LES HEURES D’APRÈS-MIDI

X

Toute croyance habite au fond de notre amour.

On lie une pensée ardente aux moindres choses:

A l’éveil d’un bourgeon, au déclin d’une rose,

Au vol d’un frêle et bel oiseau qui, tour à tour,

Arrive ou disparaît, dans l’ombre ou la lumière.

Un nid, qui se disjoint au bord moussu d’un toit

Et que le vent saccage, emplit l’esprit d’effroi.

Un insecte qui mord le cœur des fleurs trémières

Épouvante: tout est crainte, tout est espoir.

Que la raison, avec sa neige âpre et calmante,

Refroidisse soudain ces angoisses charmantes,

Qu’importe, acceptons-les sans trop savoir

Le faux, le vrai, le mal, le bien qu’elles présagent;

Soyons heureux de nous sentir enfants,

Pour croire à leur pouvoir fatal ou triomphant;

Et gardons-nous, volets fermés, des gens trop sages.


XXIX

Vous m’avez dit, tel soir, des paroles si belles

Que sans doute les fleurs qui se penchaient vers nous

Soudain nous ont aimés et que l’une d’entre elles,

Pour nous toucher tous deux, tomba sur nos genoux.

Vous me parliez des temps prochains où nos années,

Comme des fruits trop mûrs, se laisseraient cueillir;

Comment éclaterait le glas des destinées,

Et comme on s’aimerait, en se sentant vieillir.

Votre voix m’enlaçait comme une chère étreinte,

Et votre cœur brûlait si tranquillement beau

Qu’en ce moment j’aurais pu voir s’ouvrir sans crainte

Les tortueux chemins qui vont vers le tombeau.