La Peste : la force de l’allégorie
Le 11 mars 2011 au Japon
Après que le grand séisme et le tsunami qui s’ensuivit ont surpris notre pays le 11 mars 2011, il y eut des Japonais pour penser à La Peste de Camus. Journalistes, écrivains et intellectuels ont publié des articles où ils citaient le roman1. Nombreux aussi ont été ceux qui en ont parlé dans leur blog internet. Ils l’ont lu ou relu avec avidité et trouvé que le message de Camus avait une réalité authentique dans la situation où était subitement plongé le Japon. Une vieille dame devenue aveugle a emprunté à la bibliothèque municipale de sa ville la cassette audio de La Peste et l’a écoutée en se rappelant la lecture qu’elle avait faite au cours de sa jeunesse et en imaginant la tragédie actuelle.
Le désastre fut bouleversant par son envergure sans précédent, même pour nous –
Japonais – habitués en quelque sorte à subir les calamités naturelles qui, depuis toujours, s’abattent régulièrement sur notre archipel. Mais cette fois-ci, le feu nucléaire que l’humanité a fait naître et a du mal à maîtriser a rendu le problème encore plus difficile. Certains ont superposé la terreur de la radioactivité à celle du microbe invisible de la peste décrit par Camus.
Dans le roman, la peste n’est pas seulement une épidémie, ni non plus une allégorie du nazisme. Sa portée est encore plus longue et plus vaste. Camus a représenté au moyen de l’allégorie toutes les faces du mal absurde qui surprend l’humanité : guerres, fascismes, fléaux, calamités, catastrophes. C’est pourquoi soixante ans encore après sa publication, La Peste a tant touché le cœur des Japonais.
Un fléau
Dans la version de 1941 de Caligula, le tyran qui s’adonne arbitrairement au carnage déclare déjà : « C’est moi qui remplace la peste. » (OC, I, p. 432). En avril 1941, le projet du roman apparaît pour la première fois dans les Carnets : « Peste ou aventure (roman). » (OC, II, p. 923). La peste se présente alors comme une allégorie de la guerre. Rappelons-nous que le nazisme fut appelé « la peste brune ». En 1947, après une longue gestation, La Peste est publiée.
En voici l’incipit : « Les curieux événements qui font le sujet de cette chronique se sont produits en 194., à Oran. » (OC, II, p. 35). Il est évident qu’il s’agit d’une épidémie puisque le titre du roman le dit, mais dans un premier temps pour évoquer le mal non encore identifié le narrateur emploie différentes expressions : « la situation » (OC, II, p. 43), « les choses » (OC, II, p. 44), « le phénomène » (OC, II, p. 45). Ce mal frappe les yeux des citoyens avec l’apparition de nombreux cadavres de rats. C’est pourquoi Tarrou l’appelle dans ses carnets « l’histoire des rats » (OC, II, p. 52), et les journaux titrent : « l’affaire des rats » (OC, II, p. 57).
C’est le docteur Rieux, s’adressant à son confrère, qui le premier prononce le mot de « peste » : « [C]’est à peine croyable. Mais il semble bien que ce soit la peste. » (OC, II, p. 58). Le narrateur prolonge alors la réflexion : « Les fléaux, en effet, sont une chose commune, mais on croit difficilement aux fléaux lorsqu’ils vous tombent sur la tête. Il y a eu dans le monde autant de pestes que de guerres. Et pourtant pestes et guerres trouvent les gens toujours aussi dépourvus. » (OC, II, p. 59). Le narrateur cite les pestes et les guerres en tant qu’exemples de fléaux. Mais il faut noter que dans le roman le mot de guerre ne figure qu’ici. Ailleurs, l’analogie de la peste et de la guerre ne se manifeste pas nettement.
Ce qui intéresse le narrateur, c’est tout d’abord le fléau :
Le fléau n’est pas à la mesure de l’homme, on se dit donc que le fléau est irréel, c’est un mauvais rêve qui va passer. Mais il ne passe pas toujours et, de mauvais rêve en mauvais rêve, ce sont les hommes qui passent, et les humanistes en premier lieu, parce qu’ils n’ont pas pris leurs précautions. Nos concitoyens n’étaient pas plus coupables que d’autres, ils oubliaient d’être modestes, voilà tout, et ils pensaient que tout était encore possible pour eux, ce qui supposait que les fléaux étaient impossibles. […]
Ils se croyaient libres et personne ne sera jamais libre tant qu’il y aura des fléaux. (OC, II, p. 59)
Les réflexions du narrateur ne portent pas seulement sur la peste ou la guerre mais sur le fléau au sens large qui les implique. Les hommes passent d’un fléau à l’autre, et leur destin est d’y faire face. Ils doivent donc se préparer à cette éventualité malgré son caractère aléatoire. Ainsi le fléau faisant partie des conditions de notre vie, nous devons vivre en tenant compte de sa possibilité. Les Oranais sont des citoyens tout à fait comme les autres. Le fléau peut attaquer n’importe qui, n’importe où et n’importe quand. L’impossible peut toujours se produire.
Dès que le mot « peste » apparaît dans le roman, l’auteur précise qu’il ne s’agit pas seulement du récit d’une épidémie mais de celui d’un fléau. Et il appelle fléau tout ce qui entraîne la violence contre l’homme.
L’affaire de tous
Camus présente dans Le Mythe de Sisyphe un héros solitaire qui se révolte contre les dieux et, après son expérience de la Résistance, il déclare, en 1945, dans « Remarques sur la révolte », qu’un mouvement de révolte atteint la solidarité des hommes dépassant le destin individuel et que « le mal qu’un seul a éprouvé devient la peste collective. » (OC, III, p. 327). Ainsi dans La Peste se décrivent la révolte intransigeante contre le mal devenu « peste collective » et la solidarité gagnée à travers cette révolte.
La fermeture des portes de la ville fait du fléau l’affaire de tous. « À partir de ce moment, il est possible de dire que la peste fut notre affaire à tous. » (OC, II, p. 78). Tous les citoyens partagent le même sort. Non seulement les habitants de longue date mais aussi ceux de passage comme Tarrou et Rambert ne sont pas épargnés. Tarrou comprend tout de suite que l’affaire concerne tous ceux qui se trouvent dans la ville sans exception, tandis que Rambert pense dans un premier temps à en sortir pour rejoindre sa femme à Paris.
Le narrateur insiste à plusieurs reprises sur le fait que la peste est un mal collectif. La création des formations sanitaires fait entrer les citoyens plus avant dans la peste. « Parce que la peste devenait ainsi le devoir de quelques-uns, elle apparut réellement pour ce qu’elle était, c’est-à-dire l’affaire de tous. » (OC, II, p. 124). Et pendant l’été où l’épidémie atteint son apogée, « il n’y avait plus alors de destins individuels, mais une histoire collective qui était la peste et des sentiments partagés par tous. » (OC, II, p. 149).
En automne, après des tentatives répétées pour sortir de la ville, Rambert découvre enfin qu’« il peut y avoir de la honte à être heureux tout seul » (OC, II, p. 178). Renonçant à son bonheur particulier, il déclare : « J’ai toujours pensé que j’étais étranger à cette ville et que je n’avais rien à faire avec vous. Mais maintenant que j’ai vu ce que j’ai vu, je sais que je suis d’ici, que je le veuille ou non. Cette histoire nous concerne tous. » (OC, II, p. 178).
Comme Rambert, le Père Paneloux s’engage dans les formations sanitaires. Ayant assisté à l’agonie du fils du juge Othon, il comprend que la peste fait souffrir non
seulement les pécheurs qui ont perdu la foi mais l’enfant innocent. Dans son deuxième prêche, il admet qu’« il n’est pas d’île dans la peste » (OC, II, p. 191). Chaque personnage prend ainsi conscience, de manière différente, que la peste est une des conditions inévitables que tous les hommes doivent accepter.
La force de la nature
La peste apparaît au printemps, sévit en été, piétine en automne pour disparaître en hiver. Identifiée au rythme des saisons elle est représentée comme si elle était une des forces de la nature.
À l’approche de l’été et de sa chaleur implacable, l’épidémie attaque les citoyens. Les vacances ne sont plus des fêtes de l’eau et de la chair. « Le soleil de la peste éteignait toutes les couleurs et faisait fuir toute joie. » (OC, II, p. 111). Vers deux heures, « le soleil et la peste se rencontrent dans la rue » (OC, II, p. 117). Dans la ville d’Oran, comme sur la plage d’Alger dans L’Étranger, on ne peut échapper au soleil. Avec ce soleil la peste prend un tour cosmique qui conduit inexorablement les hommes vers la tragédie.
Le premier prêche du Père Paneloux, à la fin du printemps, introduit l’image pathétique du fléau, instrument à battre les céréales : « L’immense pièce de bois tournoyant au-dessus de la ville, frappant au hasard et se relevant ensanglantée, éparpillant enfin le sang et la douleur humaine. » (OC, II, p. 100). Ici, le vent violent dans le ciel semble complice de la peste. Cette image du fléau est reprise par le narrateur qui l’utilise trois fois. Quelques jours après le prêche, en banlieue, il semble à Rieux que la nuit est pleine de gémissements : « Quelque part dans le ciel noir, au-dessus des lampadaires, un sifflement sourd lui rappela l’invisible fléau qui brassait inlassablement l’air chaud. » (OC, II, p. 103). Après l’été, en septembre et octobre, la peste semble installée au-dessus de la ville, et le piétinement continue plusieurs semaines. Dans le ciel, la bande des étourneaux et des grives passent « comme si le fléau de Paneloux, l’étrange pièce de bois qui tournait en sifflant au-dessus des maisons, les tenait à l’écart. » (OC, II, p. 163). Et en hiver, quand la peste commence à reculer de la ville, Tarrou agonise dans la chambre de l’appartement de Rieux. « Le fléau ne brassait plus le ciel de la ville. Mais il sifflait doucement dans l’air lourd de la chambre. » (OC, II, p. 232). L’image du fléau et son sifflement qui, sortis du prêche du Père, envahissent le récit, rendent la peste visible et sensible pour lui donner son caractère de force de la nature.
Quelle morale pour lutter contre la peste ?
Lorsque l’épidémie commence à se propager, Rieux dit à Grand, comme s’il consentait au désir de ce fonctionnaire dans son incessante recherche du mot exact, qu’« il faut peut-être se décider à appeler cette maladie par son nom. » (OC, II, p. 62). Pourtant il change d’attitude au cours d’une réunion avec les médecins de la ville. Au docteur Castel qui déclare que « la question est de savoir s’il s’agit de la peste ou non » (OC, II, p. 66), Rieux répond : « […] Il importe peu que vous l’appeliez peste ou fièvre de croissance. Il importe seulement que vous l’empêchiez de tuer la moitié de la ville. » (OC, II, p. 67). Pour Rieux donner un nom n’est pas essentiel : « Ce n’est pas une question de vocabulaire, c’est une question de temps. » (OC, II, p. 68). En tant que médecin il est fidèle à sa morale : on doit traiter tout d’abord le malade que l’on a devant soi.
Dans l’entretien avec Tarrou, l’attitude de Rieux ne change pas : « Pour le moment il y a des malades et il faut les guérir. » (OC, II, p. 121), même si la peste est pour lui « une interminable défaite » (OC, II, p. 122). À Rambert aussi il dit la même chose avec une nuance différente : « C’est une idée qui peut faire rire, mais la seule façon de lutter contre la peste, c’est l’honnêteté. » (OC, II, p. 147), et il continue : « […] dans mon cas, je sais qu’elle consiste à faire mon métier. »
Grand, entre autres, applique sincèrement la morale de Rieux. Le narrateur le présente comme un héros des formations sanitaires et fait dire à cet humble fonctionnaire : « Ce n’est pas le plus difficile. Il y a la peste, il faut se défendre, c’est clair. Ah ! si tout était aussi simple ! » (OC, II, p. 126). À toute époque, l’homme ne peut ignorer le fléau contre lequel luttent de nombreuses personnes qui exercent leur métier avec modestie et en silence. Grand en est un possible modèle.
C’est pourquoi le narrateur peut déclarer qu’il a décidé d’écrire cette chronique « pour dire simplement ce qu’on apprend au milieu des fléaux, qu’il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser. » (OC, II, p. 248). Cette belle phrase clôt le récit. Mais l’auteur n’est pas ignorant de la bêtise des hommes, à l’origine parfois des fléaux ou de leur aggravation. Parmi les personnages il y a un homme méprisable, Cottard, complice de la peste, et pour qui Rieux « ne pouvait parler » (OC, II, p. 244).
La peste et le meurtre
Comme nous l’avons vu, Camus présente la peste comme un fléau au sens large, et décrivant la lutte contre ce fléau il se demande où nous pouvons retrouver une valeur humaine à une époque où les valeurs transcendantes sont perdues. Et à la fin de la quatrième partie, la confession de Tarrou nous conduit à un nouvel aspect du sens symbolique de la peste : « [J]e souffrais déjà de la peste bien avant de connaître cette ville et cette épidémie. » (OC, II, p. 204). À l’âge de dix-sept ans, présent au tribunal où son père, procureur, condamne à mort un accusé, il s’aperçoit qu’il est le fils d’un bourreau. Fuyant son milieu familial, il s’engage dans la politique : « [J]’ai fait de la politique comme on dit. Je ne voulais pas être un pestiféré, voilà tout. » (OC, II, p. 207). Pour lui, le pestiféré est celui qui donne la mort aux autres. Mais il comprend un jour que son engagement politique aboutit à la même conséquence : « […] je n’avais pas cessé d’être un pestiféré pendant toutes ces longues années où pourtant, de toute mon âme, je croyais lutter justement contre la peste. […] nous étions tous dans la peste, et j’ai perdu la paix. » (OC, II, p. 208-209).
Tarrou élargit le sens de la peste et déduit de son expérience particulière une vérité générale : « […] chacun la porte en soi, la peste, parce que personne, non, personne au monde n’en est indemne. » (OC, II, p. 209). La peste est une affaire concernant tous les Oranais. Mais Tarrou l’étend à toute l’humanité et en même temps l’intériorise. Elle n’est plus le mal extérieur mais se trouve en tout homme. Pour Tarrou le pestiféré n’est plus seulement une victime de l’épidémie mais aussi un bourreau qui risque de contaminer les autres : « Par conséquent, je dis qu’il y a les fléaux et les victimes, et rien de plus. » (OC, II, p. 210). Le discours de Tarrou, dans la ligne des idées exprimées dans « Ni victimes ni bourreaux » (1946), met en scène deux figures parmi les plus importantes de l’œuvre de Camus, le condamné à mort et celui qui donne la mort aux autres, victime et bourreau, et tous les deux sont symbolisés par la peste.
La transformation du réel
Au milieu de l’année 1946 dans les Carnets Camus cite une phrase de Defoe, qu’il met en épigraphe de La Peste : « Il est aussi raisonnable de représenter une espèce d’emprisonnement par une autre que de représenter n’importe quelle chose qui existe réellement par quelque chose qui n’existe pas. » (OC, II, p. 1067). Cette citation, extraite non du Journal de l’année de la peste (1722) mais de Robinson Crusoé (1721), incite les lecteurs à réfléchir sur la signification de l’allégorie que Camus a introduite dans son roman. Dans l’épigraphe il s’agit d’« une espèce d’emprisonnement », mais le récit qui va suivre, comme nous l’avons vu, porte sur le fléau au sens le plus large.
Camus ne dit rien sur l’allégorie dans ses écrits, mais il aborde, à travers l’analyse des romans de Kafka et de Melville, la fonction du symbole qui est d’une conception plus large et moins structurée que l’allégorie. Dans « L’Espoir et l’Absurde dans l’œuvre de Franz Kafka », appendice ajouté à la deuxième édition du Mythe de Sisyphe, il écrit : « Un symbole dépasse toujours celui qui en use et lui fait dire en réalité plus qu’il n’a conscience d’exprimer. » (OC, II, p. 305). Nous pourrions appliquer ces mots à l’auteur de La Peste en remplaçant « symbole » par « allégorie ».
Dans les Carnets, en janvier ou février 1942, Camus cite une série de références sous le titre « Moby Dick et le symbole », et en 1952 dans l’article intitulé « Herman Melville » on lit : « Comme les plus grands artistes, Melville a construit ses symboles sur le concret, non dans le matériau du rêve. » Camus apprécie Melville tandis que son jugement sur Kafka n’est pas sans réserve : « Chez Kafka, la réalité qu’il décrit est suscitée par le symbole, le fait découle de l’image, chez Melville le symbole sort de la réalité, l’image naît de la perception. C’est pourquoi Melville ne s’est jamais séparé de la chair ni de la nature, obscurcies dans l’œuvre kafkéenne. » (OC, III, p. 899). À l’instar du symbole de Melville né de la réalité, l’allégorie de la peste dans le roman de Camus se fonde sur les expériences de guerre pour dépasser ce niveau et représenter toutes sortes de fléaux.
Les liens tissés entre l’art et la réalité sont une des préoccupations constantes de Camus. La façon dont l’artiste aborde la réalité est ainsi analysée en 1951 dans la quatrième partie « Révolte et art » de L’Homme révolté : « L’artiste réaliste et l’artiste formel cherchent l’unité où elle n’est pas, dans le réel à l’état brut, ou dans la création imaginaire qui croit expulser toute réalité. Au contraire, l’unité en art surgit au terme de la transformation que l’artiste impose au réel. » (OC, III, p. 292). Camus dit ensuite que c’est le « style » qui donne à l’univers recréé son unité et ses limites. Mais La Peste nous montre que l’allégorie peut être aussi un des moyens de la transformation que l’artiste impose au réel. Puisant dans son expérience de la guerre, Camus a réussi, par le moyen de l’allégorie, à donner une unité à l’univers recréé.
Pour terminer, évoquons la controverse entre Camus et Roland Barthes. En 1955, dans Club sont publiées l’analyse de Barthes sur la Peste et la réponse de Camus. À Barthes qui déclare que « l’œuvre née d’une conscience de l’Histoire, n’y va point pourtant chercher d’évidence et préfère dériver la lucidité en morale2 », Camus présente quatre objections dont voici la première :
La Peste, dont j’ai voulu qu’elle se lise sur plusieurs portées, a cependant comme contenu évident la lutte de la résistance européenne contre le nazisme. La preuve en est que cet ennemi qui n’est pas nommé, tout le monde l’a reconnu, et dans tous les pays d’Europe. (OC, II, p. 286)
Dans cette réponse écrite trois ans après la brouille avec Sartre qui l’avait critiqué d’avoir « refusé l’Histoire »3, Camus insiste sur le fait que son roman est fidèle à l’expérience historique de l’Europe. Mais aujourd’hui, loin de l’Europe, nous nous permettons de penser qu’il aurait pu inverser les termes du raisonnement : « La Peste a comme contenu évident la lutte de la résistance européenne contre le nazisme, mais j’ai voulu qu’elle se lise sur plusieurs portées. » Et il aurait pu continuer : « Ce roman n’est pas seulement le récit de l’épidémie, ni de la résistance, mais du fléau, de l’injustice, de la violence et de toutes les méchancetés absurdes qui s’acharnent sur l’humanité partout sur notre planète à travers toute l’histoire. »
NOTES
1. Voir « Quelques mots de Hiroshi Mino, directeur de la Section japonaise, au CA du 5 novembre 2011 », Chroniques camusiennes, Bulletin de liaison de la Société des Études camusiennes, no 6, mai 2012, p. 5.
2 Roland Barthes, « La Peste. Annales d’une épidémie ou roman de la solitude ? », Œuvres complètes, I, Seuil, 1993, p. 455.
3 Jean-Paul Sartre, « Réponse à Albert Camus », Situation IV, Gallimard, 1964, p. 114.