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Julien avait indiqué à Marie les coordonnées exactes du GPS et avait promis de la rejoindre sur place. Elle avait immédiatement compris que la présence de Xavier dans le secteur n’était pas un hasard. Il détenait sa fille. Mais pourquoi ? À quel jeu dangereux jouait-il ? Elle pesta de ne pas avoir son arme avec elle, mais c’était trop tard pour faire demi-tour. Elle roulait à vive allure lorsqu’elle parvint devant une allée qui menait à une ferme isolée, alors que le soir tombait. Elle s’en voulait de s’être laissé distancer plus tôt dans la journée. Quand elle avait perdu de vue la voiture de Xavier, Paula était peut-être déjà dans son coffre et elle n’avait rien pu faire pour elle. Elle se sentit misérable, mais l’urgence lui commandait de reprendre ses esprits et d’agir avec lucidité.
Prudente, elle éteignit ses phares et se gara au début du chemin, légèrement en retrait. Elle descendit du véhicule et avança à pas feutrés. Julien l’appela au même moment. Elle répondit en chuchotant :
— Je suis sur place. Je me rapproche de la maison. Pour l’instant, rien ne bouge.
— Soyez prudente, Marie. Je fais au plus vite, mais je suis dans les bouchons.
Appelez-moi dès que vous verrez Paula.
— C’est promis !
Marie continua d’avancer. Le chemin de terre devenait maintenant caillouteux ; elle faillit se tordre la cheville. Elle progressa encore de quelques pas. « Pourvu qu’il n’y ait pas de chien dans le secteur ! » Elle s’immobilisa et, malgré l’obscurité, elle reconnut soudain la voiture de Xavier sur le côté d’un bâtiment, sans doute une ancienne ferme. Son cœur s’accéléra. « Ordure ! Tu vas me le payer ! »
Elle crut entendre du bruit et tendit l’oreille. C’était immense et il y avait plusieurs bâtiments dont une grange. Elle arrivait à l’entrée de ce qui devait être l’habitation. Elle préféra contourner la bâtisse et trouva par chance une porte de service ouverte sur l’arrière. Elle pénétra à l’intérieur. Il planait là une odeur de moisi et de renfermé, comme dans les maisons inoccupées depuis des années. Marie se tenait dans le couloir et vit au bout de celui-ci un trait de lumière sous une porte. Elle entendit soudain des éclats de voix. « Oh ! Paula ! Ma pauvre petite fille ! »
Elle reconnut celle de Xavier et son ton agressif.
— Tu vas avaler ça, espèce de sale fouineuse !
Marie s’approcha, parvenant à maîtriser les battements affolés de son cœur et sa peur. Elle posa la main sur la poignée et ouvrit la porte lentement. Une arme était posée là, tout près. Sans trop réfléchir à la situation, elle s’en empara et la pointa droit devant elle.
— Ne bouge plus ou je tire !
Xavier se tenait de dos. Il se raidit.
— Tiens, tiens, charmante compagnie et belles retrouvailles, voilà la mère, une alcoolique notoire !
Marie ne l’écoutait pas. Elle tremblait de tous ses membres en fixant Paula. Celle-ci lui
fit un petit signe de tête pour signifier qu’elle allait bien. Marie garda l’arme pointée sur Xavier. Il se retourna et avança d’un pas dans sa direction.
— Eh bien, vas-y, tire si tu en as le courage, dit-il d’un air narquois.
Marie le regardait, tétanisée. Elle agita le pistolet sans pouvoir parler.
— Alors ? Qu’est-ce que tu attends ? Tu as trop bu ? Tu as perdu tes moyens ? se moqua-t-il.
— Reste où tu es, réussit-elle enfin à articuler.
Xavier continuait néanmoins à avancer. Il tendit le bras.
— Allez, donne-moi cette arme.
Paula faisait de grands yeux derrière lui et elle parvint à recracher son bâillon.
— Tire, maman !
Au moment où Marie appuyait sur la détente, il agrippa son bras. Le coup partit dans le plafond, et Xavier, se
saisissant de l’arme, reprit le dessus. Il plaqua Marie au sol, l’immobilisa, alors que Paula s’était mise à hurler de toutes ses forces. Il attrapa une corde et l’attacha à son tour.
— Va donc la rejoindre, intima-t-il à Marie tout en remettant le bâillon à la jeune femme.
Marie, anéantie, s’écroula près de sa fille. Xavier croisa les bras, fier de la tournure des évènements.
— Eh bien, si j’avais imaginé qu’après le père, j’aurais la mère et la fille…
Il n’eut pas le temps de finir sa phrase. Il s’écroula sur le sol. Julien venait de lui asséner un coup de manche de pioche sur la tête. Le jeune homme était arrivé juste à temps. Il s’avança en boitant jusqu’aux deux femmes pour les libérer.
— Ça va ? Vous n’avez rien de grave ?
— Non, tout va bien, s’écrièrent-elles d’une même voix soulagée, sans remarquer le sang à ses mains et sur sa jambe droite.
Ils étaient tous les trois dans les bras l’un de l’autre lorsqu’une voix résonna.
— Qui est donc ce troisième larron ?
Xavier était debout, le visage en sang, l’arme à la main. Marie se redressa.
— Laisse-les tranquilles. Garde-moi si tu veux, mais laisse-les partir, je t’en supplie.
— C’est ça. Et dès qu’ils auront franchi la porte, ils iront trouver les gendarmes. Prends plutôt les cordelettes là-bas et attache donc tes deux protégés. Dépêche-toi !
Marie s’exécuta et découvrit, horrifiée, la blessure de Julien, alors que Xavier posait l’arme pour vérifier les liens.
— Pourquoi ce pauvre garçon est-il en sang ? Pourquoi t’acharnes-tu sur nous ?
— Ma propriété est piégée, juste de quoi tenir les curieux à l’écart. Il n’a sans doute pas su lire le panneau à l’entrée ! Et toi ? Tu crois que je n’ai pas trouvé le micro que tu as fait poser par ton fils dans mon bureau ?
— De quoi parles-tu ?
Paula avait pâli.
— Ma mère n’y est pour rien. C’est moi qui ai demandé cela à mon petit frère.
— Voyez-vous donc ! Avancez vers moi, que je vérifie vos liens.
Il attrapa Marie sans ménagement par l’épaule et regarda Paula.
— Ta mère va payer pour toi.
La jeune fille se mit à pleurer et Marie à crier. Xavier lui donna une gifle et l’entraîna vers la sortie en l’empoignant par les cheveux.
— Arrête ça tout de suite !
Aurélie était sur le seuil de la porte. Elle venait de s’emparer de l’arme posée sur le guéridon.
— Décidément, je ne fais que des bêtises et des erreurs de débutant. C’est le grand final, fit Xavier. Quelle touchante soirée entre amis !
Aurélie leva la main et tira un coup de feu dans le plafond.
— Mets-toi à genoux et arrête de faire le guignol. Tu as perdu la partie !