13

Amelia

J’essaie encore de comprendre ce que j’ai fait quand je me réveille le lendemain matin. C’est presque comme si j’y avais pensé toute la nuit. Comme si la réflexion continuait. Quand je l’ai embrassé comme ça, il a paru interloqué. En tout cas, moi je l’étais.

Et puis, ce qu’il a fait. Mettre sa main sur mon cœur.

Et ce que moi, j’ai fait. La mienne sur le sien.

Je secoue la tête, cligne des yeux et me rends compte que je ne suis pas seule.

Je ne sais pas quand il est entré dans le lit, mais il est à côté de moi, maintenant, et je suis pelotonnée contre son torse. Il m’étreint dans ses bras chauds et je ne sais même pas si j’ai rêvé.

Mais quand je me rends compte de ma posture, lovée contre lui, j’essaie de m’éloigner. Aussitôt, son bras se resserre.

— Tu parles dans ton sommeil, me dit-il.

Sa voix est redevenue comme avant, comme si la porte qui s’était ouverte, pendant un bref instant, était à nouveau fermée à clé, me laissant dehors.

— Pas du tout !

Je le repousse et il me laisse rouler sur le dos. Je me tourne vers lui pour découvrir son regard contemplatif, puis le livre dans son autre main.

— Depuis combien de temps es-tu réveillé ? demandé-je.

— Un petit moment. 

Il met le livre de côté et son regard descend vers ma poitrine. À mon tour, je baisse les yeux. Je porte un débardeur et un short de pyjama, mais je remonte la couverture un peu plus haut.

— Je ne voulais pas te réveiller. Tu n’as trouvé le sommeil qu’à l’aube.

— C’est que je ne suis pas encore habituée. Quelle heure est-il ?

— Onze heures. 

Je m’assieds, me frotte les yeux. Ce doit être le décalage horaire.

Il me fixe et j’en fais de même : ses larges épaules, ses tatouages, les ailes cassées de l’ange dont le visage est caché. C’est étrange de voir cela. C’est presque familier. Il se redresse et mon regard se déplace vers les ondulations de ses abdominaux fermes. Le voir comme ça me met l’eau à la bouche. Ça me donne envie.

Je déglutis et m’éclaircis la gorge. Quand je le regarde à nouveau dans les yeux, je sais qu’il sait à quoi je pense. Il connaît l’effet qu’il produit en moi.

— Je veux quelque chose, avoué-je en chassant cette pensée.

— Ah oui ?

Il sourit.

— Ce n’est pas ce que tu penses, précisé-je.

Je lève les yeux au ciel, m’efforçant de le prendre à la légère. Puis je commence à m’asseoir.

— C’est dommage, déclare-t-il en grimpant sur moi. Non, allonge-toi.

— Ce n’est pas…

Je le repousse, mais je ne peux pas échapper à son poids.

— Tu devrais dormir nue à partir de maintenant, dit-il en me déshabillant.

— Arrête !

— Ouvre les jambes, ajoute-t-il, impassible.

— Gregory…

— Tu en as envie. Tu le sais, alors écarte les jambes.

Je tourne la tête pour le dévisager, mais devant mon hésitation, il s’empare de mes cuisses, les ouvre et les coince dans le lit. Il me regarde sans s’en cacher, mon corps, mon sexe. Il plonge sa tête en bas et me lèche sur toute la longueur. Je halète.

— Tu as bon goût, reprend-il en rencontrant mes yeux.

— Je…

Mais il me lèche encore et je ressens le besoin de le repousser. C’est la dernière chose dont j’ai envie, et de toute façon, il m’en empêche. Saisissant mes poignets, il les écarte et décrit des cercles autour de mon clitoris avec sa langue avant de le prendre entre ses lèvres pour le sucer.

Je ne peux pas parler. Je peux à peine respirer. Tout ce que je peux faire, c’est émettre ce bruit étrange, comme s’il provenait du plus profond de ma poitrine. Je me surprends à me cambrer, à me coller à lui.

Mais brusquement, alors que je suis sur le point de jouir, il s’arrête, me fait un grand sourire et s’agenouille entre mes jambes. Il plie mes genoux et les écarte, m’ouvrant encore plus.

J’essaie de me dégager, de me libérer.

— Regarde-moi, rétorque-t-il.

Mais je ne peux pas. Pas alors qu’il me tient ainsi, écartelée et ouverte pour lui. Tout mon corps est exposé.

— J’ai dit regarde-moi, répète-t-il en me donnant une claque sur la hanche, cette fois, m’arrachant un petit cri.

Je tourne la tête.

— Je prends ce qui m’est dû depuis hier soir, déclare-t-il.

Délibérément, il baisse les yeux sur moi, mon entrejambe et tout mon corps.

— Je t’ai dit une fois que je voulais tout cela, tout, poursuit-il en plongeant à nouveau la tête. Ton sexe.

Il me lèche avant de me regarder.

— Tes fesses.

Sa langue glisse vers mon autre orifice et m’attise, là aussi.

Je suis mortifiée et je détourne le visage, mais ça me fait du bien qu’il me lèche partout. Je suis humiliée. La stimulation est telle que je vais jouir, et il le sait pertinemment.

— S’il te plaît.

Il se lève, me prend les bras et les écarte avant de me pénétrer.

— Donne-moi tout, Amelia. Tu m’as promis ce que je voulais et ce que je veux, c’est tout. Donne-le-moi.

Il entrecroise ses doigts avec les miens, pesant de tout son poids sur moi. Il m’embrasse et je sens mon propre goût sur ses lèvres, sa langue. Notre corps-à-corps est intense, comme les gémissements que nous émettons ensemble. Nos souffles se mêlent et nos sexes aussi, humides, avides et fougueux.

— Donne-le-moi.

— Je ne sais pas comment faire, dis-je enfin.

Il baisse alors les yeux et me regarde comme si c’était la dernière chose qu’il s’attendait à m’entendre dire.

— Dans ce cas, je vais le prendre jusqu’à ce que tu le comprennes.

Il est en colère, soudain. Nos ébats deviennent punitifs et son sexe s’épaissit, à la fois douloureux et merveilleux. J’ai envie de tout lui donner. C’est ce que je veux.

Mais une partie de moi lui résiste, le combat. Il le sent aussi, me retient et redouble d’ardeur. Enfin, je jouis. Je jouis si fort que je ne peux pas respirer, et tout ce que je vois de lui est flou. C’est peut-être ça. C’est peut-être moi qui le lui ai donné. C’est peut-être comme ça que doit être notre relation.

Quand mon orgasme s’estompe enfin et que je peux voir clairement à nouveau, il me regarde, ses yeux sombres et intenses sur les miens. Il m’offre un sourire et se soulève. La sueur goutte de son front sur mon visage alors qu’il me baise plus fort encore. Cette fois, il cherche à me faire mal, et je ne peux m’empêcher de l’admirer. Il est d’une beauté incroyable.

Ce qu’on appelle une belle gueule.

Quand il jouit, ses yeux sont durs et tendres à la fois, presque brillants. Et son visage… Je pourrais le contempler comme ça éternellement sans jamais me lasser.

Sans en avoir assez.

Quand il s’effondre enfin sur mon corps, nous sommes couverts de sueur et pantelants.

— C’est toujours comme ça ? demandé-je.

À peine ai-je parlé que je trouve mes mots ridicules. J’aimerais pouvoir les reprendre.

Mais alors il répond, et peut-être n’est-ce pas stupide, après tout.

— Non.

Il me dévisage. Parfois, j’ai l’impression qu’il peut voir en moi.

— Jamais jusqu’à présent.

Je cligne des paupières, les yeux dans le vague. Je ne peux pas soutenir son regard. C’est trop.

— Dis-moi ce que tu veux, ajoute-t-il enfin.

— Quoi ? 

Il écarte les cheveux trempés sur mon visage.

— Que veux-tu ? 

Son geste est presque tendre, comme s’il faisait attention. Quand il me baise, c’est tout le contraire.

— Pourquoi fais-tu ça ? demandé-je.

— Qu’est-ce que je fais ?

Je réfléchis.

— Parfois, j’ai l’impression de voir sous ta colère. D’ailleurs, elle est encore là. Tu es cette autre personne et je ne sais pas ce que je suis censée faire.

Il ne rencontre pas tout à fait mon regard, mais effleure du bout des doigts mon visage, mon menton, mon cou, jusqu’à ma poitrine. Je suis prête à ce qu’il me fasse du mal, mais il se contente de me caresser.

— Dis-moi ce que tu veux, répète-t-il.

Je le dévisage et m’interroge. Peut-être ne sait-il pas comment se comporter, lui aussi.

— Un tatouage, soufflé-je.

— Un tatouage ? 

Il a l’air vraiment perplexe. Et même un peu déçu.

— Pourquoi ? 

— J’en ai toujours voulu un, mais on me l’a interdit. La femme qui a dessiné le tien a fait du bon travail.

— Elle travaille bien. 

— Tu veux bien m’y emmener ?

Il sort du lit.

— Je te propose d’y réfléchir pendant plus de douze heures et je verrai.

Il disparaît dans la salle de bain.

Je rejette les couvertures et le suis. Je manque ouvrir la porte, mais je me ressaisis.

— Je n’y pense pas que depuis douze heures. Et je ne te demande pas la permission. Je te demande de m’y emmener. Ou… ou de me payer le bus.

J’entends son rire avant qu’il ne fasse couler l’eau de la douche.

— Enfoiré, murmuré-je en revenant au lit pour enfiler ma culotte et un débardeur.

Puis je m’assieds. Il termine quelques minutes plus tard et revient dans la chambre. Il s’habille avant de retourner au lit.

— Quel tatouage voudrais-tu ? Un cœur ? Des étoiles sur le poignet ? C’est tendance, non ?

— Tu es vraiment trop con, tu le sais ? 

Il rit encore.

— Je pensais que j’étais un enfoiré. 

Oups, il a entendu ?

Je me lève et passe en revue la pile de carnets de dessin à la recherche de celui que je veux. C’est un vieux, que j’ai rapporté de chez moi. Les pages sont entièrement noircies.

Je le rapporte dans le lit et l’ouvre, feuilletant les pages jusqu’à celle que je voulais.

— Là, dis-je en désignant le coin de la feuille, presque indéchiffrable avec tous les dessins. Celui-ci.

Il se penche, le regarde et s’assied. Il me prend le carnet des mains et je ne suis pas sûre qu’il soit aussi conscient que moi de notre proximité, de nos bras qui se touchent.

De ce que ce contact me fait.

— Où as-tu vu ça ? demande-t-il au bout de quelques minutes.

— Nulle part. Juste dans ma tête.

Il me regarde d’un air intrigué, comme s’il ne me croyait pas.

— Ces oiseaux, je les vois partout. Même ici, dans la bibliothèque.

— Dans la bibliothèque ?

Je hoche la tête. Je ne lui dis pas que le même oiseau était dans la nôtre aussi. Pas le même, évidemment, mais la même espèce. Qu’il nous regardait ce soir-là, le soir de la moisson !

— Il a dû entrer par le trou dans la fenêtre et n’a pas su ressortir. Je l’ai attrapé, je l’ai remis dehors.

— Vraiment ? fait-il distraitement.

Ses yeux sont toujours sur l’image.

— Et ça, c’est un ange. C’est l’ombre de son aile. Presque comme l’aile de ton ange.

Son expression ne change pas, au contraire, la ride entre ses sourcils se creuse un peu plus.

— Pourquoi est-ce que le crâne représente la moitié de son visage ?

— Parce qu’il veille sur les morts.

J’entends ma réponse, ma propre voix. Elle est étrange.

Je lui prends le carnet des mains et le ferme.

— Peu importe, dis-je.

Soudain, je me sens très exposée, plus qu’il y a quelques instants. Je n’aime pas l’expression de son visage.

— Oublie ça !

Il se lève et récupère le carnet.

— Je t’emmène ce soir.

— Vraiment ? 

Il hoche la tête, se dirige vers la porte.

— Habille-toi ! Prends ton petit déjeuner. Je dois m’occuper de certaines choses aujourd’hui.

— Vraiment ? Tu vas m’y emmener ?

Je suis abasourdie.

— C’est ce que j’ai dit.

— Est-ce que ça fait mal ? demandé-je quand il arrive à la porte.

Il se retourne, les yeux plissés.

— Tu as peur ?

Gregory l’enfoiré est de retour.

— Non, je veux juste savoir à quoi m’attendre pour me préparer. 

— Je pense que tu apprécieras la sensation.

Nous prenons la route de Rome après vingt et une heures. La ville est belle de nuit, même si je suis trop anxieuse à la perspective du tatouage pour en profiter. Gregory est assis à côté de Matteo et ils discutent en italien. Quant à moi, je suis sur la banquette arrière, mon carnet de dessin contre moi, et je contemple le paysage.

— Tu peux encore changer d’avis, raille Gregory une fois que nous garons le SUV.

— Non, ça va, dis-je en détendant ma poigne.

Il m’a aussi proposé des pilules pour engourdir la douleur avant qu’on quitte la maison, mais je les ai refusées. Si je le fais, je veux le sentir. Je veux sentir chaque piqûre de l’aiguille.

Je boutonne mon manteau alors que nous sortons de la voiture. Matteo allume une cigarette et nous suit de près, Gregory et moi.

— Pourquoi as-tu besoin d’un garde du corps ? demandé-je.

— Un garde du corps ? 

— Matteo. 

— Ce n’est pas un garde du corps. 

— Qu’est-ce que c’est, alors ?

Gregory hausse les épaules.

— Tout ce que j’ai besoin qu’il soit. 

Je reconnais la rue aux allures de ruelle où se situe le salon de tatouage. Mis à part quelques lumières à travers les fenêtres des immeubles et celle du salon lui-même, il fait assez sombre par rapport au reste de la ville.

— Tu es sûr qu’elle aura le temps pour moi ?

Il ouvre la porte du salon et se tourne vers moi.

— Je l’ai réservé spécialement pour toi. Mais si tu veux changer d’avis…

Il laisse sa phrase en suspens et me tire par le col pour me rapprocher.

— Je ne me dégonflerai pas. 

— Bien.

Nous pénétrons dans le salon. Il est vide, à l’exception de la fille que je reconnais. Accoudée sur le comptoir, elle lit quelque chose sur son téléphone. En nous voyant, elle sourit à Gregory, puis à moi, retire le chewing-gum de sa bouche et le jette dans une poubelle avant de trier les papiers en face d’elle.

— Amelia, je te présente Laura. Laura, Amelia. 

— Ravie de vous rencontrer, lui dis-je.

Elle me salue et se tourne vers Gregory avant d’ouvrir un dossier sous cette pile de papiers, exposant quelques feuilles. Ils commencent à parler en italien et je jette un œil sur les pages.

— Comment se fait-il qu’elle ait déjà le dessin ?

C’est mon dessin, mais elle l’a reproduit en plus grand et l’a disposé différemment. Il paraît plus long, avec l’oiseau caché sous l’aile de l’ange. Leurs ailes sont presque fusionnées, mais le crâne est moins proéminent.

— Je lui ai envoyé un email pour lui expliquer à quoi tu pensais.

Il s’écarte, me révélant les trois esquisses, chacune légèrement différente des autres.

— C’est beau, dis-je en les examinant.

— Tu peux changer la couleur si tu veux, m’explique Gregory.

Les ailes sont d’un bleu foncé avec des notes turquoise, ce même turquoise que l’on retrouve dans ses yeux, et le ventre de l’oiseau est rouge. L’ange lui-même, son visage et son bras, semblent en pierre. Une statue en ruines.

— C’est parfait. Mieux que je l’imaginais.

Il hoche la tête.

— C’est vous qui l’avez fait ? demandé-je à la fille.

Elle lève les yeux vers Gregory, commence à dire quelque chose, mais il l’interrompt.

— Oui. Laura est la meilleure.

— Merci.

— Sais-tu où tu le veux ? demande-t-il.

— Oh.

Je n’y avais pas vraiment pensé.

— Eh bien… 

— Ici ? fait-il en me tournant un peu, touchant le haut de mon dos, mon omoplate gauche et la courbe de mon bras. Qu’en penses-tu ? 

Je le regarde et hoche la tête.

— Ça va ressembler à un sentier, comme celui-là, dit-il en me montrant les bords du dessin, semblables au sable soufflé par le vent.

Semblables aux cendres.

Et c’est si beau.

Je suis bouleversée et je parviens à peine à hocher la tête.

Laura se redresse, prend les croquis.

— Prête ? demande-t-elle.

Gregory me surveille toujours. Il se penche derrière le comptoir pour s’emparer d’une bouteille de whisky sur une étagère en dessous.

— Oui, dis-je.

Maintenant, je voudrais bien un peu de ce whisky. J’aurais peut-être dû prendre les pilules qu’il me proposait.

Gregory enlève son manteau, le suspend.

Je suis Laura et prends place sur le même siège où Gregory s’est assis lorsqu’elle lui a fait le sien. Je retire mon manteau et Laura me propose de chevaucher la chaise pour que mon dos soit tourné vers elle. Oui. C’est confortable et je peux reposer ma tête contre le dossier. Je déboutonne mon chemisier et le fais glisser sur mes deux bras.

— Le soutien-gorge aussi, précise-t-elle.

Je regarde Gregory qui nous observe, de l’autre côté du salon, alors que j’arrive à dégrafer mon soutien-gorge et à l’enlever.

Laura me positionne un peu différemment. Le cuir est frais contre mes seins nus. Elle oriente la lumière à l’endroit où elle fera le tatouage. On n’entend que les chaussures de Gregory qui marche vers nous pendant qu’elle nettoie la zone et je sens le froid de l’antiseptique sur ma peau.

— Ça va aller, conclut-elle.

Elle doit se rendre compte que je suis nerveuse.

— Ce sera si beau ! ajoute-t-elle.

— Merci. 

Gregory s’approche, pose la bouteille et me tend son verre.

Je le regarde, le prends et bois une gorgée, puis je le lui rends.

Il s’adosse contre le mur et Laura commence. La machine émet un bruit beaucoup plus aigu que l’autre jour, bien plus effrayant.

— Détends-toi ! me dit Gregory.

J’inspire profondément, déplie mes mains et ferme les yeux alors qu’elle commence à travailler. D’une certaine manière, ce n’est pas insupportable, la sensation est presque satisfaisante. Presque.

Le bourdonnement de l’aiguille se poursuit pendant les heures qui suivent jusqu’à ce qu’elle termine enfin et lève les yeux vers Gregory.

Il regarde plus près et l’intensité dans ses yeux est un peu plus sombre que pendant les trois dernières heures. Il étudie le tatouage avant de lui adresser un clin d’œil.

Laura prend un miroir et le tient derrière moi. Je regarde par-dessus mon épaule et reste bouche bée.

C’est parfait.

C’est beau.

Non. C’est plus que ça.

C’est presque… Vivant.

Et les ailes de l’ange sont du même bleu que l’ange brisé de Gregory.

— Vous aimez ? demande-t-elle.

La pauvre, elle doit être épuisée.

— Oui. C’est… 

Laura sourit et hoche la tête pour montrer qu’elle a compris. Je suis reconnaissante, parce que je n’arrive pas à trouver de mots pour décrire ce que je vois.

Elle se lève, s’étire, se dirige vers une autre partie de la boutique.

Je lève alors les yeux vers Gregory et il déplace son regard du tatouage jusqu’à moi.

— Tu vois des fantômes, Amelia ?

La question est si abrupte, si hors de propos, que tout ce que je peux faire est le fixer bêtement.

— Cet ange, poursuit-il, il veille sur le mausolée des Scafoni.

— Quoi ?

— Sur l’île.

— Je ne comprends pas.

— Moi non plus, déclare-t-il, le regard différent.

— Comment as-tu pu le dessiner ?

Je secoue la tête, essayant de me souvenir. C’était juste quelque chose que j’ai vu dans ma tête.

— Ta sœur t’en a-t-elle parlé ?

— Non, non. Elle ne parle pas de l’île. Jamais.

Il y reporte son regard.

— C’est une coïncidence. Juste un ange. C’est tout.

Pourtant, ce n’est pas le cas. Je le sais. Il le sait.

Comme les fantômes des Willow mortes qui se cachent dans l’ombre de notre bibliothèque. Comme les ombres des spectres qui hantent les bords du tatouage sur sa poitrine.

— Il n’y a pas de coïncidence, Amelia.