UN MATIN

C’était, dans la campagne émerveillée, un coin

Où la prairie en fleur brillait comme un visage,

Où deux grands étangs bleus s’arrondissaient au loin

Comme un double baiser du ciel au paysage.

Sur les mousses de vair et les pierrailles d’or,

Les eaux, telles des pleurs d’aube s’égouttaient blanches;

L’éclair d’un vol d’oiseau frôlait le sol, l’essor

Rythmé, suivant le va-et-vient, au vent, des branches.

Des mélèzes frangés tendaient leurs bras ouverts

Comme des pèlerins tournés vers la lumière.

L’ombre dormait sous eux, au long des gazons verts,

Et s’étendait jusqu’aux miroirs de la rivière.

Les cristaux du matin étincelaient dans l’air;

Toute la vie ornait le silence des choses;

Toutes les feuilles brillaient de mouvement clair

Et le Verbe tremblait sur leurs lèvres décloses.