25
Paula faisait les cent pas dans sa chambre. Aujourd’hui était le grand jour. « Pourvu que tout ait fonctionné ! » Pour la énième fois, elle vérifia les messages sur son téléphone. Lorsque celui-ci sonna, elle reconnut le numéro de Julien et décrocha à la première sonnerie, le cœur battant.
— Alors ? demanda-t-elle aussitôt.
— Alors, c’est fait.
— C’est fait ?
— Oui, je te dis. Tout a été viré sur le compte que tu m’as donné.
— C’est pas vrai ? J’arrive pas à y croire !
Paula se tut un instant. Elle en avait les larmes aux yeux.
— Tu es un vrai héros.
— Je n’ai fait qu’un petit tour de passe-passe informatique.
— Tu ne te rends pas compte. Tu viens de sauver ma mère… et nous, par la même occasion.
Paula, aux anges, n’avait désormais plus qu’une idée en tête : aller trouver Xavier et mettre un terme définitif à ses agissements. Tant pis pour le micro. Elle fit part à Julien de son intention. Celui-ci, connaissant le caractère bien trempé de sa dulcinée, sentit le danger.
— Ne fais surtout rien d’imprudent, Paula. Promets-le-moi.
— Ne t’inquiète pas, mon geek préféré !
— Tu te souviens de la puce GPS que j’ai fabriquée en stage ?
— Oui, bien sûr. Tu me l’as donnée et je l’ai rangée précieusement.
— Eh bien, récupère-la et insère-la dans le col de ton blouson. C’est le moyen le plus fiable pour te localiser en temps réel et même pour pouvoir te suivre. On ne sait jamais !
— Je te le promets, mon amour, et surtout ne t’inquiète pas, répondit Paula, touchée par la sollicitude du jeune homme.
— J’ai encore trois heures de cours cette après-midi. Je te rejoins dès que j’ai fini.
— C’est d’accord. Alors, à tout à l’heure. Je t’aime.
— Je t’aime aussi.
Après avoir raccroché, Paula resta quelques instants sans bouger. « Pour toi, maman, j’aurai vraiment tout fait. »
Ne tenant plus en place, elle décida d’aller trouver Xavier. Elle fit le chemin à pied, plus déterminée que jamais à en finir avec cette histoire. Lorsqu’elle parvint devant la maison de la famille Monfreidi, elle hésita, revint sur ses pas, pour finalement se diriger à grandes enjambées vers l’entrée.
Elle sonna de façon prolongée. Une silhouette apparut derrière la porte vitrée. Paula reconnut Xavier. Il ouvrit.
— Eh bien, en voilà une surprise ! ricana-t-il.
Paula avait envie de lui sauter au visage.
— Je viens vous mettre en garde, fulmina-t-elle.
— En garde contre quoi ?
Xavier prit une expression ahurie.
— Je ne veux plus vous voir tourner autour de ma mère, ni de notre maison. Je ne veux plus que vous la menaciez.
— Mais de quoi parlez-vous ? tenta Xavier, prenant un air faussement innocent.
— Ne faites pas l’idiot avec moi. Je suis au courant de tout.
Paula crut percevoir un léger tiraillement sur le visage de son interlocuteur.
— Je sais qui vous êtes. J’étais là lorsque vous avez tué ce pauvre type dans les bois.
Pour la première fois, Xavier blêmit et Paula le sentit déstabilisé.
— Vous n’êtes certainement pas innocent non plus dans la disparition de mon père et je compte bien le prouver !
Au moment où elle le menaçait, un doigt en avant, Xavier l’attrapa violemment par le bras et la fit entrer de force dans la maison. Il
claqua la porte derrière eux. Paula tenta de s’échapper dans le couloir, mais Xavier, plus vif, la rattrapa et la ceintura de
ses bras puissants. La jeune femme perçut dans le regard de ce dernier une haine féroce.
— Ne pense pas t’en sortir ainsi ! cria-t-il.
Il la tira par les bras jusqu’à la cuisine. Il ouvrit un tiroir et attrapa dans le fond de celui-ci deux
Serflex qu’il s’empressa de lui mettre aux poignets ainsi qu’aux chevilles.
— Ne t’avise surtout pas de me jouer un mauvais tour. Sale petite fouine !
Paula demeura sans voix, terrorisée par sa force impressionnante. « J’ai tout intérêt à rester tranquille », pensa-t-elle.
Xavier la fit basculer par-dessus son épaule et se dirigea vers le garage. À l’intérieur se trouvait son véhicule. Il ouvrit le coffre et la jeta dedans sans ménagement. Il attrapa un rouleau de gros scotch sur l’établi et la bâillonna. Paula se laissa faire. Xavier referma le coffre et prit le volant.
Elle sentit la voiture démarrer. « Mais où m’emmène-t-il ? » Le véhicule roula un moment qui lui parut une éternité. Enfin, elle sentit que l’automobile empruntait un chemin caillouteux. Xavier finit par s’arrêter. Une portière claqua.
Paula attendait qu’il se manifeste. Le coffre s’ouvrit. Il faisait encore jour. Éblouie par la lumière, la jeune fille cligna des yeux et chercha à reconnaître l’endroit où ils se trouvaient. Xavier s’en rendit compte et attrapa dans le coffre un chiffon huileux qu’il s’empressa de lui nouer devant les yeux.
— Tu feras moins la maligne comme ça, cracha-t-il d’une voix caverneuse.
« C’est un monstre enragé. Que va-t-il faire de moi ? » Xavier la porta de nouveau sur l’épaule. Paula devina qu’ils entraient dans une maison. Il grimpa quelques marches et la jeta. Elle
rebondit sur un matelas posé à même le sol, en étouffant un cri de douleur et de peur. Il lui ôta le bandeau répugnant, imprégné d’une odeur infecte.
Les persiennes étaient fermées. La pièce était plongée dans la pénombre. Xavier saisit les poignets attachés de Paula et les noua avec le chiffon à un radiateur en fonte.
— Ne bouge pas. Je vais revenir m’occuper de toi… comme j’ai fait avec ton père il y a des années ! J’aurais d’ailleurs dû tous vous liquider. J’ai été trop con.
Il éructait d’une haine sauvage et il sortit de la pièce en riant telle une hyène. Paula, terrorisée, ne pensait même plus à la puce que Julien avait eu la bonne idée de lui faire mettre dans le col de sa veste. Pourquoi était-elle venue se jeter dans la gueule du loup aussi bêtement ?