vit et interprète à sa façon ce qu’il en perçoit, et nous n’en savons manifestement presque rien. Cependant, l’interprétation que nous en donne notre cerveau à travers les filtres de notre culture et de notre éducation est tout à fait suffisante pour vivre dans notre monde, et il est possible et parfaitement licite de profiter de la vie sans se poser trop de questions.
C’est d’ailleurs probablement l’un des meilleurs moyens pour cela.
Mais si nous décidons d’explorer cette réalité dans le cadre d’une démarche scientifique16, il est nécessaire de le faire avec la plus grande objectivité, en ayant conscience de nos propres limitations et en évitant autant que possible tout présupposé définitif, même et surtout s’il repose sur une apparente évidence.
Ne rien laisser de côté
Pour explorer un phénomène nouveau, il est nécessaire d’en prendre en compte tous les aspects et toutes les manifestations. Certaines peuvent être banales et faciles à étudier et parfois à reproduire, mais ce sont souvent des faits ou comportements atypiques, bien sûr plus rares ou plus difficiles à mettre en évidence, qui peuvent en apporter les clés.
Toute théorie qui se contente d’expliquer ou de décrire la partie la plus visible d’un phénomène sans prendre en compte ses bizarreries éventuelles a de fortes chances d’être partielle, peut mener sur une fausse route et peut passer à côté d’une découverte fondamentale. Et la pire erreur que pourrait commettre un scientifique, sous prétexte de bon sens, serait de se contenter d’explications faciles, voire d’occulter ou d’ignorer certaines données qui pourraient se révéler essentielles a posteriori.
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, personne ne se posait de question sur la stabilité de la matière et des éléments qui la constituaient, qui étaient par essence immuables. Becquerel, qui étudiait la phosphorescence de certains matériaux, rangea par hasard un échantillon contenant de l’uranium sur une plaque photographique vierge, qu’il développa à tout hasard. S’il a ainsi découvert la radioactivité, négligeant le bon sens qui voulait à l’époque que seule la lumière puisse impressionner une émulsion, c’est parce que son esprit scientifique et sa curiosité l’ont poussé à reproduire l’expérience en ne rejetant pas l’idée a priori irrationnelle que la plaque ait pu être impressionnée à travers un obstacle opaque par quelque chose d’inconnu.
Face à un fait nouveau et dans le cadre donc d’une exploration raisonnée, la méthode scientifique a donc fait ses preuves, même si elle demande un peu d’humilité. Car si jusqu’à présent personne n’a pu donner d’explication convaincante aux EMI, c’est précisément parce que nous ne savons pas tout. Dans la mesure où il s’avère impossible de déchiffrer ces expériences à l’aide de nos connaissances actuelles, il convient donc de les défricher comme le terrain inconnu qu’elles représentent.
Quelques hypothèses de travail
Tout d’abord, nous devrons faire confiance aux seules personnes qui savent quelque chose sur le sujet : ceux et celles qui l’ont vécu. Ces expériences ne peuvent être explorées qu’à travers leurs témoignages. Ces derniers comportent beaucoup de points en apparence invraisemblables, c’est un fait, et il serait confortable, moyennant néanmoins une bonne dose de fatuité, d’affirmer que tous ont rêvé ou halluciné, puisque précisément ce qu’ils racontent est inconcevable. Ce qui ne serait pas de la science, mais de la suffisance. Corollaire évident, ce livre n’aurait plus de raison d’être.
N’ayant pas la science infuse, je vais donc pour la suite de cette étude partir d’une supposition très simple : les personnes rapportant une EMI disent la/leur vérité, et quoi que soit ou cache ce qu’ils ont vécu, ils essaient de nous le transmettre. Nous allons donc prendre leurs récits au pied de la lettre, sans rien en éluder, même si à un moment ou à un autre notre bon sens doit se hérisser.
Pour étoffer cette proposition, nous pouvons aller un peu plus loin en incluant la conjecture suivante : ce qu’ils ont vécu est le reflet d’une réalité. Nous ne savons rien de cette dernière, il ne s’agit donc nullement d’un préjugé ni du désir de prouver quoi que ce soit, mais d’une simple hypothèse de travail qui nous obligera à ne rien exclure a priori.
Nous la mènerons jusqu’au bout et nous verrons bien ce que cela donnera.
Une réalité, encore… Qu’est-ce que cela veut dire ?
Cela signifie par exemple que nous allons raisonner en considérant qu’ils ont réellement discerné ce qui se passait autour d’eux alors qu’eux-mêmes ne se percevaient plus comme localisés dans leur corps. Cela signifie aussi que nous allons admettre qu’ils aient pu réellement, quand ils le disent, se trouver hors de l’espace et du temps, et bien entendu essayer de comprendre ce que cela peut bien signifier. Nous leur ferons confiance quand ils nous diront qu’ils ont revu leur vie ou quand ils affirmeront avoir eu en un instant l’impression d’un savoir absolu. Et bien d’autres choses encore, toutes plus impossibles les unes que les autres.
En résumé, nous allons simplement les écouter. Après tout, leurs récits se cautionnent mutuellement et jusqu’à preuve du contraire nous n’avons aucune raison de les traiter de menteurs ou d’hallucinés.
À la recherche d’invariants
Toutes les voitures ont en commun, sous des carrosseries variées, des roues, un moteur, un système électrique et informatique, un volant et des sièges. Une méthode particulièrement adaptée à l’étude des témoignages que nous allons examiner consiste à rechercher et à dégager des invariants, qui sont les repères, les éléments stables d’un récit à l’autre.
Nous allons donc essayer de définir les points communs qui se dégagent des récits, et voir ce qui se cache sous la carrosserie des EMI.
S’il y a une réalité quelconque derrière tout cela, elle doit se traduire par une certaine logique. Celle-ci apparaît d’ores et déjà dans un déroulement globalement invariant, dont la trame peut elle-même être considérée comme une première liste d’invariants. En enlevant une à une les pièces de carrosserie et en examinant en détail ce que nous découvrons, nous verrons bien si nous trouvons un fatras hallucinatoire désordonné et inutile ou, au contraire, une structure cohérente susceptible de nous emmener plus loin.
1- Ces expériences sont connues du grand public sous le nom de NDE (Near-Death Experiences) depuis la parution en 1977 du livre de Raymond Moody. Je les appellerai ici EMI, pour l’excellente raison que, contrairement aux idées reçues, l’appellation française « Expériences de Mort Imminente » est bien antérieure à l’appellation anglo-saxonne : elle date de la fin du XIXe siècle, et est née lors d’un débat ayant occupé les pages de la Revue philosophique et mené par le philosophe et psychologue Victor Egger.
2- Il faut bien nommer les personnes qui ont vécu ces expériences. Dans la littérature anglo-saxonne, on trouve le terme « experiencer » qui a été francisé en « expérienceur ». Pour définir toute personne ayant vécu ou assisté à un événement, qu’il s’agisse d’une dispute, d’un accident ou d’un mariage (ceci ne signifiant pas obligatoirement que ce dernier soit du même ordre que les deux premiers…) et apportant ultérieurement son témoignage, la langue française possède déjà le mot « témoin ». C’est donc ce mot que j’utiliserai, ne voyant pas l’utilité d’user d’un néologisme bancal.
3- Il y a beaucoup de choses impossibles dans ces récits. Autant nous y habituer tout de suite !
4- Quelques points d’ordre personnel afin d’éviter tout malentendu : mis à part quelques mariages (et enterrements) auxquels il est difficile d’échapper, et parfois un intérêt historique, architectural ou musical, je n’ai plus mis les pieds dans un lieu de culte depuis ma première communion, et ne souscris à aucune croyance particulière d’ordre religieux, mystique, spirituel ou au contraire, d’ordre rationaliste. Je ne défends aucune opinion particulière – hormis celle que les EMI sont dignes d’une recherche approfondie – et tout en respectant les diverses formes de foi religieuse et les multiples voies de recherche spirituelle, j’ai toujours gardé avec elles une certaine distance.
5- En Europe tout au moins. Aux États-Unis, où il est politiquement correct d’être croyant, et dans une moindre mesure au Québec, les récits sont souvent colorés par une interprétation religieuse. D.U., U.S., E.D., M.Q. dont vous pourrez lire les témoignages ou des extraits dans la suite de ce livre sont québécois.
6- Ouvrage maintenant épuisé mais que vous trouverez dans son intégralité sur le site de l’association : http://www.iands-france.org
7- Ces remarques ne concernent que les médias à vocation purement commerciale, dont l’audience repose sur le sensationnel. Le sujet est traité de manière beaucoup plus sérieuse et approfondie sur les chaînes culturelles et de service public.
8- Pour une revue détaillée de diverses hypothèses et réflexions, voir l’ouvrage collectif de IANDS-France : La Mort transfigurée.
9- Il s’agissait d’une patiente nommée Maria qui, à la suite d’un arrêt cardiaque, avait déclaré à la psychologue Kimberly Clark Sharp (Sharp 1995) avoir, lors de sa décorporation, vu sur une corniche de l’hôpital une chaussure de tennis abîmée à l’endroit du petit orteil, ce qui put être vérifié dans tous les détails.
10- Pour une psychologue universitaire, s’attaquer à pareil sujet demande un courage certain. Le fait que Susan Blackmore soit « sceptique » ne diminue en rien son mérite. Elle est l’une des rares à apporter une contradiction avec des arguments qui ne soient ni superficiels ni dédaigneux. Ayant la chance de disposer en sa personne d’un « avocat du diable » qualifié, je me permettrai donc, tout au long de cette tentative d’analyse, d’exposer ses thèses afin de permettre au lecteur de forger son propre jugement.
11- Expérience qui, nous le verrons plus loin, n’avait strictement aucun rapport avec une EMI.
12- … que l’on retrouve dans toutes les traditions mystiques : yoga, soufisme, mystiques orthodoxes (hésychastes), etc.
13- La matière ressemble à certains yaourts… Il y a bien de vrais morceaux dedans, mais ils ne sont pas très gros. La masse des électrons étant négligeable, celle d’un atome est essentiellement concentrée dans son noyau, composé de nucléons (protons et neutrons) dont la masse unitaire est de l’ordre de 109 eV. Celle des « grains » de matière (les quarks u et d) qui les constituent est aux alentours de 106 e V, soit le millième du total. Les 999 autres millièmes sont représentés par l’énergie de liaison qui les « colle » ensemble.
14- Ce qui ne l’empêche pas de toujours servir d’alibi à la vieille – et toujours aussi stérile – querelle entre matérialistes et spiritualistes…
15- Ne pas confondre avec un certain rationalisme dévoyé qui, au nom de la raison, ne prend en compte que ce qui est explicable par les lois déjà connues.
16- Personne ne pouvant prétendre (pour l’instant ?) reproduire une EMI sur une paillasse, ce terme ne sous-entend pas un quelconque mode d’emploi ou une méthode obligatoire, mais simplement « qui produit de la connaissance ». Contrairement à une idée tenace, la science ne repose pas exclusivement sur des phénomènes expérimentalement reproductibles, et cela ne concerne pas uniquement les sciences humaines dites molles. Des sciences dures comme l’astrophysique et la cosmologie se basent essentiellement sur l’observation et la modélisation.