LE PÉRIL

On écoute rouler comme un tonnerre d’eau

Là-bas, au loin, sur la mer grise;

Et les vagues, ainsi que des blocs d’eau

Monumentaux,

Sur le sable se brisent.

Les yeux menus des petites lumières

Veillent partout dans les chaumières

Et regardent, depuis hier soir,

La mer gronder sous l’envoûtement noir.

Derrière un mur de brume,

Ils sont partis, les pêcheurs roux;

Ils s’acharnent, mais Dieu sait où,

Parmi des monts de tempête et d’écume.

Avec leur âme, avec leur corps,

Avec leurs yeux brûlés de sel,

Avec leurs doigts mordus de gel,

Ils travaillent contre la mort.

Ils s’appellent et ne s’entendent pas.

L’Ouest, le Nord, toute la mer fait rage;

Le mât

Crie et tremble de haut en bas,

Comme une bête en un naufrage.

Le bateau meurt et se disjoint,

Et se creuse une fosse en la vague profonde;

Et les phares lointains apparaissent plus loin

Que s’ils régnaient an bout du monde.

Et néanmoins les petites lumières

Veillent toujours dans les chaumières;

Et parsèment les enclos noirs,

Comme les miettes du pain d’espoir.

Et les femmes, sous leurs manteaux funèbres,

Le poing crispé contre la bouche,

Sont là toujours, muettes et farouches,

A regarder vers les ténèbres.