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Désobéissance
À l’audace je fais le serment
Des mots d’amour
Plus le temps d’être à contre-jour
Marie émergea d’un profond sommeil. Elle jeta un œil au radio-réveil. Il était sept heures. Elle fit doucement surface et réalisa qu’elle entendait au loin la musique de sa fille aînée. L’adolescente était fan de la dernière chanson de Mylène Farmer et la mettait à pleine puissance, dès le matin, pour se motiver, disait-elle.
— Paula ! Baisse un peu ! cria Marie de son lit.
Le son diminua peu à peu. Marie se leva et descendit à la cuisine. Lucie et Vincent étaient déjà attablés. Vincent prit un air bougon en voyant sa mère.
— C’est nul Mylène Farmer. Tu peux pas dire à Paula de mettre autre chose ? demanda-t-il en soufflant.
Lucie rajouta sur un ton enjoué :
— Elle pourrait nous faire écouter Bigflo et Oli par exemple !
Paula apparut à la porte.
— Détendez-vous, les nazes !
Et elle reprit en s’adressant à sa mère :
— J’y vais, maman. Je vais rejoindre Julie avant les cours. On doit commencer à réviser pour le bac français.
— O. K. Bonne journée, ma chérie. À ce soir !
Marie repensa aussitôt à sa convocation chez les gendarmes de Trévoux. Elle n’en avait pas dormi de la nuit. Elle en tremblait. Et si les gendarmes la soupçonnaient ? Devait-elle parler de la silhouette aperçue le jour de la mort de José ? Devait-elle donner le nom de Paul ? Elle en était là de toutes ses questions lorsqu’elle fut interrompue par la sonnerie du téléphone. Elle se leva et décrocha.
— Bonjour. C’est Aurélie. Xavier est parti travailler. Je viens aux nouvelles. Du nouveau ?
Marie ne souhaitait pas lui parler de sa convocation chez les gendarmes. Elle
sentait que cela compliquerait encore la situation.
— Bonjour, Aurélie. Non, rien de nouveau. Et de ton côté ?
Marie espérait qu’elle lui parlerait du téléphone de Michel, trouvé par Vincent dans sa voiture.
— Rien non plus, répondit cependant Aurélie.
Marie comprit alors qu’elle ne jouait pas franc jeu avec elle, et se félicita de n’avoir rien dit de plus. Elle devait continuer à se méfier de cette femme.
— Il faut que je te laisse. On s’appelle si on a du nouveau, reprit-elle.
Après avoir raccroché, Marie resta quelques instants dans ses pensées. Quel jeu jouait Aurélie ? Beaucoup de choses étaient toujours à éclaircir. Encore en peignoir, Marie monta s’habiller en même temps que Lucie et Vincent, lesquels préparaient déjà une liste de leurs chanteurs préférés, à l’intention de leur sœur aînée.
Plus tard, Marie se gara devant la gendarmerie. Elle avait dû prévenir son patron, lequel l’avait rassurée, car il avait été lui aussi convoqué la veille. Elle avait tout de même les jambes qui flageolaient lorsqu’elle pénétra dans l’enceinte militaire. Elle reconnut immédiatement le gradé qui lui avait remis la convocation. Il s’avança vers elle.
— Bonjour, madame Davau. Veuillez me suivre, s’il vous plaît.
Il la guida dans un dédale de couloirs jusqu’à un bureau sans fenêtre, sans âme. Au milieu de la pièce trônaient une table et deux chaises.
— Asseyez-vous. C’est une enquête de routine. J’ai néanmoins besoin de vous poser quelques questions pour éclaircir les circonstances de la mort de M. Rivoli.
Il lui demanda dans un premier temps de décliner son identité.
— Je m’appelle Marie Davau. Je suis née le 10 octobre 1982 à Lyon 5e.
Il l’interrogea sur sa situation matrimoniale. Marie ne savait quoi répondre.
— J’ai été mariée… mais je suis veuve… Enfin, mon mari a disparu depuis six ans et on ne l’a jamais retrouvé.
— Je sais, reprit le gendarme. J’ai étudié vos antécédents et j’ai découvert cela. Je suis désolé pour vous. Pourriez-vous maintenant me parler du jour de la mort de José Rivoli ? Vous étiez souvent présente le soir dans l’entreprise, selon les déclarations de votre patron ? Un détail vous a-t-il marquée ?
Marie se trouva quelque peu décontenancée, mais se ressaisit tout de suite.
— Effectivement, je dois souvent faire des heures supplémentaires en soirée afin de mettre à jour la comptabilité de la société.
— Y étiez-vous le soir des faits ?
Marie se dit qu’il valait mieux ne pas mentir sur sa présence.
— Oui. Effectivement, j’avais du travail à terminer. Je suis restée un peu tard. Mais lorsque je suis partie, vers vingt heures, José Rivoli était encore dans son bureau, bien vivant.
N’ayant pas prévenu les secours, elle ne pouvait pas dire qu’elle avait vu José mort. Pourvu que les autres témoignages aillent dans ce sens !
— Y avait-il quelqu’un d’autre dans les bureaux ?
Marie pensa qu’elle n’avait pas le choix. Elle ne voulait pas être la dernière personne à avoir vu José.
— Il me semble qu’il y avait Paul, du service commercial, Paul Poncet.
Le militaire paraissait être déjà au courant. Il la questionna ensuite sur la personnalité de José Rivoli ainsi que sur d’éventuels évènements dont elle aurait pu être témoin.
Un deuxième gendarme fit soudain irruption dans la pièce et demanda à parler à son supérieur. Le gradé s’excusa et sortit.
Marie se retrouva alors seule. Elle entendit son portable vibrer. Elle l’attrapa et jeta un œil. C’était un appel du lycée. Elle s’empressa d’écouter le message. Paula ne s’était pas présentée en cours ce matin. Marie n’eut pas le temps de téléphoner à sa fille. Le gendarme revenait déjà. Il avait la mine grave. Il s’assit et regarda Marie droit dans les yeux.
— Avez-vous une fille du nom de Paula ?
Elle sentit ses jambes se dérober et pâlit affreusement. Le militaire la rassura en comprenant la brutalité et la maladresse de sa question.
— Ne vous inquiétez pas. Votre fille va bien. Elle vient néanmoins de se faire interpeller par une patrouille, pour conduite sans permis.