TEMPS GRIS

La Mer du Nord n’est elle-même

Qu’aux jours rugueux d’hiver,

Quand ses vagues à l’infini sont blêmes

Et ses sables, jusqu’au printemps, déserts.

Toute sa patience avide et sourde

Travaille alors à son énormité

D’embruns compacts, de vagues lourdes

Et de mornes clartés.

Si, vers midi, les cieux noirs se dérident,

L’instant vite s’enfuit, l’instant vermeil

Où se traîne, sur les grèves torpides,

L’or fatigué des vieux soleils.

Et l’ombre, à coups de lumière éventrée,

Se referme, sitôt que l’horizon hagard

Soulève, avec les blocs de sa marée,

Les flux montants de ses brouillards.

Et la mer, boudeuse et vomissant l’écume,

Recommence sa lutte et ses combats,

Engloutissant, derrière un mur de brumes,

Tant de voiles qu’on ne voit pas.