Hong Kong était devenu une de mes étapes préférées. J’y suis toujours resté quelques jours avec plaisir, avant de poursuivre ma route. Le quartier bruyant de Kowloon, illuminé de publicités au néon, ne m’attirait pas vraiment. C’était le paradis pour les flopées de touristes en quête de montres, d’appareils photo, de télévisions ou de vêtements de marque. L’île de Hong Kong, en revanche, exhalait encore un parfum authentique, d’époques depuis longtemps révolues, avec ses escaliers raides et le désordre de ses ruelles antiques. J’allais régulièrement fouiner dans les échoppes, sans me risquer toutefois à un achat face à ces amoncellements d’objets anciens auxquels je ne connaissais strictement rien.
Un jour, je suis entré dans un magasin d’antiquités sur la fameuse Hollywood Road. J’ai découvert dans une commode, tout à fait par hasard, une pile de sept gros feuillets d’album. J’ai ressenti un choc car il s’agissait de peintures érotiques chinoises d’une beauté sans précédent. Jamais encore je n’avais pu admirer, en vrai, des œuvres de pareille qualité. Lorsque je me suis informé du prix, il était clair qu’il n’était pas à la portée de ma bourse. J’avais pourtant une certitude : il ne fallait en aucun cas laisser s’échapper ces peintures ! J’ai demandé aux propriétaires de l’échoppe de bien vouloir me les réserver.
Six mois plus tard, je suis revenu avec l’argent. J’étais heureux comme un roi avec mes premières acquisitions : ma passion était née.
Les illustrations érotiques chinoises ne me passionnaient pas seulement pour l’image séduisante de l’érotisme qu’elles offraient. Elles contiennent, en fait, de nombreux éléments qu’on ne retrouve pas dans l’art traditionnel. Par exemple, une peinture de bambous ne nous permet pas de comprendre la vie quotidienne en Chine. Le portrait d’une belle dame non plus, car, la plupart du temps, il s’agit de la représentation idéalisée d’une beauté qui n’existe pas. Les tableaux érotiques, en revanche, racontent une histoire et donnent des renseignements sur la mode de l’époque, la façon de s’habiller, les coiffures ou le rang tenu par les personnages. On peut y voir en outre la décoration des pièces, les meubles usuels, les objets anciens collectionnés ou encore les jardins intérieurs.
Certains albums, comme celui de Wang Sheng, s’accompagnent de poèmes, tandis que celui du Xixiang Ji contient des feuillets provenant de la représentation théâtrale du roman.