NOTICE

Les traités 47-48 abordent le thème classique de la providence. Ils formaient à l’origine un seul traité, que Porphyre divisa maladroitement en deux parties de longueur inégale, où la coupure sépare une question de sa réponse. Plotin s’est déjà prononcé sur la nature de la providence dans les traités 27 (IV, 3), 15-16 ; 28 (IV, 4), 39 et 39 (VI, 8), 17, mais ce n’est qu’ici que la doctrine complète est exposée.

Les adversaires de Plotin sont les épicuriens, les péripatéticiens et les gnostiques. Les épicuriens nient la providence, car les dieux n’interviennent pas selon eux dans notre monde. Trop de maux en effet rendent la vie ici-bas malheureuse pour admettre qu’une providence divine prenne soin des hommes : les maladies, la mort et les bêtes sauvages sévissent sans fin. De surcroît, si la providence existait, plus rien ne dépendrait de nous, car les dieux contrôleraient tout. Quant à Aristote, il ne se prononce pas dans les œuvres que nous possédons de lui sur le statut de la providence. Il est toutefois courant, aux premiers siècles après J.-C., de considérer que la providence ne s’étend pas pour lui au-delà de la sphère lunaire, c’est-à-dire qu’elle gouverne le ciel, mais non la région sublunaire. Les péripatéticiens nient eux aussi la providence sublunaire au motif que trop de choses sont hostiles à la vie humaine. Les gnostiques, quant à eux, limitent le champ d’activité de la providence, car celle-ci ne s’applique qu’aux élus gnostiques, aux adeptes de la gnose, et non aux hommes du commun. Le monde manifeste en outre trop d’imperfections pour refléter un ordre divin. Celui qui l’a produit ne mérite que des reproches. Plotin répond aux épicuriens que la providence existe manifestement et, aux deux autres groupes de philosophes, qu’elle s’étend à toutes choses. Enfin, il fait valoir aux uns et aux autres que le monde est un beau produit, autonome et parfait, qui comprend en lui des maux qui sont naturels et nécessaires.

Dans sa défense de la providence, Plotin prend Platon pour premier allié. Le fond de sa doctrine dérive du dixième livre des Lois et, en second lieu, des dialogues qui décrivent la réincarnation. Dans les Lois, Platon pose le problème central de la théodicée : les dieux n’ont aucun souci des hommes, semble-t-il, car des méchants récoltent les honneurs et les richesses, et les impies échappent aux châtiments et meurent comblés (X, 899d-900b). Platon répond d’abord (903b-c) que tout se produit en vue de l’univers en son entier et non en vue de ses parties. La partie agit et pâtit comme il convient à l’ensemble. L’homme s’irrite à tort des prétendus malheurs qui l’affligent, car il ignore ce qui est bien pour lui et pour l’ensemble. Platon ajoute ensuite (903d et 904b-905c) que chaque partie de l’univers est à la place qui lui revient et que cela est vrai aussi pour les âmes. Ces dernières ont la pleine responsabilité de leurs actions et elles reçoivent le sort qu’elles méritent. Si les méchants ne subissent pas leur châtiment dans cette vie, ils seront punis lors de leur prochaine réincarnation. Les méchants se réincarnent dans des corps de bêtes selon la nature de leur faute, alors que les bons obtiennent un sort meilleur, jusqu’à rejoindre l’intelligible. Personne n’échappe à la justice divine. Les traités 47-48 adoptent cette doctrine qui voit la justice à l’œuvre dans les réincarnations successives. Plotin insiste sur la liberté propre aux âmes humaines et sur la responsabilité qui est la leur lorsqu’elles font le mal. Toute âme obtient la juste rétribution de ses actions, que ce soit dans la vie présente ou dans la vie future. Les maux qui affligent les hommes n’adviennent pas au hasard, mais ils constituent une punition méritée pour des fautes antérieures. Celui qui subit un malheur le subit justement, alors que celui qui afflige autrui le fait injustement et paiera un jour pour son égarement. Les maux ne sont donc que des « prétendus » maux, car ils existent pour le bien de l’ensemble et pour la justice.

C’est sur ce thème que Plotin s’adjoint un second allié : le stoïcisme, ardent défenseur de la providence divine. Plotin lui emprunte des exemples et des arguments afin de minimiser, voire d’annuler, l’importance des maux. Comme il l’a fait au traité 46 (I, 4), Sur le bonheur, Plotin considère que les maux sont insignifiants pour le sage, qui est imperméable aux malheurs d’ici-bas. Rien n’est un mal pour les bons : ils se rient de la pauvreté, des maladies, de la mort, des guerres, des pillages des cités, et ainsi de suite. Tout cela n’est qu’un jeu. Les hommes qui se comportent comme des enfants prennent leur jouet au sérieux, c’est-à-dire leur corps et leur âme inférieure, alors que les hommes matures ne prennent au sérieux que ce qui mérite de l’être : leur âme intellective. Ici-bas, la vie humaine peut être comparée à une pièce de théâtre. Les hommes qui meurent se réincarnent sous d’autres formes, comme l’acteur qui sort de scène et qui revient revêtu de nouveaux habits. À l’instar des stoïciens, qu’il suit de près sur ce point, Plotin souligne l’utilité de toutes les choses qui existent. Les bêtes sauvages, la pauvreté, les maladies et les vices ont aussi leur utilité pour les hommes. Même si on ne la saisit pas, cette utilité existe et l’on finira un jour par la découvrir. En outre, la terre n’est qu’un point insignifiant dans l’univers, dont le ciel représente la plus grande partie. Les hommes ont peu d’importance dans l’univers et il ne faut pas accorder trop de valeur aux malheurs qu’ils subissent.

Plotin ne se borne pas toutefois à répéter les dogmes platoniciens et stoïciens. Sa pensée, profonde et originale, transfigure ses diverses sources d’inspiration et les enchâsse dans une argumentation inédite. Les traités 47-48 s’appliquent à montrer de quelle manière les choses ont été produites et dans quelle mesure elles sont bellement disposées. La vraie nature de la providence n’apparaît en effet que replacée dans le cadre général de la métaphysique et de la cosmologie. D’entrée de jeu, Plotin définit la providence de la manière suivante : « pour l’univers, la providence tient dans le fait qu’il existe conformément à l’Intellect » (47 (III, 2), 1, 21-22). Le début du traité s’en tient à une explication générale de la production de l’univers sensible. L’Intellect est le modèle et l’archétype dont dépend l’univers. Monde véritable et un, l’Intellect a pour image l’univers d’ici-bas, multiple mais unifié. Une raison (lógos) s’écoule de l’Intellect pour produire le monde sensible. Cela se fait toutefois, Plotin y insiste beaucoup, sans aucune réflexion préalable ni aucun choix de la part de l’Intellect. La production de l’univers est un processus naturel, car il fallait que l’intelligible répande sa puissance hors de lui-même et qu’il donne vie à l’univers. La providence est donc l’ordre rationnel que l’univers tient, naturellement et sans calcul préalable, de son modèle intelligible. Au fil des chapitres, Plotin précise de quelle manière l’univers sensible est venu à l’être. Le portrait général qui se dégage des traités 47-48 est le suivant. L’Intellect contient toutes choses, c’est un monde intelligible dans lequel se trouvent toutes les Formes. Sa puissance produit l’Âme, qui reçoit les Formes en tant que raisons (lógoi), car l’Âme ne peut garder intact le don que lui a fait l’Intellect. Elle fractionne donc les Formes en des raisons qui présentent un degré plus avancé de multiplicité. Ces raisons viennent ensuite dans la raison de l’univers, qui s’identifie à l’âme du monde. Plus précisément, ces raisons appartiennent à la partie supérieure de l’âme du monde, celle qui ne s’éloigne jamais de l’âme hypostase. Elles s’écoulent enfin vers la partie inférieure de l’âme du monde, qui tend vers le bas et qui produit le monde sensible en ordonnant la matière qu’elle a produite.

La providence totale fait donc intervenir deux providences : la providence d’en haut est celle qui réside dans l’Intellect et dans l’Âme, alors que la providence d’en bas est la partie inférieure de l’âme du monde, laquelle correspond à la nature et au destin. La partie inférieure de l’âme du monde est une raison productrice (lógos poiētikós), alors que sa partie supérieure est une raison qui établit un lien entre le sensible et l’intelligible (lógos sunáptōn). La providence agit donc par l’intermédiaire des raisons, qui produisent un univers ordonné et qui gouvernent tout ce qui dépend de la nature. Les parties de l’univers sont soumises aux raisons naturelles et au destin qui les dirige. Seul l’homme peut échapper à l’ordre de l’univers, car il est un principe autonome et libre. S’il donne préséance à la partie non descendue de son âme, il reste maître de ses actions et il se soustrait à la causalité qui règne ici-bas. L’âme humaine ne constitue pas toutefois une exception à la règle selon laquelle les raisons produisent tout et gouvernent tout. Car même si notre âme ne se trouve pas parmi les raisons contenues dans l’âme du monde, elle se retrouve parmi celles qui résident dans l’Âme. L’âme hypostase comprend en elle toutes les âmes, autant les âmes individuelles que l’âme du monde, et ces âmes ont comme activité propre d’être des raisons.

Plotin place donc le monde sensible sous l’égide des raisons, qui se trouvent partout et qui interviennent partout. L’univers est le produit des raisons, qui agissent par l’intermédiaire soit de l’âme du monde, soit des âmes individuelles. Mais en plus des raisons formatrices et de celles qui appartiennent aux âmes humaines, Plotin soutient que l’univers obéit à un code de lois, à un ensemble de règles qui régissent rétributions et châtiments ; par exemple, ce sont les lois de la réincarnation, selon lesquelles les méchants reviennent dans des corps de bêtes pour les fautes qu’ils ont commises. La loi de la providence veut que les bons soient heureux et continuent à l’être, alors que les méchants obtiendront le contraire. De manière plus spécifique, ce sont ces mêmes lois qui mènent aux succès et aux échecs dans les entreprises d’ici-bas. Par exemple, les hommes courageux vainquent lors des combats, ceux qui prennent soin de la terre obtiennent de meilleures récoltes, ceux qui ont une bonne hygiène de vie jouissent d’une santé florissante, et ainsi de suite. C’est ainsi que les choses se passent dans le monde. Que celui qui prie toute la journée ne s’étonne pas de perdre ses récoltes. Que celui qui vit dans la mollesse ne s’en prenne qu’à lui-même si quelqu’un le roue de coups et le dévalise. Que nul ne se plaigne si les méchants ont un meilleur sort parce qu’ils mettent plus d’efforts dans leurs entreprises. En un mot, l’homme doit mériter les bienfaits qui lui sont accordés. Ce n’est pas aux dieux de gratifier les hommes de cadeaux qu’ils n’ont pas mérités.

Si l’on considère la manière dont les choses ont été produites, force est d’admettre, selon Plotin, que l’univers est un beau produit et que tout en lui est disposé comme il faut. Il va sans dire que l’univers, qui a un corps, ne peut avoir la perfection de l’univers intelligible. Selon la loi qui régit la procession, en effet, chaque produit est inférieur à ce qui l’a engendré. L’Intellect est inférieur à l’Un, l’Âme est inférieure à l’Intellect et le monde sensible est inférieur à l’Âme. Il y a dégradation progressive. Les Formes qui sont dans l’Intellect deviennent des raisons dans l’Âme, puis des raisons dans l’âme du monde et dans les âmes individuelles, et enfin ces raisons terminent leur descente dans la matière sensible. L’univers est certes la plus belle image possible de l’Intellect, mais elle demeure la version dégradée d’un modèle transcendant ; il n’a pour perfection que celle que peut avoir l’image matérielle d’un archétype immatériel. Lorsqu’il s’agit de défendre la beauté et la perfection de l’univers, Plotin laisse la parole au monde lui-même, dans une magnifique prosopopée, la plus longue que l’on trouve dans les traités plotiniens (47 (III, 2), 3, 20-41). S’inspirant en partie du Timée, il explique que le monde est produit par un dieu, qu’il est complet, autarcique et qu’il contient tous les vivants : les plantes, les animaux, les dieux célestes, les démons et les âmes bonnes. L’univers grouille de vie apparente et cachée, car la puissance de l’âme s’étend partout, de la terre à l’éther, en passant par l’eau et l’air. Le monde entier est suspendu à l’Intellect et par là au Bien.

La perfection de l’univers n’implique pas qu’en lui toutes les parties soient les unes aux autres de même valeur. Il ne faut pas demander au doigt d’être comparable à un œil. C’est à l’œil et non au doigt qu’il appartient de voir. Chaque partie remplit sa fonction propre et chacune contribue à l’harmonie de l’univers. Car l’univers naît de l’harmonie qui unit des parties différentes et souvent contraires. Cette unité vient du fait que l’univers dérive d’une Âme totale et d’une raison totale. Certes, la fragmentation et la multiplicité inhérente aux raisons se reflètent dans l’univers que ces dernières produisent. Mais l’unité qui est la leur se transmet aussi à l’univers. Puisque les raisons se coordonnent entre elles et appartiennent à un seul tout, il en va de même pour les parties de l’univers. D’ailleurs, la beauté résulte ici-bas de l’agencement de parties d’inégale valeur. Un tout est beau non parce que toutes ses parties sont belles, mais parce que chacune se trouve à la place appropriée. Plotin en donne plusieurs exemples : une belle cité ne se constitue pas de citoyens égaux ; une belle cité doit avoir à son service un exécuteur public ; et une belle pièce de théâtre ne met pas en scène que des héros.

Les traités 47-48 expliquent donc que la providence vient de l’Intellect : celui-ci envoie de manière naturelle et sans réflexion, par l’entremise de l’Âme, des raisons qui produisent l’univers, qui le gouvernent et qui font de lui l’image la plus parfaite de l’intelligible. Chaque chose se trouve à la place qui doit être la sienne et l’univers ne pourrait être mieux qu’il n’est. Plotin ne saurait se montrer plus clair ni plus précis. On peut toutefois s’étonner des diverses manières dont il traite la question du mal. Car la question centrale de la théodicée reste en définitive de justifier la présence du mal dans un monde gouverné par la divinité. Suivant en cela Platon, Plotin explique d’abord que tout ce qui se passe dans l’univers existe en vue de l’ensemble et que ce que l’homme estime être des maux ne l’est pas pour l’ensemble ; ensuite, que les maux sont des punitions pour des fautes commises dans une vie antérieure ; et enfin que l’âme est seule responsable de la vie qu’elle a choisie et des maux qu’elle commet. Suivant en cela les stoïciens, il affirme d’abord que les maux ont en fait une utilité et qu’ils existent pour le bien de ceux qui les subissent ; ensuite, que les maux d’ici-bas n’affligent pas le sage, qui les tient pour des broutilles et des choses sans intérêt. Il oscille donc entre deux conceptions du mal : le mal comme illusion, et le mal comme entité réelle ; ou bien l’homme voit des maux où il n’y en pas, ou bien c’est lui qui commet le mal et il le subit en guise de châtiment. On peut aussi se poser des questions sur ce que Plotin considère comme étant à l’origine du mal. Il nie explicitement que la matière en soit la cause, accordant plutôt aux âmes individuelles la responsabilité des maux. Car la matière, dit-il, n’est pas un principe autonome qui viendrait brouiller les cartes ; en fait, elle est introduite par l’âme, qui la domine et qui la forme. Le traité 51 (I, 8), Quels sont les maux ?, affirmera au contraire que la matière est le mal premier et que l’union de l’âme et du corps constitue le mal second.

Si l’ambivalence de Plotin sur la question du mal annonce en quelque sorte le traité 51, le chapitre 6 du traité 48 l’incita sans doute à rédiger le traité 52 (II, 3), Si les astres agissent. C’est en effet la dernière fois où Plotin, avant son traité sur le sujet, discute la divination et l’astrologie. Il ne condamne pas l’astrologie et attribue son efficacité à la sympathie qui règne entre les parties de l’univers. Puisque toutes les choses sont associées les unes aux autres dans le même univers, le devin peut déduire une chose à partir d’une autre. S’il apprend à lire les « lettres » de l’univers, et plus particulièrement les mouvements des corps célestes, il peut faire des prédictions valables. Mais le devin se borne à annoncer des faits, sans en connaître le pourquoi. Il ne peut lire la providence elle-même, ni savoir ce qui est conforme à la providence. Un tel art n’appartient pas aux hommes, sinon à un sage. Comprendre les voies de la providence est le privilège d’un dieu.

Pour finir, il faut souligner le nombre important de comparaisons que Plotin développe dans les traités 47-48. Trois d’entre elles méritent d’être mentionnées. En premier lieu, la vie humaine est comparée au rôle qu’un acteur de théâtre tient sur la scène. Plotin revient à plusieurs reprises sur cette image qu’il ne développe pas toujours de la même manière. L’essentiel tient au fait que les hommes, au fil des réincarnations, ont plusieurs vies et qu’ils jouent à chaque fois des rôles différents. L’acteur dont le personnage meurt ne disparaît que temporairement de la scène, car il revient sous les traits d’un autre personnage, que ce soit dans la même pièce ou dans une pièce ultérieure. Le bon acteur obtient progressivement de meilleurs rôles, alors que le mauvais acteur se voit rétrogradé en raison de ses piètres performances. En deuxième lieu, afin d’illustrer de quelle manière l’univers est un tout unifié dans lequel les parties sont liées les unes aux autres sous un même principe, Plotin évoque l’exemple du général d’armée. Le général donne des ordres à ses troupes, qui se mettent en position et qui coopèrent avec lui. La providence est ce chef qui prévoit quelles actions ses soldats doivent exécuter et quelles privations ils doivent supporter. Le général met tout en ordre de manière à ce que chacun de ses hommes soit à la bonne place au bon moment. À la différence du général d’armée, pourtant, la providence ne contrôle pas seulement l’une des deux troupes en présence, mais elle dirige les deux corps d’armée ; elle est comme un général qui mène à la fois ses hommes et leurs adversaires. En troisième lieu, l’univers est comparé à un arbre dont toutes les parties dépendent d’une même racine et d’un même principe. De la racine naît un tronc, puis des branches, des ramilles, des feuilles et des fruits. Même s’ils s’éloignent progressivement de la racine et s’ils tendent vers la multiplicité, tous dépendent de la racine et vivent par la puissance qu’ils puisent en elle. La racine correspond à l’Âme, alors que le reste de l’arbre représente le monde sensible. Les astres et le ciel, qui sont permanents, sont le tronc et les branches, alors que les vivants sublunaires sont les feuilles et les fruits, qui naissent et périssent. Le ciel est près de la racine, alors que les choses d’ici-bas en sont éloignées. Dans l’arbre entier résident les raisons qui viennent des réalités supérieures ; et ce sont les fruits qui assurent sa reproduction, car en eux se trouvent des raisons qui leur permettent d’engendrer des êtres semblables à l’arbre et qui donneront les mêmes fruits. C’est ce qui se passe aussi pour les vivants sublunaires, qui se reproduisent espèce par espèce. Par ailleurs, des pousses ou des excroissances naissent dans les espaces vides qui existent entre les branches ; elles représentent les actions que les hommes réalisent d’eux-mêmes. Les branches « s’imaginent » qu’elles sont affectées par les pousses qui les avoisinent, sans que la racine y soit pour quelque chose. Mais elles se trompent, car les pousses dépendent elles aussi de la racine et elles agissent en accord avec elle. De même, on a tort de croire que les actions des hommes ne dépendent en rien de l’intelligible, car ces derniers se rattachent eux aussi aux intelligibles.