Ma passion pour cet art s’étant sérieusement enflammée, a débuté alors une période de recherche ciblée. J’étais devenu curieux d’amasser les exemples. Il s’est vite avéré que trouver une qualité identique n’était pas chose aisée, que ma première trouvaille à Hong Kong avait été un pur coup de chance. Il m’arrivait néanmoins de dénicher quelques pièces anciennes ici et là, parmi une infinité d’imitations grossières.
Une étude plus détaillée du sujet m’a appris que l’amour occupait une place importante dans la Chine ancienne. En effet, dans l’optique taoïste, il permettait d’harmoniser les forces célestes et terrestres et de poursuivre ainsi le cycle naturel de création.
L’art érotique s’est essentiellement développé à partir du Xe siècle, lors de la croissance des villes commerçantes et prospères de Suzhou et Hangzhou. C’est dans les débits de vin, les coûteux lupanars et autres lieux de plaisir qu’est née une sous-culture, la culture courtisane, déterminant la mode à toutes sortes de niveaux et célébrée par des poètes et des écrivains. Au XVIIe siècle, la fin de la dynastie Ming a connu une période florissante pour les expressions d’art érotique qui, la plupart du temps, servaient d’illustrations aux traités et romans. On ne contemplait toutefois ces représentations qu’en cercle restreint, entre amis, dans un cabinet d’étude par exemple.
À travers les siècles, des réactions contraires succédèrent généralement à ces périodes de relative grande liberté, ce qui entraîna des vagues de censure et de destruction. Les romans ont été officiellement interdits après la conquête par les Mandchous en 1644. Plus tard, la politique se fit plus libérale mais, au XIXe siècle, le confucianisme conservateur et les conceptions chrétiennes occidentales contribuent à la réduction de l’expression érotique. Après l’effondrement de la dynastie mandchoue, une répression sévère s’organise sous la République des années 1830 et 1840, suivie par la poussée du communisme puritain des années 1950. Toutefois, les « nettoyages » les plus aberrants ont lieu lors de la Révolution culturelle de Mao Zedong. Il est encore difficile aujourd’hui d’estimer le nombre des trésors artistiques balayés par cette folie aveugle.
Lorsque j’ai pris conscience de l’ampleur de la perte, mon obsession à rechercher ce type d’art n’a fait qu’augmenter. Si le fait de collectionner relevait, dans un premier temps, d’une pure appréciation de la beauté artistique, ce qui me motivait désormais était la volonté de rassembler un héritage quasiment disparu.