NOTICE

Dans le traité 50, Plotin n’entreprend rien moins que de dire philosophiquement ce qu’est l’amour. Ce traité ne résulte pas, comme c’est le cas pour bien d’autres, d’un découpage arbitraire dû à Porphyre : il présente une véritable unité de construction et, dans sa structure d’ensemble comme dans le détail de son déroulement, il apparaît d’une très forte cohérence, en dépit de ce qu’ont pu penser certains commentateurs ou traducteurs comme Émile Bréhier. Mais ce n’est pas un zetema, c’est-à-dire une recherche sur une question d’ordre purement cognitif ou intellectuel, portant sur un sujet classique discuté dans les écoles philosophiques de la Rome impériale – ce genre de réflexion aboutissant souvent, du reste, à une aporie. Un sujet comme l’amour devrait-il donc rester étranger à la spéculation philosophique ? Croire cela, ce serait ignorer que le rôle attribué à l’amour, à son origine, à ses effets sur l’âme et dans l’univers, fait l’objet des questions essentielles posées par Platon, principalement dans le Banquet et le Phèdre : pour Platon, la puissance de l’amour vient de ce qu’il est capable de donner accès au beau. Si c’est une passion, c’est la seule qui puisse avoir pour objet à la fois le sensible et l’intelligible : elle constitue donc le principe de la remontée de l’âme, conduisant à la contemplation du beau. C’est ainsi que la définition même du philosophe trouve dans l’amour du beau son principal ressort : le philosophe, c’est l’amant par excellence. Cette idée très importante, exprimée dans le Phèdre, ne peut manquer de se retrouver chez Plotin, notamment dans le traité 20 Sur la dialectique qui fait de l’amour l’un des points de départ de la dialectique ascendante. Éros est capable de conduire l’âme à remonter du sensible vers l’intelligible : les trois premiers chapitres du traité 20 sont une reprise, une adaptation et un commentaire de ce passage du Phèdre (248d) qui affirme que « l’âme qui a eu la vision la plus riche ira s’implanter dans la semence d’un homme qui deviendra amant, musicien ou philosophe ». On voit que pour Plotin, qui se veut toujours d’abord exégète de Platon, les questions touchant à la nature, à l’origine et à la puissance de l’amour étaient donc primordiales : présentes au cœur même de la réflexion philosophique, elles mettent en jeu la démarche – et donc la définition même – du philosophe. Toute la difficulté vient de ce que l’enseignement de Platon sur ces questions pouvait sembler contradictoire, puisque dans le Phèdre l’amour est présenté comme une divinité, qui prend possession de l’âme (242d9), et aussi comme une passion de l’âme (252b2), alors que dans les récits mythiques que développe le Banquet, il apparaît tantôt comme un dieu, lié à Aphrodite (discours de Pausanias, Banquet 180d-181c), tantôt comme un démon, fils de Poros et de Pénia (discours de Diotime, 203c-e). Cette diversité conditionne la démarche que va suivre Plotin dans le traité 50 : de là vient que, si c’est bien une question comportant un véritable enjeu philosophique que celle du statut ontologique de l’amour, la réponse apportée par Plotin va consister en grande partie à donner une interprétation des mythes que rapporte Platon.

C’est en tout cas de l’œuvre de Platon que proviennent les trois termes fondamentaux par lesquels Plotin formule sa question initiale et qui vont constituer, en quelque sorte, l’armature de sa recherche : Éros est-il un dieu ou un démon, ou encore une passion (páthos) de l’âme ? La question qui court d’un bout à l’autre de ce traité, à propos d’Éros, est celle de sa réalité ontologique : faut-il voir en l’amour une réalité véritable, d’ordre supérieur, auquel cas il pourra s’agir soit d’un dieu, soit d’un démon, c’est-à-dire d’un être éminemment bénéfique, intermédiaire entre l’humain et le divin. On se demandera alors en quoi consiste cette réalité, divine ou démonique, quelle est son origine et comment définir sa place parmi les êtres véritables. Ou bien faut-il plutôt considérer l’amour comme un événement qui affecte la vie de l’âme, une passion, qui sans doute peut se manifester sous des formes ardentes ou ravageuses, selon la variété des âmes individuelles, mais qui n’est rien qu’un phénomène relationnel, dépourvu de réalité autonome, d’existence véritable ? Le philosophe alors se demandera à quoi est due cette passion et surtout quelles sont les fins qu’elle poursuit et quels peuvent en être les effets dans la vie de l’âme.

Plotin consacre le premier chapitre (65 lignes) de ce traité à l’amour comme « passion de l’âme ». Sans jamais verser dans une simple éthique descriptive, ce long début accorde cependant une large place à la vie pratique, ce qui n’a rien de surprenant : on peut voir, dans cette prise en compte initiale de l’amour comme páthos, une sorte de concession à l’idéologie philosophique dominante de son époque, le stoïcisme de la Rome impériale, et à son exigence souvent concrète de réalisme dans le domaine éthique. C’est en tout cas pour Plotin l’occasion d’établir, suivant les valeurs d’une éthique tout à fait platonicienne, une distinction hiérarchisée entre divers types de conduite humaine et surtout de placer l’origine de l’amour dans le désir que l’âme éprouve pour la beauté. Ensuite, dans la partie la plus importante et la plus longue du traité, qui s’étend sur huit chapitres (du début du chapitre 2 jusqu’à la fin), la perspective est entièrement différente : on voit Plotin marcher sur les traces de Platon, le citer et l’interpréter, mais sans jamais en donner un commentaire systématique, de caractère scolaire, comme pourra le faire deux siècles plus tard Proclus. Reprenant les divers éléments d’origine religieuse ou mythologique contenus dans le Phèdre et dans le Banquet, Plotin repense le statut de l’amour, ce qui le conduit finalement à développer une vaste interprétation philosophique de type allégorique. L’enseignement de Platon étant, à son époque, connu et discuté depuis quelque six siècles, les vues de Plotin ne concordent pas nécessairement avec celles des interprètes antérieurs et comportent parfois un caractère polémique, comme on le voit dans le chapitre 5, pour ce qui concerne l’âme du monde : Plotin rejette l’idée selon laquelle Éros serait identifiable au monde sensible. Pour commencer, il s’inscrit dans la très ancienne tradition religieuse grecque qui présente Éros comme né d’Aphrodite (chap. 2-4) ; or, le double caractère d’Aphrodite, qui était appelée soit « ouranienne » (c’est-à-dire céleste), soit « populaire », explique qu’il y aura deux façons de considérer Éros. Plotin voit d’abord en Aphrodite l’âme comme réalité divine, et commence donc par faire de l’amour un être purement divin : Aphrodite, l’âme divine, est tournée vers la réalité divine et pure qu’est l’Intellect, Éros qui est né d’elle sera son regard, élan éperdu tendu vers la beauté. Mais voyant ensuite également en Aphrodite l’âme du monde, Plotin est conduit à parler aussi d’Éros comme d’un grand démon, tourné vers le monde sensible (fin du chap. 4). Parvenu à ce point, c’est à l’aspect démonique d’Éros que Plotin consacre ses plus longs développements (chap. 5 à 9), à travers une exégèse du mythe du Banquet qui fait naître Éros de l’union de Poros (Expédient) et de Pénia (Indigence). Des réflexions générales sur la nature et le statut ontologique des démons sont nécessaires (chap. 6) avant que Plotin ne donne des diverses figures présentes dans le mythe une interprétation allégorique précise et originale (chap. 7-9), assortie d’une réflexion sur l’usage du mythe que peut faire la philosophie (chap. 9).

L’attrait du beau, source de l’amour passion

Suivant une démarche déjà adoptée dans d’autres traités (voir par exemple le début du traité 19, qui s’ouvre sur les vertus politiques), Plotin prend pour point de départ les conditions ordinaires de la vie que nous menons dans le monde sensible. Il envisage donc, pour commencer, l’amour comme « passion de l’âme » et pose comme principe que, dans tous les cas, cette passion se manifeste par le désir de s’unir à la beauté, ce qui recouvre un éventail de conduites amoureuses fort diverses, depuis celle des gens « tempérants » jusqu’à celle de gens qui ne recherchent rien d’autre que l’union des corps. Il y a évidemment là une importante ligne de partage : dans la dialectique ascendante platonicienne, l’attrait de la beauté sensible constitue un premier degré, qui doit conduire, par la réminiscence, au désir de la beauté intelligible. Mais certains – la plupart des hommes, il faut bien le dire – s’en tiennent à la beauté sensible, ils se figurent que c’est là une réalité alors que ce n’est qu’une image : ceux-là ne recherchent donc que l’union des corps, et cette union peut être ou non accompagnée du désir d’engendrer ; par conséquent, l’essentiel leur échappe. Toutefois Plotin ne voit en leur passion rien de condamnable, puisque, à chaque fois, le principe de cette passion est dû à l’attrait qu’éprouve l’âme pour la beauté et à l’affinité de l’âme et du beau. Ces axiomes platoniciens étant posés, l’analyse conduit Plotin à distinguer, parmi les conduites que peut susciter cette passion, entre plusieurs niveaux qu’on peut ainsi récapituler : on trouve au sommet celui de l’amour pur, c’est-à-dire séparé de toute considération d’ordre sensible, qui est donc bien évidemment séparé du corps ; puis celui de l’amour mixte, c’est-à-dire en rapport avec le corps, qui peut soit n’avoir aucune perspective d’engendrement, soit au contraire avoir en vue la génération ; enfin, celui d’un autre amour mixte qui est donc en rapport avec le corps, mais qui dévie hors des voies naturelles et cherche à se réaliser « contre nature » : il s’agit là des perversions sexuelles, qui, cette fois, doivent toutes sans exception être réprouvées, à commencer par l’homosexualité, pratique que Plotin, à la différence de Platon, a toujours vivement condamnée.

Par cette triple répartition, Plotin envisage toutes les modalités selon lesquelles peut se présenter l’amour comme passion de l’âme. Cette distinction, inséparable d’une hiérarchisation, permet au philosophe de comprendre et d’établir la valeur de chaque conduite. Que l’âme soit affectée par l’amour n’est pas un fait répréhensible, et Plotin ne trouve rien à redire au fait que cette passion implique un lien avec le corps. Les deux premières catégories n’encourent donc de sa part aucune réprobation morale : Plotin approuve, évidemment, l’amour que nous pourrions dire aujourd’hui « sublimé », celui qui ne recherche pas l’union des corps, mais il admet aussi pleinement l’amour qui est tourné vers le corps, et même vers l’union sexuelle, qu’il soit ou non accompagné du désir d’engendrer. Sa réprobation morale est réservée à la troisième catégorie seulement, celle de l’amour mixte dévoyé. Cherchait-il ainsi à répondre à des adversaires trop rigoristes, qui condamnaient la présence en l’âme de toute forme d’affect et préconisaient une suppression complète de toutes les passions de l’âme ? Si tel est le cas, c’est manifestement l’éthique stoïcienne et son idéal d’apátheia qui sont visés. Parvenu à ce point, Plotin en a terminé avec l’amour comme passion de l’âme. Dans tout le reste du traité (chap. 2-9), il ne sera plus question que de l’amour considéré comme dieu ou démon.

Aphrodite et la naissance d’Éros

Plotin va désormais (au début du chap. 2) s’employer à rechercher en quel sens le philosophe peut parler de l’amour comme d’un dieu : pour cela, il commence par se référer à deux généalogies divines, à deux discours sur l’origine d’Éros, l’un transmis par ceux qu’il nomme les « théologiens », l’autre par Platon. Les théologiens ne sont autres que les poètes grecs, dont les œuvres sont remplies de « théologie » en ce sens qu’elles expriment les plus anciennes croyances de la tradition religieuse grecque, en des vers où se déploient des récits très variés, souvent pleins de contradictions internes, du reste. C’est ainsi que, tout d’abord, selon une tradition remontant à Hésiode et aux poètes Orphiques, Éros est présenté comme le fils d’Aphrodite. Or, dans le discours tenu par Diotime dans le Banquet, Éros naît de l’union de Poros et de Pénia : selon cette autre tradition, il n’est donc pas né d’Aphrodite, mais plutôt en même temps qu’elle, puisqu’il a été conçu durant les fêtes qui célébraient sa naissance. Au lieu d’opposer l’une à l’autre ces deux traditions, Plotin va entreprendre de donner une signification philosophique à chacune d’elles : ainsi va-t-il se trouver engagé sur une voie largement pratiquée par de nombreux philosophes et écrivains avant lui, notamment par les stoïciens, celle de l’interprétation allégorique.

La première question que pose Plotin porte donc sur Aphrodite. Reprenant un élément du discours tenu par Pausanias dans le Banquet, qui repose sur la réalité historique du culte à Athènes, il distingue deux Aphrodites : l’une dite « ouranienne », c’est-à-dire céleste, l’autre « pandémienne », c’est-à-dire populaire, épithète nullement péjorative signifiant au contraire que la déesse exerçait sa protection sur le peuple tout entier des Athéniens. C’est à cette lointaine double Aphrodite que Plotin entreprend de donner une signification philosophique : de l’Aphrodite ouranienne, il fait naturellement la fille de Kronos, qui pour lui symbolise l’Intellect. Cette Aphrodite céleste est une divinité pure, et si Platon dit qu’elle est « sans mère », cela signifie qu’elle est sans rapport avec la matière. On sait qu’à maintes reprises, Plotin a affirmé qu’Aphrodite, c’est l’âme : il s’agit donc là de l’âme divine ; et comme elle est tournée vers l’Intellect, qu’elle le contemple intensément, elle engendre un Éros qui ne peut être que divin. Mais l’autre Aphrodite (que Plotin, d’ailleurs, se garde bien de nommer « pandémienne » ou vulgaire) représente l’âme qui est tournée en direction du monde sensible : chargée de veiller aux mariages et en général à toutes les unions sexuelles d’ici-bas, elle engendre elle aussi un Éros qui, lui, est intérieur au monde. Pour cette raison, cet Éros ne saurait être un dieu et occupe le rang de démon : c’est un être intermédiaire entre l’intelligible et le sensible, entre l’immortel et le mortel. En résumé, Aphrodite étant double, son fils Éros se trouve à son tour dédoublé : le premier, être entièrement divin, est pour Plotin une hypostase qui, comme l’Aphrodite céleste, ne fait rien d’autre que de contempler intensément l’Intellect ; son activité n’étant que vision, son nom même le rattachant à la vision (Eros-hórasis), Plotin compare cet Éros à une sorte d’œil divin. L’autre Éros est un démon, associé à l’âme de l’univers que symbolise la seconde Aphrodite. Cette figure démonique d’Éros est présente dans le monde sensible, et se multiplie en étant présente dans l’univers tout entier, car à chacune des âmes individuelles correspond un Éros qui lui est associé. Plotin en vient ainsi à traiter de la démonologie, complétant la doctrine qu’il avait exposée dans le traité 15 (III, 4 : Sur le démon qui nous a reçus en partage). Le chapitre 6 du traité 50 est tout entier consacré aux démons, à leur statut d’êtres intermédiaires, à la distinction entre dieux et démons, à leur participation à la matière. Le rôle fondamental des démons est de relier les choses séparées : c’est éminemment ce que fait l’amour, qui n’est pas un démon parmi les autres, car c’est le plus grand et le plus puissant, celui dont l’activité se porte vers le bien universel alors que celle des autres démons porte sur des biens particuliers.

C’est en suivant cette voie que Plotin se trouve conduit, avec cet Éros-démon, à rejoindre l’autre discours mythique, celui de la fin du Banquet qui faisait de lui le fils de Poros et de Pénia. Cette fois, Éros n’est plus considéré comme le fils d’Aphrodite : c’est un être mixte qui a été engendré dans le jardin de Zeus le jour de la naissance d’Aphrodite. L’union entre Poros et Pénia symbolise, pour Plotin, l’ensemble des principes rationnels se déversant de l’Intellect dans l’âme : c’est ce qui explique qu’Éros, à l’image de ce que sont ses géniteurs, soit un être de raison, mais de raison impure (parce que liée à la matière) et indéterminée. D’où son insatisfaction congénitale et irrémédiable, qui le fait comparer à un taon, porteur d’un aiguillon. Ainsi, chacun des divers éléments du récit mythique du Banquet reçoit de Plotin une signification allégorique, mais selon un procédé qui n’a rien de rigide ni de systématique. Car entre signifiant et signifié, Plotin n’établit pas de correspondance terme à terme, simple et univoque, comme avaient voulu le faire avec les textes d’Homère et d’Hésiode les allégoristes stoïciens (Zénon, Cléanthe, Chrysippe, fervents adeptes de l’allégorie étymologique) : les figures mythiques sont pour Plotin des concepts vivants, tous les détails de ces épisodes fictifs sont représentatifs d’abstractions et d’événements métaphysiques. Poros correspond donc à l’ensemble des principes rationnels, Pénia à l’indétermination de la matière ; mais Zeus aussi représente l’Intellect, et le jardin de Zeus la splendeur du monde intelligible, dans lequel se dressent des statues, qui sont les réalités intelligibles dans toute leur beauté ; le nectar dont Poros était enivré au moment où Pénia s’est unie à lui représente également les idées, mais cette fois en tant qu’elles emplissent l’Intellect. On voit que, pour Plotin, l’exégèse allégorique n’est pas faite pour offrir régulièrement une série de clefs symboliques : ce n’est pas une démarche poursuivie pour elle-même, c’est avant tout un procédé d’exposition, un moyen d’expression philosophique. Pour expliquer la liberté avec laquelle il en use, il a inséré (chap. 9, 24-29) une réflexion sur l’usage des mythes que peut et que doit faire la philosophie. Dans ces lignes, il met au jour le procédé de morcellement dont use le récit mythique : séparation d’une unité conceptuelle et synchrone en des moments différents et successifs. Cette dissociation n’est que provisoire, elle ne doit durer que le temps du récit et a une fonction pédagogique ; et surtout, elle doit être suivie d’une recomposition. Le discours rationnel se sert donc du mythe, mais il faut observer pour finir que s’il peut le faire, c’est qu’il existe un caractère commun à la fiction mythique et à la construction rationnelle : aussi bien le mythe que la pensée discursive ont en propre de dérouler dans la temporalité le contenu, ramassé en lui-même et intemporel, de l’Intellect.

Une réponse au problème du mal ?

Ce traité a sans doute été écrit en 269, alors que les conditions dans lesquelles vivait Plotin étaient devenues très pénibles : parvenu à la vieillesse, il était accablé de graves souffrances physiques, ne voyant et ne parlant plus qu’avec difficulté. Réduit à la solitude, délaissé par la plupart de ses amis ou disciples, il avait dû se retirer en Campanie après la fermeture de son école à Rome (Vie de Plotin 2, 10-23) ; en outre, les nouvelles conditions politiques étaient pour lui plus que jamais défavorables après la mort de son protecteur l’empereur Gallien en 268. Au vu de toutes ces circonstances, on a pu supposer que le traité 50 avait été écrit, tout comme les deux suivants (51 : D’où viennent les maux ? et 52 : Si les astres agissent), pour apporter une réponse au problème que pose l’existence des maux dans l’univers, et surtout dans la vie humaine. Si l’on peut admettre cette façon de voir, faut-il penser que Plotin aurait cherché par ce traité à prouver que l’amour, en tant que passion, n’est pas responsable des maux dont on l’accuse ? Sans doute le propos essentiel de Plotin est-il plutôt de montrer qu’Éros, loin de se réduire à une passion, bonne ou mauvaise, est un dieu ou un démon, une réalité vivante étroitement apparentée à l’âme, capable d’en suivre ou d’en inspirer tous les mouvements, capable de l’orienter vers la beauté qui pour elle ouvre la voie au bien et au bonheur véritable.